«Ce que je pense» : retour sur ces tribunes intemporelles de Matata

C’est en novembre 2020 que je décide de créer un éditorial, intitulé « Ce que je pense », en vue de doter le Mensuel « Congo Challenge » d’un espace de réflexion sur un sujet du mois. C’est vrai que la Revue a pour mission d’informer l’ensemble de lecteurs sur l’évolution récente de la situation politique et socio-économique du monde et de la RDC, mais un coin d’analyse et de réflexion est apparu nécessaire pour offrir aux lecteurs les tenants et aboutissants d’une question d’actualité. C’est donc un espace de réflexion pour produire des idées devant permettre une meilleure compréhension de certains faits importants de l’année. Les idées sont nécessaires, voire indispensables dans la gestion d’une nation parce qu’elles nourrissent l’action. Elles sont comme la lumière qui éclaire le chemin du progrès. Du choc des idées jaillit la lumière, dit-on. Ce sont les idées qui sont à la base de la création ; et la création est à la base de la production. Et la production permet la distribution des richesses. Et ce sont les richesses qui assurent le bonheur du peuple. En définitive, ce sont les idées qui sous-tendent la prospérité des nations. D’où l’intérêt de nourrir nos lecteurs, non seulement des faits réels, mais aussi des idées qui sont en effet des clés de lecture en profondeur des phénomènes sociaux. La présente édition est un numéro hors-série qui reprend, d’abord les deux premiers éditoriaux de « Ce que je pense » de l’an 2020, ensuite les douze autres de l’an 2021. Pour la première année, les sujets traités sont : « la politique et l’économie» du mois de novembre et «l’union sacrée, est-ce le FCC bis ?» du mois de décembre. Pour la seconde année, plusieurs sujets ont été examinés parmi lesquels on retrouve : «la fausse stabilité macro-économique» du mois de janvier, «le prix Nobel Mukwege, une référence» du mois de juin et « le procès Matata ou la bataille entre le droit politique et le bon droit» du mois de novembre. Voici, la substance de ces éditoriaux.

En 2020

1. La politique et l’économie

Dans cette tribune, j’avais prévenu le pouvoir politique en place de l’impact négatif que peut avoir un gouvernement d’union nationale sur les performances socio-économiques dans un pays. Dans toute nation, la politique et l’économie s’emboitent. L’une a des implications forcément sur l’autre et vice-versa. En effet, les mauvaises décisions prises au niveau du pouvoir politique ont toujours des répercussions sur l’économie.

Et la RDC n’étant pas exemptée de ce principe, nous ne pouvions pas espérer de meilleures performances socio-économiques à partir de mauvaises décisions politiques telles que l’institution d’un gouvernement d’union nationale avec des opérateurs politiques venant du FCC. Plus d’une année après, nos prédictions se sont révélées vraies.

2. L’Union sacrée, est-ce le FCC bis ?

L’idéologie est un élément clé d’un parti ou regroupement politique. Je savais qu’il est difficile pour un regroupement composé d’une multitude de partis politiques ayant des idéologies différentes d’obtenir des résultats macro-économiques satisfaisants. J’ai vu les difficultés de gouvernance qu’a rencontrées la coalition

FCC-CACH. Estimant que l’Union sacrée était une copie conforme du FCC, j’ai prévenu le pouvoir politique que les résultats économiques attendus risquaient d’être similaires à ceux obtenus par la coalition FCC-CACH.

En 2021

1. La fausse stabilité macroéconomique

Ce n’est que la vraie stabilité macroéconomique qui garantit de bonnes perspectives de développement économique. La fausse stabilité, quant à elle, compromet l’avenir socio-économique des pays. Cela a été le cas lors des ajustements structurels de triste mémoire initiés et appuyés par des institutions de Bretton Woods vers les années 70 et 80. Malheureusement, la RDC enregistre depuis quelques années une stabilité macro-économique factice incapable de relancer une forte croissance dans la durée. C’est donc une stabilité appauvrissante.

2. Le climat des affaires et le progrès économique

Un bon climat des affaires, résultat des réformes économiques d’envergure, induit nécessairement le progrès économique. Un mauvais climat des affaires produit les résultats contraires. La RDC étant classée parmi les derniers pays en termes de climat des affaires, aucun investissement sérieux ne peut y être attendu. Et, ce ne sont pas de forums de toute nature ou des publicités dans les grandes chaines de télévision occidentales qui peuvent amener les grands investisseurs dans le pays. Il faut donc des réformes en profondeur pour redorer l’image du pays.

3. Le découpage des provinces, est-ce une réussite ?

La décentralisation est l’un des moyens devant garantir une gestion efficace et efficiente de l’espace territorial d’un pays. Elle consiste notamment à rapprocher les administrés des dirigeants politiques. La RDC a tenté l’expérience en découpant les 11 onze provinces initiales en 26 autres actuelles. Malheureusement, les fruits tardent à venir. Quelles sont les raisons à la base de cette situation ? Nous avons tenté d’y répondre.

