Les tensions récurrentes dans l’Est de la RDC sont à la fois une menace et une opportunité pour l’avenir politique du Président de la République, Félix Tshisekedi, qui ne cache pas son désir de rempiler au terme des élections générales de 2023. Dans l’opinion publique, le Chef de l’Etat a gagné en confiance au terme de son message à la mobilisation générale du 3 novembre 2023. Félix Tshisekedi s’est donc imposé un pari. S’il réussit à récupérer la cité de Bunagana, dans la province du Nord-Kivu ,et ramener la paix dans l’Est de la RDC, miné également par des attaques récurrentes des rebelles ougandais de l’ADF, il aura devant lui un boulevard pour les élections 2023. Sinon, ce sont tous les calculs qui seront rabattus. Son état-major est en est bien conscient. «On va y arriver. On y travaille», rassure un membre de son entourage. Pour le deuxième mandat de Félix Tshisekedi, tout se joue à l’Est.
Le début de l’engagement de la force aérienne congolaise contre les forces coalisées M23 et RDF (Rwandan Defence Force) le lundi 7 novembre marque un tournant dans la guerre menée depuis plus de six mois et la prise de la cité frontalière de Bunagana à la mi-juin par une «rébellion» fournie en armement et en logistique par le gouvernement de Kigali. Une semaine avant la contre-offensive des forces loyalistes, le M23 a abondamment communiqué sur ses avancées, revendiquant l’occupation de Rutshuru Centre et de Kiwandja, menaçant de marcher sur la base militaire de Rumangabo et au-delà jusqu’à Goma, la capitale provinciale du Nord-Kivu.
Quand la peur change de camp
En dépit des appels insistants des autorités tant locales que militaires à une résistance patriotique, une anxiété s’était emparée des populations des territoires avoisinant le Rutshuru (Masisi et Nyiragongo), attisée par les afflux de milliers de déplacés racontant les atrocités dont ils avaient été témoins dans les zones occupées. Les Forces armées de la République démocratique (FARDC) du Congo semblant subir la pression malgré l’état de siège et se gardant d’engager des moyens lourds de crainte de provoquer un accroissement du nombre de victimes civiles dans cette province densément peuplée, l’opinion n’était pas loin de se résigner à accepter son sort quel qu’il fût. Jusqu’à ce matin du 7 novembre, quand deux Sukhoi-25 de la force aérienne congolaise ont survolé cette partie du territoire, faisant même une brève incursion au Rwanda. Un vol de reconnaissance, assurait-on alors à Kinshasa, suivi le lendemain des premières frappes sur les positions ennemies, une opération unanimement saluée par l’opinion nationale qui avait subitement retrouvé son moral au plus bas encore la veille. La peur venait de changer de camp.
Intervenant trois jours après le message du chef de l’Etat à la Nation, dans lequel Félix Tshisekedi a reconnu l’échec de la voie diplomatique, et un appel à la mobilisation générale, la reprise de l’initiative par l’armée nationale face à des forces ennemies débandées par les attaques aériennes auxquelles elles ne s’attendaient certainement pas, est tout à l’avantage du chef de l’Etat congolais dans la perspective de la présidentielle de 2023 à laquelle il compte se présenter dans sa quête d’un second mandat.
Il est dès lors admis que Félix Tshisekedi et ses soutiens comptent sur le succès militaire sur la coalition M23-RDF. Il n’a pas droit à l’erreur. Porté par tout un peuple, son appel connaît une réponse inédite. Des milliers de jeunes se portent volontaires au recrutement dans l’armée. Des marches de protestation et de soutien se généralisent et des médians nationaux s’efforcent dans la mesure du possible d’étouffer les voix discordantes répandues par la puissante machine de propagande du Rwanda et ses lobbyistes présents dans les rouages des multinationales anglo-saxonnes, et jusqu’au Congrès des Etats-Unis.
Des acquis à capitaliser
Jamais l’atmosphère politico-militaire ne fut aussi favorable pour le fils d’Etienne Tshisekedi. Il serait tout à son avantage de capitaliser les acquis présents et à venir non seulement au Nord-Kivu, mais aussi dans les provinces voisines du Sud-Kivu et de l’Ituri. Car il est quasiment acquis qu’une victoire militaire décisive sur le M23 et son allié rwandais sonnera le crépuscule de la multitude de groupes armés non-étatiques. Le premier signal est de Kampala où le président ougandais exprimait sa joie et annonçait que grâce à «la mutua-lisation des forces» entre les UPDF et les FARDC, les sanguinaires rebelles ougandais des ADF avaient été repoussés au-delà de la zone d’intervention de ces dernières.
Les opérations militaires dans le Nord-Kivu (et au-delà) sont devenues un authentique enjeu électoral. Qui, de son succès, dépendra l’avenir politique de Félix Tshisekedi au scrutin présidentiel à venir. Et son échec un énième saut dans l’inconnu.
Econews