Les 9èmes Jeux de la Francophonie, prévus du 28 juillet au 6 août 2023 à Kinshasa, sont entourés de sombres nuages. A Kinshasa, le Gouvernement reste confiant, tout comme le directeur national du Comité nationale de ces Jeux qui ne cache pas son optimisme. En séjour à Djerba (Tunisie) dans le cadre du 18ème Sommet de la Francophone, Isidore Kwandja, directeur nationale du Comité national de ces jeux, anime, le 17 novembre 2022, une conférence de presse pour rassurer les plus sceptiques. Mais, à l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), la crainte est bien réelle. Au Québec, Radio-Canada dit avoir appris que les Jeux de la Francophonie sont «sérieusement compromis en raison de retard dans les préparatifs».
Autre son de cloche. Vendredi en Conseil des ministres, le Gouvernement a pris acte, sans autre précision, du rapport de l’état d’avancement des préparatifs des 9èmes Jeux de la Francophonie présenté par le ministre de l’Intégration régionale et Francophonie, Didier Mazenga.
Prenant en compte des recommandations de différentes instances habilitées pour une meilleure organisation de ces Jeux, le ministre a rassuré que «tous les préparatifs vont bon train et que rien ne peut, à ce stade, entraîner un quelconque retard». Il a enfin réitéré les remerciements au Président de la République, au Premier ministre et à l’ensemble du Gouvernement pour l’accompagnement, lequel garanti la réussite de ces activités.
Toujours est-il qu’au sein de l’OIF, on redoute que Kinshasa ne soit pas prêt pour le rendez-vous de 2023. A Djerba, le 18ème Sommet de l’OIF, prévu les 19 et 20 novembre 2022, devait lever définitivement une option.
L’émission Enquête et le bureau parlementaire de Radio-Canada à Ottawa ont appris que les Jeux de la Francophonie, qui doivent se dérouler à Kinshasa en République démocratique du Congo (RDC) l’été prochain, pourraient être annulés, notamment en raison d’échéanciers non respectés, de dépassements de coûts et de sérieux problèmes organisationnels.
Selon des documents obtenus de source confidentielle, le 24 octobre dernier, le Conseil d’orientation du Comité international des Jeux de la Francophonie (CIJF) a tenu une session extraordinaire pour faire le point sur l’état d’avancement des préparatifs de IXès Jeux de la Francophonie, l’événement signature du monde francophone. Il en ressort que de sérieux problèmes compromettent la tenue même des Jeux.
Le conseil a relevé d’importants retards accusés tant dans la réalisation de différents chantiers que dans la mise en œuvre de l’ensemble des secteurs organisationnels, peut-on y lire.
À au moins deux reprises depuis le printemps, l’administrateur de l’OIF, le Québécois Geoffroi Montpetit, s’est rendu en RDC pour évaluer la situation. Jusqu’à maintenant, le pays hôte, par la bouche de son président, s’est fait rassurant et a maintenu être en mesure de tenir les Jeux. Mais M. Montpetit s’était alors montré préoccupé.
À l’issue de la présentation du rapport intermédiaire, rien ne semblait aller, à tel point qu’une date limite a été fixée pour déterminer si les Jeux pouvaient ou non avoir lieu.
Le conseil a donné à la RDC jusqu’au 15 novembre pour répondre à une série de garanties concernant des points aussi critiques que l’hébergement, la restauration, les infrastructures sportives et culturelles, la santé, la sécurité, la délivrance des visas et les transports. La RDC doit remettre des plans opérationnels et un échéancier précis des travaux d’ici là. Au-delà de cette date, précisent les documents reçus, il sera impossible techniquement, tant pour la RDC, le CIJF que les États et les gouvernements de tenir ou de participer au IXès Jeux de la Francophonie.
Le Conseil d’orientation recommande aux autorités congolaises de veiller à resserrer davantage la gestion financière du CIJF, notamment par la rationalisation de la grille des salaires et la maîtrise des coûts de personnel. Signe que des pans essentiels des Jeux demeurent à réaliser, le conseil souhaite aussi obtenir une cartographie de différents sites et lieux d’hébergement. On demande également aux organisateurs de passer des commandes de matériels sportifs et scéniques dès à présent, de recruter un directeur des opérations ayant une expérience avérée dans la gestion de grands événements internationaux et de transmettre un protocole des cérémonies des Jeux et d’accompagnement des personnalités.
Une décision pendant le sommet?
Une autre source confidentielle confirme que l’OIF a effectivement demandé des assurances en vue de la tenue des Jeux, notamment sous la forme de plans opérationnels, pour l’hébergement, le transport, la sécurité. Ultimement, c’est la Conférence ministérielle de la Francophonie qui devra trancher et déterminer si, à défaut d’avoir obtenu les assurances demandées, il faut reporter ou carrément d’annuler les Jeux. Elle doit se réunir le 18 novembre.
Une source confidentielle à Radio-Canada a confié que «[les responsables congolais] ne tiendront jamais les délais et la Conférence ministérielle va annuler. C’est mon humble avis».
La décision pourrait donc tomber pendant le Sommet de la Francophonie, les 19 et 20 novembre à Djerba, en Tunisie.
À quel coût?
Quelles sommes ont été investies jusqu’à maintenant? Pour l’instant, impossible de le savoir. Mais selon nos informations, les États, les bailleurs de fonds, sont informés de ces problèmes. Si l’on part du principe que les Jeux seront annulés (comment pourrait-il en être autrement?), que vont devenir les millions d’euros d’ores et déjà injectés?, se questionne notre source. Au bureau de la nouvelle ministre québécoise des Relations internationales et de la Francophonie, Martine Biron, on dit être conscients de la situation des Jeux de la Francophonie. Nous allons suivre la situation de près. Jeudi soir, il n’a pas été possible d’obtenir de réaction d’Ottawa ni de l’OIF.
À l’origine, les villes de Moncton et de Dieppe, au Nouveau-Brunswick, avaient été désignées pour accueillir ces Jeux. Mais elles ont finalement renoncé, parce que les coûts de l’organisation s’annonçaient trop élevés. D’abord estimés à 17,5 millions de dollars, ils ont explosé quelques années plus tard, passant à 130 millions de dollars en 2018. Ils sont revenus à la baisse à 62 millions de dollars en 2019. La Ville de Sherbrooke, qui a aussi songé à les accueillir, a renoncé elle aussi, estimant les coûts à 52 millions de dollars.
Quoi qu’il en soit, la décision attendue pourrait être lourde de conséquences. Selon nos sources, si une décision devait être prise, les Jeux de la Francophonie seraient annulés, car il est impossible de les reporter en raison de la tenue des Jeux olympiques à Paris en 2024. La majorité des athlètes ne voudront pas se préparer pour deux événements majeurs la même année, nous dit-on.
Econews avec radio-canada.ca