Lundi à Rotterdam (Pays-Bas), le Sommet sur l’adaptation climatique en Afrique a exposé les grandes lignes d’une « percée en matière d’adaptation » en cinq points pour la Conférence climatique clé de l’ONU en Égypte (COP27), en novembre prochain, et 55 millions de dollars US de nouveaux financements pour mobiliser plus de cinq milliards de dollars US dans des projets d’action d’adaptation climatique pour l’Afrique.
Des dirigeants africains et internationaux, dont le Chef de l’Etat congolais, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, ont rejoint, lundi à Rotterdam (Pays-Bas), le Sommet sur l’adaptation en Afrique au « Global Center on Adaptation », soulignant les éléments les plus critiques de la réponse de la communauté internationale à la crise climatique qui affecte fortement l’Afrique en tant que région la plus exposée du monde, deux mois avant la conférence mondiale sur le climat de l’ONU à Sharm al-Sheikh, en Égypte (COP27).
Patrick Verkooijen, PDG du Global Center on Adaptation (GCA), a indiqué que «l’Afrique est inarrêtable. Mais l’Afrique est le point zéro de la dégradation du climat au niveau mondial. Si l’Afrique ne parvient pas à s’y atteler, personne n’en sortira gagnant ! Les retombées climatiques en Afrique ne peuvent pas être endiguées. Les mesures d’adaptation peuvent et doivent donc s’étendre à un rythme soutenu sur tout le continent. Le monde doit redoubler d’efforts en termes d’adaptation lors du sommet des Nations unies sur les changements climatiques qui se tiendra en Égypte dans quelques semaines ».
Il a ajouté que «nous avons besoin d’une percée en matière d’adaptation pour l’Afrique durant la COP27. Autrement dit, les fonds destinés à l’adaptation doivent affluer de manière visible en Afrique. Cela signifie que les nations riches doivent répondre à la demande financière du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique et de sa Facilité de financement en amont d’ici la COP27. Si nous échouons, tous les acquis de la COP de Glasgow sont en danger ».
Le communiqué en cinq points du Sommet a fait ressortir que l’Afrique se situait à un moment charnière, étant donné qu’elle est la plus exposée à la crise alimentaire causée par le conflit ukrainien et qu’elle se trouve en première ligne de la crise climatique mondiale. Il a souligné que le succès de la COP27 reposera sur la capacité à répondre aux besoins de l’Afrique, le continent le plus vulnérable au climat, et sur le financement des principaux programmes d’adaptation menés par les pays, tels que le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP).
Le président de l’Union africaine et président du Sénégal, Macky Sall, a déclaré : « Il faut s’adapter ou accepter de mourir. Nous n’avons pas le choix. Le temps dont nous disposons pour agir touche à sa fin. L’Afrique doit donner la priorité à l’adaptation. L’Afrique doit investir massivement dans l’adaptation et la résilience. En tant que président de l’Union africaine, je presse les partenaires de développement de l’Afrique de financer pleinement l’AAAP et d’en faire un modèle exemplaire de ce qui est possible lorsque nous collaborons. Cet impact sera renforcé par votre soutien à la Facilité de financement en amont de l’AAAP et à l’Action climatique de la Banque africaine de développement dans le cadre de la reconstitution du FAD. L’AAAP permet de concrétiser la vision de l’Initiative pour l’adaptation en Afrique ».
L’appel du Président Tshisekedi
Pour sa part, le Président Félix Tshisekedi a réitéré sa requête pour le respect du Pacte de Glasgow, c’est-à-dire des engagements pris par les pays pollueurs face aux changements climatiques et d’autres crises qui impactent négativement le développement du continent. La Covid- 19 ainsi que les effets collatéraux de la guerre en Ukraine.
«L’Afrique a besoin de 36 milliards par an pour faire face aux impacts négatifs actuels du changement climatique. Elle n’en perçoit que six milliards. Donc doublement lésé par le changement climatique et le financement climatique », a rappelé le Président Félix Tshisekedi, dans son discours à Rotterdam.
Le Sommet a souligné que l’Afrique connaît un réchauffement plus rapide que les autres régions. Ses vulnérabilités socio-économiques sous-jacentes signifient également que neuf des dix pays les plus vulnérables du monde se trouvent en Afrique, où les dépenses alimentaires représentent 75 % du revenu des groupes les plus pauvres du continent alors que plus d’un cinquième de tous les Africains souffrent déjà d’insécurité alimentaire. Le nombre de nations africaines les plus pauvres présentant un risque élevé de surendettement a également triplé ces dix dernières années.
Le président Akufo Addo du Ghana et président du Forum sur la vulnérabilité climatique a déclaré : «Si nous voulons que l’Afrique prospère, nous devons nous adapter au changement climatique. L’Afrique doit remédier au déficit de financement destiné à l’adaptation. Nous ne sommes plus en mesure d’attendre. J’attends avec impatience la concrétisation rapide du Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP). Le sort de notre continent et de la planète en dépend». Le président Akufo Addo a par ailleurs insisté sur les priorités de la COP27 en matière d’adaptation, appelant notamment à « un plan de mise en œuvre autonome de l’objectif de doubler le financement consacré à l’adaptation convenu lors de la COP26 d’ici 2025. Il est temps de transformer les paroles en actes et de matérialiser les ambitions en actions ».
