Ce vendredi 7 octobre 2022, le soir vient de tomber sur le boulevard du 30 juin, principale artère au centre-ville de Kinshasa. En ce début de week-end, Nicolas Kazadi, le ministre des Finances, n’a pas le cœur à la fête. Il attend les derniers chiffres qui doivent venir de différentes régies financières nationales du pays : la Direction générale des douanes et accises (DGDA), la Direction générale des impôts (DGI), et la Direction générale des recettes administratives et domaniales et de participations (DGRAD).
A 18h, une grosse sueur perle sur son visage malgré le froid de la climatisation. Puis, c’est la joie dans les allées du cabinet, les chiffres sont tombés : le Gouvernement a réussi le pari de mobiliser la totalité des recettes publiques prévues au budget 2022 en seulement neuf mois.
Un pari fou !
En effet, le budget 2022 a été élaboré dans un incroyable défi d’un accroissement majeur des recettes de l’Etat, soit un accroissement de 41% par rapport au budget précédent. Atteindre et dépasser 10 milliards de dollars US, Félix Tshisekedi en avait fait une question d’honneur. «Ce n’est pas pour rien que le Chef de l’Etat l’a nommé aux Finances. Il connaît son expertise et sa détermination», nous confie un observateur averti.
Janvier 2022, cet économiste austère, formé notamment à Paris I Panthéon-Sorbonne et à l’école d’élite française ENA, blanchi sous le harnais à la BAD (Banque africaine de développement) et au PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement), signait avec les dirigeants des trois régies financières nationales des contrats de performance pour l’année en cours, en marge d’une retraite stratégique des services de son ministère dans la cité balnéaire de Muanda, au Kongo Central. Ces contrats de performance visaient à consolider la tendance haussière de mobilisation des recettes amorcée en 2021 afin d’atteindre, voire dépasser les prévisions des recettes votées dans la loi de finances 2022.
Les instructions du Chef de l’Etat étaient claires et nettes : le pays doit franchir le cap de 10 milliards USD annuels, même si le total PIB n’a pas encore connu un bond en avant. «Nous avons un des taux de fiscalisation de l’économie les plus faibles d’Afrique. Avec le même revenu national, nous pouvons mobiliser un budget plus conséquent», avait indiqué Félix Tshisekedi au cours d’une réunion du Conseil des ministres.
Un exploit en 4 ans
«Le match a été gagné, mais nous ne connaissons pas encore le score», lance un journaliste économique de Kinshasa. En effet, pour les trois derniers mois de l’année, si l’on continue sur la même lancée, on attend un minimum de 2,5 milliards de dollars US, peut-être même plus de trois milliards. Une véritable manne par ces temps où de nombreuses économies sont menacées de récession à travers le monde. Déjà, l’IGF Jules Alingete plaide pour une loi de finances rectificative. A quoi sera affecté cet excédent ?
«Aux dépenses sociales, par exemple l’augmentation des salaires des fonctionnaire. Il faut qu’on en sente l’effet dans notre vie de tous les jours», espère Nathalie Sola, étudiante à l’Université de Kinshasa. «Priorité au programme de développement de 145 territoires. C’est la base du développement du pays», rétorque son collègue Alain Kahasha.
Somme toute, en quatre ans, le budget réellement mobilisé du pays a été doublé, passant d’environ cinq milliards USD à plus de 10 milliards. Un véritable exploit. Désormais, les regards sont déjà tournés vers le budget 2023, dans l’espoir d’autres exploits.
«En Côte d’Ivoire, il a fallu à un expert reconnu et tant vanté comme Alassane Ouattara 10 ans pour doubler le budget qu’il a trouvé sous l’ère Gbagbo. Fatshi a réussi cet exploit en quatre ans», confie Sharon Mujinga, start-uper installée aux Etats Unis de passage à Kinshasa.
Le tableau ci-après compare la gouvernance de Joseph Kabila à celle de Félix Tshisekedi en matière de mobilisation des recettes publiques.
Mobilisation des recettes publiques de 2012 à 2022