Silence, on juge !

Une opinion publique, les médias, des partis politiques et une société civile sous le choc, pour n’employer qu’un euphémisme tout fait ordinaire. Et pour cause : le rapport de la Cour de cassation sur l’assassinat de l’ancien député Chérubin Okende accréditant la thèse du suicide se serait limité à soulever une indignation et un émoi compréhensibles. Sauf qu’il était assorti (et il l’est toujours) de la menace dûment transmise au procureur près le Tribunal de Grande instance de Kinshasa/Gombe qui a la terrifiante latitude d’interpeller quiconque remettrait en question les conclusions de l’enquête.

Dès lors, ils en ont pour leurs frais, tous ceux qui rêveraient encore des libertés publiques expressément codifiées à l’article 23 de la Constitution qui stipule que « Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit implique la liberté d’exprimer ses opinions ou ses convictions, notamment par la parole, l’écrit et l’image, sous réserve du respect de la loi, l’ordre public et des bonnes mœurs ».

Des rumeurs d’une révision de la loi fondamentale se font de plus en persistantes depuis l’avènement du chef de l’Etat et sa majorité parlementaire au cours de son second et dernier mandat qui n’en est seulement qu’à son deuxième mois. Hélas, l’on n’y est pas encore. Ce qui signifie que le seul texte en vigueur reste la Constitution de février 2006; et que, jusqu’à nouvel ordre, il s’impose à tous et qu’il faut faire avec. Prendre des libertés avec ces notions universelles, devenu monnaie courante dans le chef de la justice congolaise explique pourquoi les prisons débordent de détenus pour délits mineurs dont certains n’ont jamais été présentés à un juge depuis de longues années; que des prisonniers attendent indéfiniment l’exécution de l’arrêt de leur mise en liberté, que des journalistes sont régulièrement déboutés de leurs demandes de mise en liberté provisoire…

S’il en est un dont le cas devrait interpeller les magistrats, c’est bien le Magistrat suprême en personne. Le président de la République Félix Tshisekedi qui ne se prive pas de la moindre occasion de tirer à boulets rouges sur une justice qu’il juge malade. Alors interdire la moindre réflexion, le moindre commentaire; assimiler l’analyse objective aux commérages et autres faux bruits; tenir constamment l’épée de Damoclès au-dessus de la tête de toute une communauté sera à la longue contreproductif. L’urgence demeurant pour le corps judiciaire une auto-administration d’une thérapie de choc dont jaillira peut-être, enfin, une Justice résolument au service des futures générations.

Econews