Scandale à l’Inspection générale des finances (IGF) où une mission de contrôle se substitue à Jules Alingete, inspecteur général des finances-chef de service, en sanctionnant l’entreprise minière Sicomines S.A. C’est finalement le nom du patron de l’IGF qui est traînée dans la boue par la faute – disons l’excès de zèle – de son équipe d’inspecteurs dépêchés dans les installations de la Sicomines. Suspendre les droits d’exonérations douanières légalement reconnues à la Sicomines est une faute grave qui démontre la légèreté avec laquelle les inspecteurs des finances font leur travail. Pour Jules Alingete, dont le nom est associé à cette affaire, la meilleure façon de se repentir est de remettre dans les rangs ses inspecteurs des finances qui sont allés au-delà des pouvoirs leur reconnus par la loi. Un expert démontre les incongruités de cette mesure de suspension des droits d’exonération douanière en faveur de la Sicomines.
Bien qu’elle ait constaté que l’ordre de mission, établi le 24 juin 2022 pour 60 jours, est arrivé à terme le 24 août 2022, la Sicomines s’est montrée coopérative en répondant à l’invitation qui lui a été adressée cinq jours après, c’est-à-dire hors délai. Sa confiance a été abusée…
En plus, l’équipe de contrôle a instruit elle-même la direction provinciale de la DGRAD/ex-Katanga de procéder à la suspension des exonérations alors que cette compétence est de la hiérarchie de l’Igf et de la direction générale des douanes et accises, en plus du ministère des Finances…
Dans sa livraison du jeudi 13 octobre 2022, Jeune Afrique annonce par son article, intitulé «Déficit d’infrastructures, faible niveau de planification, absence d’études de faisabilité », la décision attribuée à l’inspecteur général des finances-chef de service, Jules Alingete, de suspendre les droits d’exonération douanière accordés à la joint-venture Sicomines S.A. La question première est de savoir qui a compétence de prendre une mesure d’une extrême gravité puisque l’injonction n’émane pas de lui mais de son équipe de contrôle dépêchée dans l’ex-Katanga.
En effet, la lettre du 21 septembre 2022 évoquée dans l’article de Jeune Afrique ne porte pas la signature de Jules Alingete mais plutôt celle des membres de l’équipe de contrôle opérant sur la base d’un ordre de mission avec objet, période de contrôle et durée bien déterminés. De un…
De deux, dans cette même lettre, l’équipe – qui saisit par ampliation sa hiérarchie ainsi que le directeur général des douanes et accises s’adresse directement au directeur provincial de la Dgrad pour exécution, ignorant superbement la direction générale de cette régie financière, en plus du ministère des Finances, pourtant autorité compétente en la matière.
Qui peut annuler une décision administrative engageant le gouvernement avec une tierce partie ? La question reste de mise.
Mais à ce niveau, le principe du parallélisme de forme voulant qu’une décision administrative prise en respectant certaines formes, ne peut, en cas de silence du texte de la décision inverse, être prise qu’en suivant la même procédure.
Pour appréhender les abus commis, rien de mieux que de consulter sans parti pris la correspondance échangée entre les protagonistes.
Premier document de référence : l’ordre de mission délivré le 24 juin 2022 par l’inspecteur général des finances-chef de service, Jules Alingete. Il est établi en faveur de l’inspecteur général des finances Wangi Bo-Lokonge, chef de mission, et les inspecteurs des finances Lukelwa Amisi, Ngasa Masiokpo, Ilunga Nyembwe et Ntantu Nsibitora.
Son objet en quatre points est, primo, «encadrer et surveiller toutes les opérations financières de mobilisation des recettes en particulier», secundo «s’assurer de la gestion efficace des régimes d’exception ainsi que des crédits d’impôts et de payements échelonnés», tertio «s’assurer de la pertinence et de la régularisation des facilités douanières» et quarto «s’assurer de l’efficacité du traitement des contentieux».
La période de contrôle indiquée est «depuis janvier 2022 jusqu’à la fin de la mission», tandis que la durée de la mission est de 60 jours, soit jusqu’au 24 août 2022. En plus, la période à contrôler va de janvier au 24 août 2022.
Acharnement et harcèlement ?
Et voilà que c’est le 29 août 2022, soit cinq jours après expiration du délai, que par sa lettre commune référenciée n°039/PR/IGF/OM231/WLNIN/2022, l’équipe de contrôle IGF invite le directeur général de la Sicomines à «la séance de travail relative à vos importations en exonération », cela en exécution d’un ordre de mission pourtant périmé. Date, heure et lieux fixés : vendredi 02/09/2022, 15h00, Direction provinciale de la DGDA.
L’équipe précise dans sa lettre : « Pour le bon déroulement de ladite séance, nous vous demandons de bien vouloir vous munir de tous les dossiers relatifs aux importations en exonération de vos marchandises, conformément au protocole d’accord ou contrat signé avec l’Etat congolais ainsi que tout autre document pouvant permettre de bien examiner votre dossier ». Elle ne détermine pas la période.
Le 9 septembre 2022, par une note manuscrite signée au nom de ses collègues par l’inspecteur des finances Ilunga Nyembwe, l’équipe de contrôle indique les «documents à compléter par la Sicomines», à savoir «les dossiers de différents projets et leur niveau d’exécution ; la fiscalité : a) le Relevé de toutes les déclarations douanières de 2008 à ce jour; b) le relevé de tous les déclarations des impôts de 2008 à ce jour; c) le relevé des droits dus à la DGRAD et aux provinces du Haut-Katanga et du Lualaba de 2008 à ce jour; tous les projets conclus avec l’Etat congolais pour la quote-part des exonérations accordées».
