Le double-jeu ougandais

Depuis deux mois et demi, la cité de Bunagana est occupée par le M23 parrainé par le Rwanda. Si Kigali ne fait pas mystère de son soutien logistique aux rebelles, la position de l’Ouganda reste ambiguë. Une ambivalence diabolique qui permet à un Yoweri Museveni réconcilié avec Paul Kagamé qui lui sert de paravent, à réaliser un vieux rêve : étendre sa zone d’influence prédatrice à l’heure où les Etats voisins membres de l’East African Community se ruent à la curée sur l’économie congolaise sous le prétexte de l’adhésion de la RDC à cette communauté.
La raison en est simple : l’Ouganda n’entend pas laisser le Rwanda profiter seul des richesses de l’Est de la Rd-Congo. Le stratagème de Museveni consiste à jeter constamment de la poudre aux yeux des dirigeants congolais qui, à la longue, n’y voient que du feu.
Avec un machiavélisme accompli, le président ougandais a réussi le tour de force d’envoyer en terre congolaise son armée (l’UPDF) aux côtés des FARDC dans des «opérations conjointes» destinées soi-disant à traquer les groupes armés non-étatiques, et à faire participer la même UPDF dans la force régionale de l’EAC, tout en entretenant un soutien à peine dissimulé au M23.
L’attentisme du gouvernement congolais – qui finit par inhiber son armée contraste avec les appels de la société civile du Nord-Kivu qui alerte en vain sur l’imminence d’une offensive de grande envergure des coalisés M23-Rwanda-Ouganda. Objectif : s’emparer de la base militaire de Ruma-ngabo avant de foncer sur Goma pour enfin négocier en position de force. Le déclenchement des hostilités ne serait plus qu’une question de jours, le temps de parachever la formation des jeunes recrues entraînées depuis plusieurs semaines dans le Rutshuru.
Virtuose accomplie dans l’art de la distraction, la classe politique congolaise se délecte des querelles de clocher genre « émoluments des députés nationaux », ou la création à tour de bras de partis politiques spécialisés dans les techniques hautement intéressées de la reptation.
Pratiquant à la perfection la politique de l’autruche, elle (la classe politique) évite ainsi de prendre à bras-le-corps la désormais quadrature du cercle que posent des alliances mortifères du genre de celle conclue avec l’Ouganda. Pendant ce temps, Kampala et Kigali s’activent, se disant que jamais l’occupation durable d’une partie de la RDC ne fut autant à leur portée.