Le Katanga s’est reconcilié avec lui-même. Au nom de l’unité, des Katangais, réunis pour la circonstance par Mgr Fulgence Muteba, archevêque métropolitain de Lubumbashi, ont décidé d’enterrer la hache de guerre qui les divisait. Pendant près d’une semaine, Lubumbashi a vibré au rythme d’une Forum pour l’unité et la réconciliation des Katangais. En tout cas, une bonne brochette de notables a répondu à l’appel de l’Eglisecatholique. Tous ont accepté de panser les plaies et regarder dans la même direction pour le grand bonheur du Grand Katanga, d’abord, et de la République Démocratique du Congo, par la suite. Le Forum de Lubumbashi a vécu. Il inaugure une ère nouvelle d’un Katanga qui est né de nouveau. A la messe de clôture, célébré à la cathédrale de Lubumbashi, le président de la République honoraire, Joseph Kabila, était là. Des accolades avec son frère, Moïse Katumbi, avec qui il s’est brouillé depuis sept ans, ont marqué ce pas important dans l’unité et la réconciliation des Katangais. Après ce Forum, le plus dur commence. Il s’agit de concilierier la parole à l’acte, en évitant de réveiller de part et d’autre le vieux démon de la division. Joseph Kabila s’est engagé à tourner cette page sombre. D’autres, à l’instar de Moise Katumbi, lui ont emboîté le pas. Pourvu que la sincérité soit véritablement au rendez-vous.
La réconciliation entre l’ancien président de la République Joseph Kabila et l’ex-gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, est un tournant de l’histoire politique de la République Démocratique du Congo, 18 mois avant la présidentielle prévue en principe en décembre 2023. Cette image restera historique pour tous les Congolais dans la mesure où, la séparation entre les deux personnalités s’était passée avec casse.
Katumbi n’est-il pas celui par qui la fin de Kabila comme président de la République était devenue une réalité en 2016 ?
Katumbi a mis des moyens financiers, des contacts politiques et diplomatiques conséquents afin de mettre un terme au règne de l’ancien chef de l’État. Cet objectif a été atteint parce que, malgré tous les moyens à sa disposition, l’ex-président Kabila n’a pu rester au pouvoir ni imposer son dauphin. Le préjudice est énorme pour autant qu’à cause de Katumbi, l’ancien président de la République n’a pu réaliser ses projets politiques. Il s’est jeté dans les mains de Félix-Antoine Tshisekedi qui l’a finalement écarté de la cogestion du pays, accusant son camp de tous les maux d’Israël.
De son côté, Joseph Kabila aura soumis Katumbi à des épreuves difficilement compréhensibles. Il l’a contraint à un procès humiliant, l’a accusé d’avoir entretenu un mouvement insurrectionnel avec des étrangers américains, avant de le pousser à l’exil et surtout l’avoir privé de la nationalité congolaise.
Pour ces raisons, tout avait une explication-justification.
La réconciliation entre les deux hommes dans la foulée du Forum de Lubumbashi, sous les bons offices de l’archevêque de Lubumbashi Mgr Fulgence Muteba, marque un grand tournant dans les rapports entre les deux hommes.
Kabila, faiseur des rois?
Pour l’opinion congolaise – en tout cas dans sa large majorité – Kabila incarne tous les malheurs du pays. Son retour n’est ni souhaité ni voulu. Mais il demeure un faiseur des rois dans la mesure où même Martin Fayulu considère que c’est lui qui avait remis le pouvoir à Félix-Antoine Tshisekedi en décembre 2018.
En s’alliant avec Kabila, le populaire Moïse Katumbi a-t-il choisi de se mettre du côté du supposé faiseur des rois contre l’opinion majoritaire ledit dans le pays ? Difficile à dire.
Toujours est-il qu’à Lubumbashi, des Katangais de tout bord ont décidé de fumer le calumet de la paix, à commencer par Kabila et Katumbi. Les invectives, les attaques et bien d’autres souvenirs macabres qui ont éloigné ls deux hommes pendant des années font désormais partie du passé. Tous se sont inscrits en faveur d’un nouveau départ pour le rayonnement du Grand Katanga. Et Kabila y croit.
Peu bavard depuis son départ de la Présidence de la République, Joseph Kabila a glissé un mot en swahili, juste après la messe du dimanche.
«Arrêter les résolutions c’est bien, mais le plus important c’est leur mise en application afin de consolider l’unité katangaise tant voulue », a déclaré l’ancien président de la République.
Selon lui, «le plus important n’est pas la cérémonie de réconciliation ni la lecture des résolutions, mais plutôt la mise en œuvre des résolutions ».
