La situation de guerre dans la province de l’Ituri risque de raviver la flamme des tensions interethniques qui ont endeuillé dans les années 1990 cette partie de la République Démocratique du Congo. Pour cause, il y a la prise en otage de Thomas Lubunga, ancien seigneur de guerre reconverti en pacificateur, et ses amis, dont Germain Katanga, détenus en otage par les miliciens de Codeco. Depuis l’Ituri, les communautés Hema et Lendu exigent leur libération sans condition et menacent de riposter si les miliciens de Codeco n’accèdent pas à leur demande. Une étincelle qui pourrait bien relancer les conflits interethniques en Ituri.
Détenus en otage par les miliciens de Codeco dans territoire de Djugu (province de l’Ituri), Thomas Lubanga et sa suite, composée essentiellement de Flory Ndjabu, Germain Katanga et quatre autres membres de la Task Force mise en place pour la facilitation de retour de la paix en Ituri, sont au centre de gros enjeux.
Dans une déclaration, faite depuis la ville de Bunia, chef-lieu de l’Ituri et relayée par le site congorassure.cd, les communautés Hema et Lendu, réunies pour la première fois depuis le début du conflit armé relancé par les miliciens de Codeco, menacent de riposter. Ces deux communautés mettent en garde les miliciens de la Codeco qui veulent détruire les relations entre les membres de ces communautés en se cachant derrière la communauté Lendu pour justifier leurs crimes contre la population de Djugu.
«Aux miliciens de la Codeco de mesurer les conséquences de leurs actes sur les communautés précitées et sur le reste de la province et de prendre conscience que le monde extérieur se moque de tous les Ituriens à cause de leurs actes. Ils doivent donc éviter de faire croire que le conflit armé concerne toutes les communautés. C’est pourquoi les communautés Hema et Lendu leur demandent de libérer sans condition ces otages», pouvait-on lire dans ce communiqué.
Engagés depuis lors dans un processus de coexistence pacifique entre toutes les communautés de l’Ituri, depuis les événements tragiques des années 1990, les communautés Hema et Lendu se tournent, une fois de plus, vers le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi, pour accélérer la libération des membres de la Task Force détenus par les miliciens de la Codeco.
En effet, depuis le 16 février 2022, Thomas Lubanga, Flory Ndjabu, Germain Katanga et quatre autres membres de la Task Force, envoyés par le Chef de l’Etat pour le retour de la paix en Ituri, sont pris en otage par les miliciens de Codeco dans la forêt de Petsi, en territoire de Djugu. Ces anciens chefs de guerre, blanchis par la Cour pénale internationale (CPI) étaient en partis à la rencontre des chefs de milices qui écument l’Ituri, en vue de leur adhésion au processus de paix.
Mauvais présage
En Ituri, le spectre de la résurgence d’un conflit interethnique refait surface, après la prise en otage de Thomas Lubanga et sa suite.
L’on se rappelle qu’en avril 2021, la communauté Hema menaçait déjà de reprendre les armes pour se défendre contre les attaques de CODECO, en marge de la cérémonie funèbre des victimes d’une attaque menée par les miliciens FPIC dans la localité Nyara. Au total neuf corps des civils parmi les 12 abattus, tous des sujets Hema, ont été mis en terre sous une vive émotion des membres des familles et des proches.
À cette occasion, les notables Hema avaient accordé un ultimatum au gouvernement de la République pour prendre sa responsabilité et rétablir la paix et la sécurité en Ituri. En cas de persistance de la crise, ils se disaient prêts à «prendre les armes pour se défendre contre les groupes armés qui tentent de les exterminer».
«Où est-ce que Codeco et FPIC ont trouvé des armes et des tenues ? » s’était alors interrogé Yves Kawa Mandro, autorité coutumière de la chefferie de Bahema Banywagi.
Cet ancien chef rebelle au sein de l’Union des patriotes congolais (UPC) durant la guerre interethnique ayant ravagé l’Ituri entre 1999 et 2003 n’a pas fait dans la dentelle : «Nous les chefs, nous ne pouvons plus accepter de voir nos administrés en train d’être égorgés pendant que les bourreaux sont aidés par le gouvernement. Nous donnons un dernier ultimatum au gouvernent, nous n’avons peur ni de la prison, encore moins de la mort. Nous appelons les autorités ici présentes à passer le massage au gouvernent de la République. Si dans un mois on n’arrive pas à mettre fin aux milices, nous sommes prêts à prendre les armes pour nous défendre».
Yves Kawa Mandro, qui avait créé sa propre milice dénommée PUSIC, dissidente de l’UPC, a été arrêté et détenu pendant plus de 10 ans à la prison centrale de Makala à Kinshasa pour son rôle joué dans les atrocités de années 1999-2003.
Décidément, le feu couvre en Ituri. Et la détention de Thomas Lubanga et sa suite par les miliciens de Codeco risque de replonger cette province dans un nouveau cycle infernal de conflit interethnique. Kinshasa est prévenu.
T.M.