Charles Onana devant la justice française : le procès du siècle (Tribune de Freddy Mulumba)

Ce 7 octobre débutera en France le procès de l’écrivain Charles Onana et des éditions du Toucan. La suite d’une plainte pour contestation de crime contre l’humanité déposée par plusieurs associations. Pourquoi le président rwandais Paul Kagame utilise les associations françaises (FIDH, LDH, Survie-France, CRF, LICRA et Ibuka) pour attaquer en justice l’écrivain Charles Onana ? Décryptage.

Plusieurs associations françaises,  proches du président Rwandais Paul Kagame, ont déposé en 2020 une plainte contre l’écrivain Charles Onana pour contestation du génocide des Tutsis, incriminant ainsi son livre « Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise, quand les archives parlent, Editions L’Artilleur, 2019 ». Le procès,  que certains qualifient déjà d’historique, s’ouvre et s’étale, les 7, 8, 10 et 11 octobre 2024, devant la 17ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris.

L’écrivain Charles Onana est poursuivi par rapport à l’article 24 bis, une  ajoute de la loi sur la liberté de presse de 1881, résultat du lobbying et de la pression de la Communauté Rwandaise de France exercée sur les parlementaires français en 2017, souligne son avocat Me Richard Gisagara, proche de Kigali, sur les antennes de la télévision publique rwandaise le 14 septembre 2024.

L’article 24 bis alinéa 2 de la loi du 29 juillet sur la liberté de la presse  vise à sanctionner « ceux qui auront nié, minoré ou banalisé de façon outrancière (…) l’existence d’un crime de génocide autre (que la shoah) lorsque ce dernier a donné lieu à une condamnation prononcée par une juridiction française ou internationale».

C’est la première fois que Paul Kagame manœuvre ainsi pour faire taire Charles Onana. Pour rappel, en 2002, Paul Kagame et l’Etat rwandais avaient déposé une plainte devant la 17ème chambre à Paris contre Charles Onana pour « diffamation du président rwandais et atteinte à l’honneur de l’armée rwandaise ». «Les secrets du génocide rwandais, enquête sur les mystères d’un président », titre du livre incriminé, avait été écrit par Charles Onana avec un rescapé tutsi du génocide, Deo Mushayidi, ancien membre du Front Patriotique Rwandais, actuellement emprisonné à perpétuité au Rwanda.

Sentant l’échec de son aventure devant la justice française, Paul Kagame et l’Etat rwandais furent obligés de retirer leur plainte suite aux offres  de preuve et à la liste des témoins soumis au juge par Onana.

En 2019, le politologue publie un nouvel ouvrage, plutôt scientifique, intitulé « Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise, quand les archives parlent, Editions L’Artilleur, 2019 », préfacé par le colonel Luc Marchal, commandant des casques bleus de l’ONU et chargé en 1994 de la sécurité  de la ville de Kigali. 

À la sortie  de cet ouvrage, le journaliste congolais, Jacques  Matand,  en poste à la BBC Afrique à Dakar, décide d’interviewer Charles Onana sur son ouvrage et plus d’un mois après la diffusion de son entretien, le journaliste Jacques Matand est révoqué de son poste à la  BBC pour une prétendue « faute professionnelle » sur la pression de Paul Kagame.

L’affaire est portée devant la justice sénégalaise à Dakar en 2019 et la justice a tranché en faveur du journaliste congolais contre la Radio Britannique qui a été condamné de lui payer les dommages-intérêts.

La RDC ou l’enjeu principal de ce procès

Vu les forces en présence, principalement  la cohorte des associations dites de défense des droits humains, le procès qui s’ouvre à Paris du 7 octobre prochain est d’une importance capitale pour la RDC. Faire condamner Charles par la justice française signifie jeter un discrédit sur tous ses travaux de recherche et enquêtes sur la Régions des Grands Lacs tout en lui collant pour toujours l’étiquette de « négationniste ».

En effet, Charles Onana a consacré l’essentiel des recherches sur la crise dans la régions de Grands-Lacs et les guerres en République Démocratique du Congo depuis 1994 en publiant 4 livres majeurs sur le pays de Patrice Lumumba à savoir : «Ces tueurs tutsi, au cœur de la tragédie congolaise » en 2009 ; «Europe, crimes et censure au Congo » en 2012 ; «Holocauste au Congo, L’Omerta de la communauté internationale » en 2023 et « Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise, quand les archives parlent en 2017 », livre pour lequel il est poursuivi en justice avec son Editeur L’Artilleur/Toucan par les associations proches du régime de Kigali. Comme il est l’un de rares écrivains,  avec son ami feu Pierre Péan, qui remet en cause le discours officiel sur la tragédie congolaise, réduire définitivement Charles Onana au silence signifie éteindre la voix du redoutable défenseur de la souveraineté de la RD Congo et des millions des congolais et congolaises tués par le régime de Paul Kagame, avec l’aide des multinationales et de certaines puissances occidentales.

Bref, ce n’est pas Charles Onana qui est attaqué en justice, c’est la République démocratique du Congo et l’ensemble du peuple congolais.

De plus, la condamnation ou l’interdiction du livre de Charles Onana «Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise » vise à empêcher la diffusion de ses recherches fondées sur l’examen des archives officielles (les documents du Conseil de Sécurité de l’ONU, des archives de la Maison Blanche et du Pentagone et des archives de l’Elysée ou la présidence française).