4. Le Prix Nobel Mukwege, une référence.

Dr Mukwege est l’unique congolais ayant reçu le prix Nobel, lui décerné en 2018, rentrant ainsi dans l’histoire et le patrimoine de l’humanité. La jeunesse congolaise devait s’en inspirer. Car, ce n’est que de cette manière qu’elle pourrait aussi prétendre faire partie de l’histoire des grands hommes. L’histoire de ceux qui ont fait un don de soi au monde et qui travaillent d’arrache-pied au profit de l’humanité.

5. Bukanga-lonzo et l’effondrement d’un rêve dans le secteur agricole

La modernisation du secteur agricole est une condition sine qua non pour prétendre à l’autosuffisance alimentaire dans un pays comme la RDC dont la population approche les 100 millions d’habitants.

L’implantation des parcs agro-industriels est un des moyens surs pour y arriver. Le projet du parc de Bukanga-Lonzo, initié par mon gouvernement en 2014, répondait rigoureusement à ces exigences.

Malheureusement, il a été victime d’un complot monté par les opérateurs économiques et soutenus par les opérateurs politiques. Ce projet a été abandonné et est à la base de poursuites politico-judiciaires initiées à mon encontre.

6. La Covid-19 et les perspectives économiques

La pandémie Covid-19, outre ses effets néfastes sur le plan sanitaire, a eu des répercussions énormes sur le plan économique, et aucune économie n’en a été épargnée. Cela s’est matérialisé au travers d’une contraction de l’activité économique dans tous les pays du monde, remettant ainsi en question leurs perspectives économiques. Les politiques et systèmes de santé mises en place dans de nombreux pays pour y faire face ont été d’un apport appréciable. Nous avons examiné le cas de la RDC.

7. Les quatre réquisitoires du Procureur et l’acharnement politique

Ayant pour objectif de condamner à tout prix monsieur Matata et de le jeter en prison, le Procureur général près la Cour constitutionnelle a envoyé au Sénat quatre réquisitoires successifs pour obtenir l’autorisation des poursuites à mon endroit. Finalement, il s’est arrangé pour obtenir de manière rocambolesque la levée de mes immunités par le bureau du Sénat alors que les sénateurs étaient en vacances. Toute la procédure suivie par le parquet général n’était pas globalement conforme à la Constitution et aux lois du pays. Cela est apparu aux yeux de l’opinion tant nationale qu’internationale comme un acharnement politique.

8. Suis-je devenu un prisonnier politique ?

L’instauration d’un Etat de droit, est l’un de multiples attributs des Etats démocratiques, dont la RDC se revendique. Malheureusement, c’est dans cet Etat de droit (la RDC), qu’un Sénateur s’est vu priver injustement pendant neuf fois de sa liberté, sans procès ni jugement au préalable, ce qui constitue une dérogation non négligeable aux principes de l’Etat de droit, voire même à certains de droits humains les plus fondamentaux, à savoir, la liberté et la présomption d’innocence.

9. Les réserves de change et le développement économique

Ce qu’il faut retenir de la récente augmentation remarquable de réserves de change en RDC, est que cette performance, bien qu’étant en grande partie tributaire de la Facilité Elargie de Crédit accordée par le FMI, devrait aider au renforcement de la crédibilité et de la résilience en matière de gestion de politique de change en particulier, et de politique économique, en général. Il y a lieu cependant de garder à l’esprit, à la différence des recettes publiques, que ces réserves, au regard de leur modicité par rapport aux besoins d’importation, ne doivent en aucun cas servir encore au financement des dépenses d’investissement.

10. Les secteurs de l’éducation et de la santé en grève

D’après bon nombre d’études scientifiques, l’éducation et la santé sont les facteurs les plus déterminants de la croissance et du développement économique.   De ce fait, la RDC ne pourra espérer se développer aussi longtemps qu’elle ne fera pas de ces deux facteurs clés, une priorité des priorités comme nous avons essayé de le faire entre 2012 et 2016. Cela passera essentiellement par d’importants investissements qui amoindriraient la probabilité de survenance des grèves dans les deux secteurs.

11. Le procès Matata ou la bataille entre le «droit politique» et «le bon droit»

Le procès Matata aura démontré les limites de gouve-rnance des juridictions congolaises. En effet, la Constitution et les lois de la République ont été tellement violées que les observateurs avertis se sont posé la question de savoir si les magistrats du parquet général près la Cour constitutionnelle se sont référés au «droit politique» ou au «bon droit». Au terme du prononcé de la Cour constitutionnelle, tout le monde a compris que le parquet général s’était plutôt référé au droit politique.

12. L’arrêt de la Cour constitutionnelle remis en cause par le Sénat et le Parquet général près cette Haute juridiction. Où est l’Etat de droit ?

Plusieurs opérateurs politiques tenaient à ce que monsieur Matata soit absolument condamné à l’issue de ces poursuites politico-judiciaires engagées contre lui. Malheureusement, à l’issue de son prononcé, la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente pour le juger. Elle a aussi, au terme de son arrêt, démontré qu’aucune autre juridiction de l’ordre judiciaire, y compris la Cour de cassation, ne pouvait le juger.

En dépit de la force exécutoire immédiate de l’arrêt, le président du Sénat et le Procureur général près la Cour constitutionnelle ont refusé de l’appliquer, mettant ainsi en mal les principes d’un Etat de droit tel que voulu par le Président de la République.

Matata Ponyo Mapon

Sénateur