Douze jours après, c’est-à-dire le 21 septembre 2022, par sa lettre n°060/PR/IGF/OM23& 285/WLNIN/2022 au directeur général de la Sicomines, l’équipe de contrôle affirme que la société n’arrive pas à lui fournir les documents sollicités, et la conséquence est la suspension des droits d’exonération.
Le 23 septembre 2022, par sa lettre portant les références 0238/DG/SCM/022, le directeur général de Sicomines SA s’adresse directement à l’inspecteur général des finances-chef de service, Jules Alingete, pour lui transmettre les documents dont question. Il prend soin de lui relever que dès réception de l’invitation de l’équipe de contrôle le 29 août 2022, son entreprise a fait déplacer ses agents de Kolwezi vers Lubumbashi pour la réunion initiée. Il s’est avéré que l’équipe de contrôle a demandé des dossiers supplémentaires. Ce qui nécessitait un délai supplémentaire. Il révèle l’étonnement de la Sicomines de se voir sanctionnée en pleine procédure.
Aussi, sollicite-t-il sincèrement du patron de l’IGF, Jules Alingete, l’annulation de la lettre du 21 septembre 2022 et marque sa disponibilité à travailler étroitement avec l’équipe de contrôle, et cela conformément aux exigences de la hiérarchie.
Le même jour, l’équipe de contrôle revient à la charge en demandant à la Sicomines «de faire diligence pour la mise à notre disposition de tous les éléments exigés, y compris les statistiques des exportations et les états financiers dûment certifiés, allant de 2008 à ce jour, pour une appréciation plus objective du dossier et vous rappelons que, dans l’esprit de la convention de collaboration, les projets des travaux d’infrastructures de développement n’allaient pas être financés par l’Etat congolais comme nous le comprenons à ce jour, mais plutôt par Sicomines et les institutions financières citées dans la convention».
Entre-temps, preuve que ce n’est pas Jules Alingete qui a pris la décision grave de suspendre les droits d’exonération, l’équipe de contrôle affirme :
«Ainsi, nous insistons à l’adresse du directeur provincial de la DGDA/ex-Katanga de maintenir la décision de soumission automatique au régime commun de toutes les importations en exonération de la Sicomines jusqu’à la signature entre l’équipe de contrôle et l’Inspection Générale des Finances et la représentation de Sicomines d’un document de dénouement du dossier ».
De la part de l’équipe de contrôle, il y a soit acharnement, soit harcèlement !
Volonté d’entretenir la détérioration du climat des affaires
En effet, dans l’échange de lettres, il est aisé de noter que cette équipe, censée connaître le contenu du contrat sino-congolais, n’évoque nulle part l’article 14, intitulé «avantages commerciaux et fiscaux et d’autres avantages accordés par la RDC ». De ces quatre points, le premier est ainsi libellé : «La RDC accorde, dans le cadre de ce projet de coopération, à la joint-venture minière, le bénéfice de tous les avantages douaniers, fiscaux et de change prévus par les lois et les règlements en vigueur en RDC ainsi que les dispositions particulières applicables aux marchés publics à financement extérieur».
Quand, dans son entendement, il y a violation des dispositions de la convention par la Sicomines, l’Equipe de contrôle doit savoir que celle-ci prévoit à son article 20 relatif au «règlement des différends et arbitrage» des mécanismes à actionner. Le premier est l’arrangement à l’amiable. Le second est le recours à l’arbitrage international.
Dans l’esprit et la lettre du contrat sino-congolais, une suspension d’une dérogation ne peut se faire que sur la base des dispositions de la Convention. En l’espèce, l’équipe de contrôle se doit de prouver qu’en raison du refus, ou du retard constaté dans l’obtention d’un renseignement de la part de la Sicomines, ou d’un autre opérateur détenant les mêmes droits, la sanction est la suspension des exonérations.
A la limite, et d’ailleurs dans les bonnes règles, une telle sanction ne peut se justifier qu’après épuisement de toute procédure engagée dans une enquête, en respectant naturellement les droits de la partie à incriminer. La fin de la procédure se constate sur PV. Ce n’est pas en deux temps trois mouvements qu’on peut décider d’une suspension
Agir de la sorte, c’est la preuve de la volonté d’entretenir la détérioration du climat des affaires pendant que l’exhortation générale prône le contraire.
S’agissant du taux de réalisation des infrastructures–argument évoqué par l’équipe de contrôle pour faire valoir sa décision – comment peut-on en arriver à cette déduction sans au préalable se référer à la Convention qui fixe, elle-même, les droits et les devoirs des parties prenantes !
La suspension s’annihile elle-même. Sauf fait du prince
Pour résumer, le doute n’est donc pas permis. D’abord, l’inspecteur général des finances-chef de service, Jules Alingete, n’a pas signifié à la Sicomines la suspension des droits d’exonération douanière. La lettre du 21 septembre 2022 n’est pas la sienne. Elle est de son équipe. Même périmé, l’ordre de mission ne lui donne pas cette compétence.
Ensuite, les investigations menées à partir du 29 août 2022 ne sont pas couvertes par un ordre de mission. Celui établi le 24 juin pour 60 jours est tombé caduc le 24 août 2022, cinq jours avant l’invitation adressée à la Sicomines.
Enfin, les investigations couvertes par l’ordre de mission du 24 juin 2022 ont une période bien précise : du 1er janvier au 24 août 2022. Et non à partir de 2008.
Par voie de conséquence, la suspension n’a pas sa raison d’être. Sauf fait du prince.
Simon Mutombo (CP)