En prenant de la hauteur avec vue plongeante sur les eaux troubles de la politique Kino-congolaise des trois dernières années, et en prêtant une oreille attentive aux jérémiades de ceux privés de pouvoir ou qui l’ont perdu-, on croirait qu’il règne une ambiance de «Peur sur la ville». (Les cinéphiles se souviennent encore de ce film d’Henri Verneuil (1975) dans lequel l’immense Jean-Paul Belmondo dans un rôle d’inspecteur de police traque un tueur en série qui se fait appeler «Minos» et s’en prend aux parisiennes qu’il juge dépravées).
L’impression qui se dégage des pleurs et grincements de dents est que la Justice, désormais «aux ordres », est lancée aux trousses de tout opposant qui ose l’ouvrir en critiquant l’action du Chef de l’Etat. Les chefs d’accusation s’imposent tout naturellement : propagation de faux bruits et outrage au chef de l’Etat, à l’Assemblée nationale ou au Gouvernement. Certains l’ont appris à leurs dépens. Tel l’emblématique Jean-Marc Kabund-a-Kabund, ancien président du parti présidentiel, qui croupit à la prison centrale de Makala, malgré son assignation à résidence surveillée.
Il pourrait bien être rejoint bientôt par un autre opposant poursuivi pour des propos tenus en… 2019 ! Lisanga Bonganga déclarait alors – il le reconnaît – que l’actuel Chef de l’Etat avait été «nommé» et n’exerce pas le pouvoir, l’impérium étant détenu par l’ancien président Joseph Kabila. Le temps de laisser mûrir l’affaire, et un mandat de comparaître est délivré à son encontre.
Retour sur terre avec la question : règne-t-il véritablement une « Peur sur la ville » ? Les avis divergent. Si pour les plus radicaux, le Chef de l’Etat est aussi infaillible que le Pape, sa personne sacrée et ses actions inspirées de Dieu le Père en personne, une opinion plus modérée reconnaît qu’il se trouve, hélas ! des personnes qui prennent plaisir à se faire embastiller. C’est la seule façon de se faire une certaine notoriété d’opposant. Et pour y parvenir, il suffit de se déchaîner contre les institutions dans un langage débridé à la limite de la décence. Et se dire par la suite victime d’un acharnement politique.
En définitive, tout est question de sémantique. Sur ce champ, un voleur des deniers publics devient un mandataire indélicat. Et un dément notoire entraînera la question de savoir si un tel est réellement en possession de ses facultés intellectuelles. Ce faisant, chacun contribuera à sa manière à ne pas remplir les prisons. Et ce sera justice !