La taxe RAM plus que jamais décriée : après le Parlement et la Justice, c’est le tour de la Banque Centrale

Plus que jamais décriée de toutes parts, la taxe RAM (Registre des appareils mobiles) passe difficilement dans l’opinion publique. Après les deux chambres du Parlement (Sénat et Assemblée nationale) qui ont enjoint le Gouvernement de suspendre le prélèvement de la taxe dont aucune trace ne se retrouve dans les comptes publics, c’est au tour de la Banque Centrale du Congo, autorité monétaire de la République Démocratique du Congo, de sermonner les opérateurs des télécoms qui s’immiscent dans un domaine qui n’est pas de leur compétence. Qu’adviendra-t-il finalement ? Jusques à quand le Gouvernement persistera-t-il avec cette taxe RAM ? Difficile à dire.

C’est en répondant à une correspondance de la FEC (Fédération des entreprises du Congo) que la Banque Centrale du Congo (BCC) vient finalement de s’immiscer dans le grand débat national autour de la taxe RAM (Registre des appareils mobiles), ce prélèvement, jugé indu, effectué sur les crédits de téléphones des utilisateurs connectés aux réseaux de télécommunications en RDC, principalement Vodacom, Airtel, Orange et Africel.

Dans son avis sur « le régime juridique applicable à l’utilisation du crédit de communication comme instrument de paiement », Mme Malangu Kabedi-Mbuyi, gouverneure de la BCC, n’est pas allée par quatre chemins.

« Le recours aux unités téléphoniques équivaut à l’introduction d’un nouveau moyen de paiement », a dit sans détours Mme la gouverneure. Et d’ajouter : «Le pouvoir libératoire accordé à cet instrument va à l’encontre de l’article 3, point 19 de la loi n°08/019 du 09 juillet 2018 limitant les types d’instruments de paiement». Elle poursuit en rappelant que «le troc n’est pas prévu comme moyen de paiement de la dette envers l’Etat, les unités téléphoniques étant considérées comme une marchandise».

Plus explicite, Mme la gouverneure, visiblement opposée à la perception de la taxe RAM, note que « cette pratique érige les opérateurs de la téléphonie mobile en émetteurs de monnaie et moyens de paiement, sans agrément dûment accordé par la Banque Centrale ».

Une position qui confirme, une fois de plus, l’illégalité d’une taxe pour laquelle le Gouvernement se refuse de se prononcer clairement, en se cabrant sur des considérations qui ne cadrent pas avec le cadré légal.

Econews

Qui a peur de la vérité dans le dossier RAM ?

Le greffier Jules Ngoy, incarcéré dans ce dossier alors qu’il a fait son travail et respecté ses prérogatives, a été libéré.

Le dossier de la sommation remise aux sociétés de téléphonie qui effectuent les prélèvements financiers au nom du RAM (Registre des Appareils mobiles) n’en finit pas d’animer les conversations et les réseaux sociaux en République Démocratique du Congo.

Le sort du greffier qui, faisant simplement son travail, a été arrêté et envoyé à Makala a suscité de nombreuses réactions qui ont abouti à sa remise en liberté ce jeudi 27 janvier en début de soirée.

On se souviendra qu’il avait été accusé de faux par le bureau du président du Tribunal de commerce de Kinshasa-Gombe. Une accusation que ne comprennent pas les avocats de ce dossier mais aussi d’autres juristes qui insistent sur le professionnalisme et la légalité de l’action de cet homme contrairement à ce qu’écrivait le président de son tribunal. Et la remise en liberté de Jules Ngoy semble jeter un doute de plus sur le communiqué du président du tribunal de commerce de Kinshasa-Gombe.

Dans les faits et dans ce contexte, la sommation n’a évidemment eu aucun effet. Les prélèvements se poursuivent. Les plaignants qui ont déposé cette sommation ne comptent pas abandonner leur combat pour aboutir à la suspension de cette «taxe» illégale d’une opacité totale. Personne (même le ministre des PT-NTIC Augustin Kibasa) n’est en effet capable de donner (ne veut le faire) le montant récolté à travers ces prélèvements et ces fonds sont introuvables dans les caisses du Trésor public.

Le 12 octobre dernier, déjà, alors qu’il venait d’échapper de peu à une motion de défiance sur ce dossier, le ministre Kibasa avait promis que «le gouvernement mettra tout en œuvre pour apporter des solutions idoines aux cris de détresse de nos compatriotes». Mais depuis cette date… rien.

Plainte en justice et boycott

Face à cet immobilisme, face à cette taxe illégale, les plaignants devraient déposer cette fois une plainte en justice.

«Il est évident que nous n’abandonnerons pas », explique Me Diakese, un des avocats à l’origine de la sommation. «Le parlement peut lancer un débat, faire du boucan un jour, avant de passer à autre chose. En justice, c’est beaucoup plus compliqué », poursuit l’avocat qui se félicite de la libération de Jules Ngoy («Sa place n’était pas en prison »), mais qui prévient sur Twitter : «La mobilisation continue pour sortir de la prison du RAM. Il est importantissime que ce procès à venir soit sous observation du pays tout entier. En justice, on ne peut pas faire n’importe quoi. Le juge doit dire le droit. Si un prélèvement n’a pas de base légale, il ne peut lui en inventer une. Ce pourrait être malsain pour certains d’aller en justice sur ce dossier ».

En attendant que l’affaire avance dans le dédale des procédures judiciaires, des initiatives s’élaborent pour tenter de faire pression sur les opérateurs téléphoniques qui prélèvent ces montants.

«Il est évident que le pays ne va pas pouvoir s’arrêter d’utiliser son téléphone mobile, mais on réfléchit à un mouvement de boycott pendant le week-end », explique un membre d’un mouvement citoyen. «Les communications flambent souvent pendant le week-end», explique de son côté Me Diakese, «si tout le monde décide de ne pas appeler ou de limiter ses appels, ça va impacter le portefeuille des sociétés de téléphonie et ils ne vont pas apprécier».

Le début d’un nouveau bras de fer en attendant qu’une réponse soit apportée sur les vrais bénéficiaires de ce prélèvements ? Une question cruciale si la justice devait déclarer ces prélèvements illégaux : Qui rembourserait ?

La Libre Belgique