Tripartite de Luanda : dialogue de sourds entre Kinshasa et Kigali

Entre Kinshasa et Kigali, les rapports restent tendus

Une semaine après le sommet tripartite de Luanda, il est difficile de démêler l’écheveau quant à l’interprétation que les parties rwandaise et congolaise se font de la conclusion de la médiation du président angolais João Lourenço sur la résurgence de la rébellion du M23 au Nord-Kivu soutenue, selon Kinshasa, par les forces régulières rwandaises. Avec le deuil qui a frappé l’Angola, consécutif à la mort de l’ancien président José Eduardo Dos Santos, il n’est pas évident que la réunion des ministres des Affaires étrangères de deux pays, prévue ce mardi 12 juillet à Luanda, ait lieu. Pendant ce temps, sur le terrain des opérations, les FARDC (Forces armées de la RDC) multiplient des assauts pour la reconquête de la cité de Bunagana.
Aussi bien Kinshasa que Kigali se répandent dans des déclarations contradictoires. La diplomatie congolaise met en avant «les acquis» congolais «dont la clarification de sa position sur les M23 grâce à la  fermeté et l’intransigeance de SM Fatshi»; le retrait sans condition des rebelles M23; l’arrêt immédiat de l’exploitation clandestine des ressources naturelles de la RD Congo ; le retour de tous les réfugiés rwandais au Congo vers leur pays et la mise en place d’un Mécanisme de suivi et de réalisation de cet accord de Luanda sous la direction d’un général angolais, selon le ministre congolais des Affaires étrangères Christophe Lutundula.
A l’opposé, le gouvernement rwandais ne voit pas les choses sous le même prisme. Son ministre des Affaires étrangères tempère les ardeurs de Kinshasa et annonce que Luanda a produit «une Feuille de route avec objectifs clairs et activités à mettre en œuvre par différents partenaires. Aucun accord ni cessez-le-feu n’ont été signés». Selon Vincent Biruta, «la désinformation et le populisme sabotent l’objectif de paix en RDC».
Et comme pour corser davantage une situation déjà inextricable en elle-même, le Vice-premier ministre, ministre congolais des Affaires étrangères, Christophe Lutundula, a révélé le contenu de l’un de ses apartés avec le général James Kabarebe, conseiller spécial du président Kagamé en matière de sécurité. L’homme politique rwandais lui aurait révélé que le Rwanda ne soutenait pas le M23, ce serait plutôt le rôle joué par…l’Ouganda ! Une nouvelle donne dont on sait dans quelle mesure elle sera intégrée par Kinshasa dans le cours des futures négociations, sans effaroucher l’allié Museveni dont l’armée combat les ADF en RDCongo aux côtes des FARDC.
Les observateurs de l’évolution de la politique inter-états dans la région des Grands Lacs braquent désormais leurs regards sur la réunion de la Commission mixte RD Congo-Rwanda de ce 12 juillet 2022. A moins que cette dernière ne soit renvoyée à une date ultérieure en raison du deuil national observé en Angola à la suite de la mort de l’ancien président José Edouardo dos Santos à Barcelone en Espagne.

Tout reste à faire
Au sortir de cette tripartite, aucun accord n’a été signé par les trois hommes, indique, pour sa part, La Libre Belgique. Le président angolais a annoncé que ses deux hôtes s’étaient engagés dans un «processus de désescalade». João Lourenço a aussi annoncé que les parties ont «décidé de créer un mécanisme d’observation ‘ad hoc’ qui aura à sa tête un officier angolais».
Pour le reste, chacun y est allé de sa présentation des résultats de cette négociation. Selon Kinshasa, «la feuille de route prévoit la cessation immédiate des hostilités et le retrait immédiat et sans condition du M23 de ses positions en RDC ».
Du côté rwandais, on explique que «la feuille de route convenue à Luanda pour désamorcer les hostilités comprend la résolution de la question des FDLR tandis que la question du M23 doit être traitée au niveau national dans le cadre du processus de Nairobi». Ce qui reviendrait à dire que Kinshasa a accepté de négocier avec le M23, ce qu’il avait exclu jusqu’ici.
Une lecture très différente de part et d’autre qui laisse augurer des lendemains bien compliqués.

M.M.F.