Réactiver le Pacte de Glasgow
La secrétaire générale adjointe des Nations Unies, Amina Mohamed, a déclaré : « La décision de Glasgow exhorte les pays développés à doubler collectivement le financement consacré à l’adaptation d’ici à 2025. Ces fonds doivent être versés dans leur intégralité, comme point de départ. Les pays développés doivent proposer, d’ici la COP27, une feuille de route claire indiquant comment et quand ils respecteront cet engagement ». Il a également fait remarquer que le versement des fonds d’adaptation sera un «test décisif » pour les pays qui respectent leur engagement envers le Pacte de Glasgow, et il s’est joint à l’appel lancé à la COP27 pour que celle-ci fasse progresser les choses concernant la mise en œuvre de l’adaptation.
Le Sommet qui s’est tenu au siège flottant du GCA dans le port de Rotterdam a annoncé 55 millions de dollars de nouvelles contributions du Royaume-Uni (23 millions de dollars US), de la Norvège (15 millions de dollars), de la France (10 millions de dollars US), du Danemark (7 millions de dollars US), entre autres, à la Facilité de financement en amont de l’AAAP gérée par la GCA, dont le ratio de levier de 1:100 influencera plus de 5 milliards d’investissements consacrés à l’adaptation climatique en Afrique. La Facilité de financement en amont a été décrite par le président du GCA et 8è Secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon comme la « courroie de transmission » des meilleures connaissances et innovations mondiales et régionales directement vers les projets d’investissement à grande échelle en Afrique.
Les donateurs, qui ont annoncé de nouveaux engagements de financement à la Facilité de financement en amont de l’AAAP lors du Sommet, ont également formulé des commentaires.
A ce propos, Alok Sharma, ministre britannique de la COP26, a fait remarquer : « La COP26 a été une étape importante pour l’adaptation, mais il nous faut intensifier le rythme et transformer les engagements pris dans le pacte climatique de Glasgow en actions urgentes si nous voulons protéger les populations les plus vulnérables aux impacts du changement climatique ». Et d’ajouter : « Comme convenu lors de la COP26, les nations développées doivent au moins doubler collectivement le financement accordé aux pays en développement pour l’adaptation au changement climatique d’ici à 2025. Le financement public ne sera pas suffisant, c’est pourquoi des initiatives telles que le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique sont essentielles pour mobiliser l’engagement et les investissements du secteur privé en faveur de l’adaptation ».
Le dialogue, auquel ont participé plus de soixante-dix leaders de la communauté internationale du climat et du développement, s’est conclu par l’adoption d’un communiqué en présence des co-convocateurs du Dialogue, du président du conseil d’administration du GCA, Ban Ki-moon, du PDG du Global Center on Adaptation, du professeur Patrick Verkooijen; du président de l’Union africaine, Macky Sall du Sénégal; du président du Forum sur la vulnérabilité climatique, Akufo Addo du Ghana ; du président Tshisekedi de la République démocratique du Congo, hôte de la pré-COP27, et du coprésident du conseil d’administration du GCA, Feike Sijbesma.
Le Global Center on Adaptation (GCA) est une organisation internationale qui travaille comme une solution intermédiaire pour accélérer l’action et le soutien aux solutions d’adaptation, de l’international au local, en partenariat avec les secteurs public et privé, pour s’assurer que nous apprenons les uns des autres et travaillons ensemble pour un avenir résilient au climat.
Fondé en 2018, le GCA est hébergé par les Pays-Bas, travaillant depuis son siège à Rotterdam avec un centre de connaissances et de recherche basé à Groningue.
Voici les cinq points du communiqué du Sommet sur l’adaptation en Afrique
L’Afrique à un moment charnière : la communauté internationale doit prendre en compte les nombreuses crises économiques, climatiques et sanitaires qui secouent l’Afrique.
- Le continent le plus vulnérable : l’Afrique est le continent le plus vulnérable aux conséquences de la crise climatique.
- Multiplier par deux le financement de l’adaptation : les avancées et la transparence sur l’accord de la COP26 consistant à multiplier par deux le financement international de l’adaptation d’ici 2025 en l’intégrant aux programmes nationaux des plus vulnérables seront essentielles au succès de la COP27.
- Capitaliser le programme d’adaptation de l’Afrique (AAAP) : si le volume financier de l’AAAP a déjà été capitalisé à hauteur de moitié, la COP27 est l’occasion pour la communauté internationale de faire preuve de solidarité avec les efforts d’adaptation audacieux du continent le plus vulnérable du monde en comblant le besoin de ressources non encore satisfait pour les actions climatiques du Fonds africain de développement (FAD).
- Mettre à disposition le mécanisme de financement en amont de l’AAAP : la mise à disposition de l’ensemble des ressources nécessaires au mécanisme en amont d’ici la COP27 permettra à l’AAAP de concrétiser toutes ses ambitions dans des projets d’adaptation sur le terrain à travers l’Afrique, ce qui constitue l’un des principaux objectifs de la «COP africaine».