Malaise dans les régies financières : malentendu autour de la prime de plus-value

Le torchon brûle entre le ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, et l’Intersyndicale des trois régies financières nationales, à savoir la DGI (Direction générale des impôts), la DGDA (Direction Générale des Douanes et Accises) et la DGRAD (Direction Générale des Recettes Administratives, judiciaires, Domaniales et de participations).
Ça bouillonne dans les régies financières nationales. A la base, la suppression de la prime de plus-value par le ministre des Finances, autorité de tutelle. Et pour faire entendre sa voix, l’Intersyndicale des trois régies financières nationales vient de mettre en demeure le Gouvernement Sama 2. Dans 72 heures, jours ouvrables, l’intersyndicale rappelle que si le Premier ministre, Jean-Michel Sama Lukonde, ne trouve pas une solution durable à ce problème, les régies financières vont déclencher automatiquement une grève illimitée en faisant endosser cette lourde responsabilité au ministre des Finances, Nicolas Kazadi.
«Faux», rétorque ce dernier. Dans une émission spéciale sur Télé 50, l’argentier national expliquait, chiffres à l’appui, que la prime de la plus-value (recettes mobilisées en surplus des assignations) n’est pas supprimée, mais plutôt prise en charge par la prime de la performance qui est en application. Le bras de fer est ainsi engagé au détriment du Trésor public.

La pomme de discorde
Voici comment se présente le différend entre les deux camps.
C’est l’arrêté ministériel n° 013 CAB/MIN/FINANCES/2023 du 15 mai 2023 pris par le ministre des Finances, Nicolas Kazadi Kadima, qui rapporte l’arrêté ministériel n° CAB/MIN/FINANCES/2019/007 du 4 mai 2019 fixant les modalités pratiques de calcul et de paiement de la prime de contentieux minimum garantie, qui est la goutte d’eau qui a fait débordé le vase, poussant ainsi l’intersyndicale des régies financières nationales, à réagir farouchement.
Le ministre des Finances motive sa décision par la confusion qui règne dans l’interprétation des concepts entretenue entre la «prime de contentieux », perçue à l’occasion de la clôture d’un dossier fiscal ayant abouti à des pénalités, et la «prime de contentieux minimum garantie» qui serait assise sur la base d’autres recettes que celles des pénalités issues d’un contentieux.
Une décision du ministre qui a énervé l’Intersyndicale des régies financières nationales dans sa lettre datée du 2 juin 2023, décidant ainsi de mettre en demeure le Gouvernement de la République, tout en rappelant au Premier ministre que l’arrêté du ministre des Finances vient abroger les droits acquis des agents et cadres des régies financières nationales dont la DGI, dans la mesure où, un arrêté du ministre des Finances, si puissant soit-il, ne peut en aucun cas abroger un Décret signé par le Premier ministre, et ce, au nom de la logique du parallélisme du pouvoir.
Dans sa correspondance datée du 2 juin 2023, l’intersyndicale invite le chef du Gouvernement, Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge, à la recevoir dans les 72 heures qui suivent le dépôt de sa correspondance, faute de quoi les agents des régies financières nationales descendront massivement dans son cabinet aux fins de trouver des réponses appropriées à leurs revendications. En d’autres termes, ils déclencheront une grève illimitée qui sera très préjudiciable au trésor public.
En effet, faisant le calcul du solde de 1% sur les 6% relatif à la paie de la prime de contentieux minimum garantie (plus-value) des exercices 2020, 2021 et 2022 en faveur des cadres et agents de la Direction Générale des Impôts, l’Intersyndicale des régies financières nationales souligne que le ministère des Finances doit plus de 73,980 milliards de francs congolais, rien qu’à la DGI.
Pour l’argentier national, la DGI a déjà reçu une somme de 12 milliards de francs congolais sur les 73,980 milliards que le Gouvernement lui doit. L’Intersyndicale rétorque en disant que le ministre des Finances avait payé les 12 milliards de francs congolais sans définir clairement le libellé, ce qui constitue une faute de gestion passible d’une sanction, que l’Intersyndicale considère, faute de libellé officiel, comme un don, que le ministre des Finances leur a donné pour les motiver davantage.
Dans ses revendications, l’Intersyndicale des régies financières nationales, par la bouche de son président, Fidèle Kiyangi, rappelle les articles 20, 21 et 22 du chapitre IV sur les rémunérations du décret n°017/2003 du 02 mars 2003 portant création de la Direction Générale des Impôts, particulièrement le deuxième alinéa de l’article 22 qui stipule : il est alloué à tous les agents de la Direction Générale des Impôts une «prime de contentieux minimum garantie », déterminée suivant leur grade et selon des modalités définies par le ministre ayant les finances dans ses attributions. Elle est payée sur une dotation budgétaire évaluée en fonction des plus-values générées.

La DGI, la poule aux œufs d’or
Cette cacophonie des fiscalistes et experts en finances publiques ne doit pas pénaliser tout un peuple en cette année électorale. Car, une grève déclenchée dans les régies financières nationales en ce moment peut être fatale pour l’organisation des élections de décembre prochain.
Il va sans dire que la DGI est indiscutablement aujourd’hui la locomotive pourvoyeuse de recettes publiques au budget de l’Etat. Lors du dépôt de déclarations des bilans en date du 30 avril 2023, plusieurs gros contribuables, notamment les miniers, n’ont pas joué franc jeu. Quelques-uns ont même refusé de déposer leurs bilans pour des raisons inconnues et s’exposent ainsi à des pénalités de retard qui seront pris en compte dans le redressement qui sera fait lors de la prochaine campagne de contrôle fiscal.
La DGI, contrairement à ce que les mauvaises langues ont propagé, n’a pas connu de contre performances, car le cumul des chiffres des acomptes précédents ne renseigne que les assignations budgétaires qui ont été atteintes et dépassées de 8%.
L’administration fiscale, conformément aux prérogatives qui lui sont reconnues par le législateur, va bel et bien récupérer toutes les recettes qu’on lui a privées à l’échéance fiscale passée et va même dépasser le plafond de ses assignations budgétaires évaluées à 13.586.904.964.114,20 de francs congolais pour l’exercice 2023. Mutatis mutandis, les réclamations formulées à la DGI valent aussi à la DGRAD et à la DGDA, quand bien même ces deux régies financières n’ont pas crevé le plafond des assignations.
En d’autres termes, le miracle fiscal réalisé par le directeur général des Impôts, Barnabé Muakadi Muamba, et son équipe à la DGI va se poursuivre sans désemparer.
Qui vivra verra !
CP

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