Quant à son avenir politique, Joseph Kabila n’en fait plus en mystère. Dans le jeu politique, il reste un élément important du puzzle. Et quand la foule lui a lancé dimanche à Lubumbashi : «On n’est pas encore fatigué de toi », Kabila a répliqué sans détours : « Je ne suis pas non plus fatigué de vous ». C’est tout dit.
Lecture croisée
Dans les milieux des analystes, on note que « les Katangais ont compris, en termes des négociations ou de combat politique, que la réussite est au bout de l’unité. C’est ainsi que, ayant l’économie de dossier et l’expertise sur la marche de la politique, l’archevêque de Lubumbashi a opéré un raccordement de tous et toutes les filles du Grand Katanga pour exorciser le démon de la division en optant pour l’intégration afin de faire renaître l’âme katangaise. Bel exemple à suivre au lieu des injures ! »
Le professeur Matumueni de l’IFASIC est plutôt sceptique. « Assises katangaises de Lubumbashi : grossière erreur de communication », commente-t-il, dans un post relayé sur la toile.
Il pense, à ce propos, que « pour connoter la fraternité et la camaraderie retrouvées, thèmes de la rencontre, on aurait dû, pour une fois, installer Joseph Kabila côte à côte avec les autres fils du Katanga, plutôt que de reconstituer cette structure hiérarchique où l’on voit non pas un frère parmi les siens, mais un chef au-devant de ses subalternes. Une configuration égalitaire donnerait de très belles images, par exemple Kabila tenant une main à gauche et à droite lors d’un chant religieux, ou donnant la paix du Christ à ses frères et sœur, etc. Il faut savoir adapter la communication aux contextes et ne pas reproduire des schémas qui contredisent l’esprit d’une réunion ».
Mgr Muteba, plus que jamais optimiste
Grand artisan de ce Forum, Mgr Fulgence Muteba est plutôt confiant et croit en la sincérité des uns et des autres.
«Nous nous sommes parlés et nous nous sommes compris. Nous sommes réellement frères et sœurs appelés à nous pardonner », s’est réjoui Mgr Fulgence Muteba, à l’issue de ce Forum.
Il dit avoir cru jusqu’au bout à l’aboutissement heureux de cette initiative : « Ce dialogue fraternel a subi les menaces de rupture. Nous avons réussi à surmonter les obstacles pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés au départ. Nous reconnaissons que c’est la main de Dieu qui a continué à nous soutenir. C’est Dieu qui a transformé nos cœurs endurcis ».
A l’instar d’autres qui ont exprimé le même désir, il souhaite que « cette réconciliation soit effective ». « Je ploie sous le poids d’une vive émotion à l’idée que nous partageons tous un même souci d’être un peuple katangais soudé et prêt à jouer sa participation dans l’histoire du pays. Je ne saurais cacher ma fierté et mon admiration pour vous, peuple katangais ».
Pour l’archevêque de Lubumbashi, le Grand Katanga renaît.
« Chers participants, venus de quatre coins, vous avez répondu à notre invitation. Vous avez tout abandonné par fierté pour votre identité katangaise. Vous avez donné le meilleur de vous-même, malgré nos divergences et incompréhensibles humaines. Vous avez donné un signal fort à nos compatriotes de la RDC. Le Katanga n’est pas mort. Le Katanga vibre d’une fraternité qui n’est pas de passage. Elle nous pousse à marcher ensemble », a lancé le prélat, devant tous les participants réunis à la cathédrale de Lubumbashi.
Le Forum de Lubumbashi a vécu. Il en est fier : « Dans une ambiance de concorde, nous avons vécu des jours merveilleux inscrits désormais en lettres d’or. Vous avez réussi un pari mémorable en entrant dans l’histoire par la grande porte, d’honneur et de dignité en tant que champions d’un peuple digne et respecté. Vous avez réussi à surmonter ce qui nous séparait parfois en douceur, parfois brutalement. Vous avez réussi à aplanir un terrain. Le parcours n’a pas été facile, mais vous l’avez transformé en un travail agréable ».
L’unité et la réconciliation ne relevant plus d’une chimère, Mgr Muteba n’a pas caché sa joie : « Nous avons la fierté de réaffirmer que frères et sœurs, nous le sommes vraiment, frères et sœurs nous le sommes pour toujours. La fraternité est pour nous incassable, indéboulonnable. Je garderai de vous les souvenirs vivants ».
Il n’a pas non plus manqué de saluer l’esprit d’ouverture du Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, qui a accepté la tenue de ce Forum. « Sa sagesse a triomphé sur les lectures biaisées de ce forum de tout bord de disciples de maître de soupçons », a-t-il dit, comme pour confondre tous ceux qui ont cherché à détourner ces assises de son objectif.
Econews