Suite au meurtre de Hardeep Singh Nijjar, un leader sikh et citoyen canadien, au Canada, en juin dernier, Justin Trudeau a mis en cause New Delhi dans cet assassinat. Un diplomate indien a été expulsé du territoire hier lundi. Et ce mardi 19 septembre, l’Inde a, à son tour, ordonné l’expulsion d’un haut diplomate canadien et qualifié d’ « absurdes » les accusations d’Ottawa. Les relations entre les deux pays étaient déjà amères, elles deviennent très tendues.
Après les accusations du Canada, la réaction de l’Inde a été rapide, pointe notre correspondant à New Delhi, Sébastien Farcis. Elle rejette les accusations du Canada, considérées comme « absurdes et motivées », et soutient respecter les principes « démocratiques ». « Nous sommes un Etat démocratique avec un engagement fort en faveur de l’Etat de droit », déclare dans un communiqué le ministère indien des Affaires étrangères.
New Delhi réfute donc avoir ordonné l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar, un militant indépendantiste sikh, citoyen canadien considéré comme un séparatiste extrémiste et recherché par les autorités indiennes. Cette accusation de crime contre l’Inde très grave.
Après avoir convoqué l’opposition, le Premier ministre Justin Trudeau déclarait hier qu’il existait des «éléments crédibles selon lesquels il existerait un lien possible entre les agents du gouvernement de l’Inde et le meurtre de Hardeep Singh Nijjar (un leader sikh), citoyen canadien» en juin dernier. Suffisamment crédibles en tout cas pour que le Canada expulse un haut diplomate indien.
«L’implication de tout gouvernement étranger dans le meurtre d’un citoyen canadien sur le sol canadien constitue une violation inacceptable de notre souveraineté », a poursuivi Trudeau. Quelques minutes plus tard, Mélanie Joly, sa ministre des Affaires étrangères, annonçait l’expulsion du chef de l’agence de renseignement indienne au Canada (RAW). « Les allégations selon lesquelles un représentant d’un gouvernement étranger aurait pu être impliqué dans le meurtre d’un citoyen canadien ici, au Canada, sur le sol canadien, sont non seulement préoccupantes, mais elles sont totalement inacceptables », a déclaré Mélanie Joly.
Un militant recherché par les autorités indiennes
Militant pour la création d’un État sikh connu sous le nom de Khalistan, Hardeep Singh Nijjar était recherché par les autorités indiennes pour des faits présumés de terrorisme et de conspiration en vue de commettre un meurtre. Des accusations qu’il niait, selon l’Organisation mondiale des Sikhs du Canada, une organisation à but non lucratif qui affirme défendre les intérêts des sikhs canadiens.
Depuis ce meurtre et les manifestations qui l’ont suivi au Canada, la tension est montée entre Ottawa et New Delhi. Le gouvernement indien accuse celui de Justin Trudeau de fermer les yeux sur les activités de nationalistes sikhs radicaux qui prônent la création d’un État sikh indépendant dans le nord de l’Inde.
Ottawa a suspendu récemment les négociations en vue d’un accord de libre-échange avec l’Inde et la ministre du Commerce a annulé la semaine dernière un déplacement prévu dans le pays en octobre. Le gouvernement canadien a exhorté lundi le gouvernement indien à «coopérer pour éclaircir cette affaire », précisant que Justin Trudeau avait évoqué ce sujet avec le Premier ministre indien Narendra Modi lors du sommet du G20, quelques jours avant.
Narendra Modi inquiet des « activités anti-indiennes au Canada »
L’Inde s’est souvent plaint de l’activité de la diaspora sikhe à l’étranger, notamment au Canada, susceptible selon New Delhi de relancer le mouvement séparatiste grâce à une aide financière massive. Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a exprimé début septembre ses « vives inquiétudes quant à la poursuite des activités anti-indiennes des éléments extrémistes au Canada » lors de sa rencontre avec Justin Trudeau, à l’occasion du dernier rassemblement du G20 en Inde. Justin Trudeau avait ensuite déclaré à la presse qu’il défendrait toujours « la liberté d’expression, la liberté de conscience et la liberté de manifester pacifiquement », tout en agissant contre la haine.
L’État indien du Pendjab, qui compte environ 58% de Sikhs et 39% d’Hindous, a été secoué par un violent mouvement séparatiste dans les années 1980 et au début des années 1990, au cours duquel des milliers de personnes ont trouvé la mort. Aujourd’hui, les partisans les plus virulents du mouvement sont principalement issus de la diaspora pendjabie. Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de sikhs en dehors de leur État d’origine, le Pendjab, en Inde.
Avec AFP