Après le dossier de l’indemnisation des anciens propriétaires des biens zaïrianisés – affaire du reste classée sans suite – le parquet général près la Cour constitutionnelle traque le sénateur Matata Ponyo Mapon, ancien ministre des Finances et Premier ministre sous le règne de Joseph Kabila, dans l’affaire, dite Bukanga-Lonzo. Entre le parquet et le collectif des avocats de Matata, on assiste désormais à une bataille juridique autour de la procédure engagée. Samedi, l’un des membres du collectif, Me Fréderic Tshingej, était devant la presse pour dénoncer une procédure qui, selon lui, énerve à tout point de vue le droit. Dans le dossier Matata, dit-il, « la clameur publique a pris le dessus sur le droit ». « Le dossier Matata est devenu, note-t-il, comme le procès de Jésus où c’est la foule qui guide l’action judiciaire ».
Le dossier Matata, en rapport avec la débâcle du Parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, dans la province du Kwango, continue toujours à défrayer la chronique. Alors que des rumeurs les plus persistantes rapportent que le parquet général près la Cour constitutionnelle a transmis le dossier pour fixation de l’affaire devant la Cour constitutionnelle, l’un des membres du collectif de ses avocats, en l’occurrence Me Frédéric Tshingej, ne reconnaît pas avoir été officiellement saisi.
Selon lui, «aucune fixation du dossier Matata à la Cour constitutionnelle n’est encore à l’ordre du jour, tant qu’on n’a pas encore saisi par des voies requises. Tout ce qui se dit ne relève que des bruits sur les réseaux sociaux ».
Le samedi 4 septembre 2021, Me Tshingej était devant la presse pour fixer l’opinion sur les contours du dossier, alors que des informations de plus persistantes rapportent la ferme volonté du parquet près la Cour constitutionnelle de lancer déjà le procès Matata devant les juges constitutionnels.
Me Tshingej est convaincu d’une chose. « Depuis le début de cette affaire, le parquet général près la Cour constitutionnelle va de violation en violation. Sur le plan du droit, Matata, sénateur à ce jour, n’est pas justiciable devant la Cour constitutionnelle, mais plutôt la Cour de cassation. Le traduire devant le parquet général près la Cour constitutionnelle est une entorse au droit que nous continuons à dénoncer ».
S’il s’est refusé à se pencher sur le fond, Me Tshingej a dit s’appesantir beaucoup plus sur la forme. Il est d’avis que, dans la forme, le dossier Matata énerve totalement le droit. Et de s’interroger : «Qui saisir finalement pour quel les choses retournent en ordre ? »
La négation du droit
Face à la négation du droit qui entoure le dossier Matata, Me Tshingej fait le lien avec le procès biblique de Jésus-Christ, condamné par Ponce Pilate, juste par le fait de la clameur publique. « Le procès Matata est devenu comme le procès de Jésus où c’est la foule qui guide l’action judiciaire », s’inquiète-t-il. Et d’ajouter : «Nous risquons de retrouver dans la situation du procès de Jésus-Christ en se laissant guider par la foule».
Compte tenu des évidences juridiques, il note que «la situation est tellement complexe qu’il faut retourner dans les textes. Et les textes sont clairs et étalent au grand jour des violations qui entourent le procès Matata».
Alors que la loi est violée au grand jour, Me Fréderic Tshingej s’étonne du silence complice du Parlement. «A ce moment, le Parlement aurait dû poser des actes. Son silence étonne (…) On ne peut pas comprendre que le pouvoir exécutif se serve du pouvoir législatif pour asseoir ses accusations. Dans ce procès, on va de scandale au scandale», a-t-il souligné.
En évoquant cette exception de ne déférer Matata que devant son juge naturel qui n’est pas, jusqu’à preuve du contraire, la Cour constitutionnel, est-ce une manière dilatoire pour le collectif des avocats de Matata de soustraire leur client de la Justice. Me Tshingej balaie d’un revers de main cette hypothèse : «Mon exposé n’a porté que sur la forme. Nul ne peut être détenu qu’en vertu de la loi. C’est ce que dit la loi. En droit, tant que la forme n’est pas respectée, tout le reste est faussé ». Et d’ajouter : «Matata est venu certes pour affronter la justice, mais il faut l’amener devant son juge naturel ».
Il note, à cet effet, qu’«aux magistrats, la loi ne donne pas le pouvoir pour l’arbitraire ». Par rapport à la loi, il y a des lignes rouges à ne pas franchir. «Nous voulons que tous les actes posés soient valables, réguliers et conformes à la loi», rappelle Me Tshingej, estimant, dans l’affaire Bukanga-Lonzo, « on est juste en face d’un forcing ».
Ce n’est pas pour autant que le collectif de ses avocats est prêt à lâcher prise. «Nous continuons à exiger que la procédure soit respectée. Matata est prêt à comparaître, mais que ça se fasse devant son juge naturel ».
Econews