Tshisekedi-Katumbi : l’heure de la rupture

S’il a eu gain de cause avec la loi de «congolité», finalement déclassée à l’Assemblée nationale, Moïse Katumbi Chapwe, leader du parti politique Ensemble pour la République, n’a pas su influer sur l’entérinement de nouveaux animateurs de la Céni (Commission électorale nationale indépendante). On ne gagne pas sur tous les coups, dit-on. Pour Katumbi, sa ligne rouge a donc été franchie. Que lui reste-t-il encore à faire ? Difficile à dire.

On sait néanmoins qu’avec la nomination par ordonnance présidentielle de l’équipe Denis Kadima, en remplacement de celle de Corneille Nangaa, le train de la Céni va bientôt quitter la gare. Le chien va certes continuer à aboyer, alors que la caravane continuera à avancer. Pour Katumbi, l’équation se complique. Soit il quitte l’Union sacrée de la nation en rejoignant les rangs des anti-Tshisekedi, soit il maintient sa participation tout en se laissant totalement guider par le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Quoi qu’il en soit, entre Tshisekedi et Katumbi, l’ombre de la rupture plane en permanence. En attendant que l’homme de Kashobwe trouve le meilleur jour pour prendre le large d’une majorité parlementaire qui continuera à multiplier des provocations pour le mettre en minorité.

La ligne rouge de la désignation contestée des animateurs de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) franchie, il ne reste plus que les conséquences. Particulièrement Moïse Katumbi, qui avait adhéré à l’Union sacrée de la nation sans trop y croire, mais dans le but de satisfaire à une option levée par la majorité de son camp.

Katumbi est arrivé à l’heure de graves décisions, notamment la rupture avec le président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo.

Du côté du chef de l’État, c’est la même attitude qui est observée. Tout se conjugue en termes de « Je t’aime, moi non plus ». D’ailleurs, le fait d’avoir fait passer Denis Kadima sans un vrai représentant délégué par le parti politique Ensemble pour la République de Moïse Katumbi est un message très clair. Arcbouté dans le fait que cela a réussi donc il y a moyen de réussir tous les coups.

La séparation d’avec le camp de l’ancien gouverneur du Katanga n’est pas une surprise.

Dès le moment où Katumbi avait refusé le poste de Premier ministre de Tshisekedi, l’alerte était donnée.

Le message de sa prochaine candidature à la présidentielle était capté 5 sur 5.

Les Tshisekedistes ont trouvé ainsi la raison de l’écarter de la coalition au pouvoir. C’est le pouvoir de Félix-Antoine Tshisekedi et de l’UDPS. Kabila et les siens éjectés, tout celui qui ne ferait pas preuve de docilité subira le même sort.

Les anciens FCC ayant démontré qu’ils étaient corvéables à souhait, Jean-Pierre Bemba qui, comme par enchantement gagne à tour de bras des procès, il ne restait plus que Moïse Katumbi.

Félix-Antoine Tshisekedi connaît le degré de naissance ainsi que les capacités de l’homme de Kashobwe. N’est-ce pas qu’à une époque Katumbi avait mis sur la table son riche carnet d’adresses à la disposition de la lutte ? Tshisekedi connaît donc les portes où Katumbi frappe pour influer sur les événements.

QUITTE OU DOUBLE

C’est bien cela la difficulté. Prendre la difficile décision de quitter la coalition par Katumbi n’est en réalité un retour à la normale.

Katumbi ne voulait pas de cette coalition telle que les choses étaient négociées.

Un retour en arrière devenait difficile. Aujourd’hui, avancer main dans la main avec Tshisekedi reviendrait à se faire hara-kiri. Les humiliations subies n’ont qu’une unique issue : la rupture.

Attendue de part et d’autre, Tshisekedi a franchi le deuxième quart du travers. Le premier quart avait été enclenché par Katumbi lorsqu’il avait tracé les deux lignes rouges : l’une sur la «congolité » et l’autre sur la Céni.

Ayant gagné la bataille de la «congolité », les durs ont pu réussir le coup de fermer les portes de la Céni aux Katumbistes. Ils savaient très bien que ce sera la rupture. Ils ont allègrement franchi cette ligne en riant sous cape. Ensemble pour la République ne peut que se décider pour la sortie de la coalition.

Pour l’instant, Ensemble pour la République, le méga-parti de Katumbi, a pris acte de la nomination de Denis Kadima aux commandes de la Céni, promettant de se réunir en début de semaine pour réévaluer sa participation à l’Union sacrée de la nation.

Sur les antennes de RFI, son secrétaire général, Dieudonné Bolengetenge, n’y est pas allé par quatre chemins : «Nous allons nous assumer, comme tous ceux qui ne sont pas d’accord. La Céni est constituée dans un cafouillage constaté par plusieurs composantes de la nation congolaise. Il y a lieu de craindre que les élections soient organisées dans le même cafouillage et que les résultats soient programmés de la même manière. Et ça, c’est inadmissible ». Avant de prédire ce qui découlerait de la position clairement affichée du Chef de l’Etat : « Ce début annonce la fin, et si nous ne voulons pas nous y résigner, nous devons tirer les conséquences qui s’imposent ».

Econews