Charles Onana produit des éléments de  preuves qui attestent que le véritable rôle de Paul Kagame dans la tragédie des grands Lacs africains en général est accablant. Il expose, cartes d’états-majors militaires à l’appui, l’invasion masquée du Congo-Zaïre dès 1994. Contrairement à beaucoup de chercheurs qui situent la première guerre du Congo-Zaïre en 1997, Charles Onana explique que cette guerre imposée aux Congolais est déclenchée en 1994 avec l’envoi massif de millions de réfugiés rwandais sur le sol zaïrois. C’est à partir de là qu’Onana explique comment Paul Kagame, aidé par le Pentagone, le secrétaire d’état américain à la  défense, William Perry, puis l’ensemble de l’administration Clinton, va commettre un holocauste en RD Congo ou encore le pillage de nos richesses, sans oublier les viols de femmes et les traumatismes divers d’enfants depuis plus de 30 ans maintenant.

Par ailleurs, le procès de Charles Onana en France sert surtout à dissuader tous ceux qui s’aventureraient à chercher la vérité sur la tragédie de la région des Grands Lacs comme le souligne bien l’Association Survie-France. Manifestement, il n’y a point de salut en dehors ceux qui soutiennent la « vérité » officielle.

D’après Survie-France, le procès «précisera les limites légales des propos que l’on peut tenir sur ce crime contre l’humanité, aucune jurisprudence spécifique concernant la négation du génocide des tutsis n’ayant encore été rendue ». 

A cet égard, Charles Onana serait le cobaye de rêve que  Survie-France, FIDH, LDH, LICRA, IBUKA, COMMUNAUTÉ RWANDAISE DE FRANCE, COLLECTIF DES PARTIES CIVILES, etc., cherchent à sacrifier sur l’autel d’un tribunal français pour épargner Paul Kagame et son cortège de crimes contre l’humanité.

Onana le scientifique face aux militants pro-Kagame

Ce procès met le chercheur Charles Onana face à des militants/défenseurs du régime Paul Kagame en France. «Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise, quand les archives parlent », publié aux Editions L’Artilière », est une publication issue de la thèse de doctorat  en sciences politiques de Charles Onana obtenue en France.

Cet ouvrage, écrit sous forme  d’un livre accessible au grand public, détruit l’ensemble des accusations portées par Kagame contre la force  multinationale connue sous la dénomination « Opération Turquoise »,  décidée le 22 juin 1994 par le Conseil de sécurité de l’ONU. Le titre original de la thèse de Charles Onana est : « Rwanda : L’Opération turquoise et la controverse médiatique 1994-2014 : analyse des enquêtes journalistiques, des documents secret-défense et de la stratégie militaire ». Une thèse soutenue à la prestigieuse  Université de Lyon 3 en France en 2017 avec mention très honorable avec félicitation du Jury. 

Cette thèse a remis en cause la vérité officielle sur l’exode des réfugiés hutus en RD Congo après le génocide de 1994 au Rwanda et la prise du pouvoir de l’Armée Patriotique Rwandaise, branche militaire dirigée par Paul Kagame.

« Cet exode massif des populations rwandaises vers le Congo-Zaïre procède simplement d’une stratégie masquée d’invasion du Zaïre et du projet de coup d’Etat contre le président Mobutu par les troupes de  Paul Kagamé aidées par les Etats – Unis. Pour être précis encore, la façon de conduire les opérations militaires au Rwanda et le quadrillage territorial par les troupes du FPR/APR montrent très clairement que l’exode des populations a été organisé aux fins d’une invasion du Zaïre et de l’éviction de son président », souligne Charles Onana en s’appuyant sur  les  cartes militaires de la CIA et de la direction du renseignement militaire français (DRM). Onana conclut sur ce point que « la prise du pouvoir des rebelles tutsis au Rwanda et l’invasion du Zaïre étaient intimement liées ». 

C’est cette vérité qui dérange le président Rwandais Paul Kagame avec ses soutiens occidentaux.

Face à ces révélations basées sur les documents d’archives de la Maison  Blanche, du Pentagone, du Conseil de Sécurité de l’ONU et de la présidence de la République Française, Kagame et ses lobbies occidentaux sont mis au tapis. Leur difficulté à affronter Charles Onana sur le terrain scientifique les a conduits à l’affolement et à recourir à la sanction judiciaire par l’instrumentalisation de la justice. En clair, Kagame et ses soutiens demandent à  la justice française  de disqualifier, de sanctionner et d’éliminer un intellectuel qu’ils sont rigoureusement incapables de contredire, preuves en main. C’est ainsi que Paul Kagame et ses soutiens en France vont utiliser l’article 24 bis de la loi sur la liberté de presse de 1881, qui a été ajoutée à dessein en 2017 à  la demande de la communauté rwandaise de France pour pouvoir ester en justice. 

Curieusement, l’année de la modification de cette loi sur le droit de la presse coïncide avec l’année de la soutenance de la thèse de doctorat en science politique de Charles Onana l’Université Lyon 3. Simple coïncidence ou hasard du calendrier !

A cet égard, les propos de Me Richard Gisagara, l’avocat le plus  hargneux de la communauté rwandaise de France, sur les antennes de la télévision publique rwandaise, le 14 septembre 2024 sont révélateurs des petites manœuvres de Kigali contre Charles Onana: « Onana met tout sur le  FPR. Il dit que tout ce qui s’est passé au Rwanda, c’était un plan qui visait à envahir le Congo, thèse récurrente dans toutes ses œuvres, il a publié les autres livres toujours sur la négation du génocide des Tutsis.  C’est un procès très important, c’est le deuxième qui va se tenir pour application de cette loi 24 bis qui réprime le génocide commis  contre les tutsis. Et pour ma part, sincèrement, c’est un cas d’école, Si cette personne n’est pas condamnée par cette loi, je me poserai la question, à quoi  elle sert ? »

En tout état de cause, pour les historiens spécialistes du Congo, les travaux de recherches de Charles Onana sur le Congo (Holocauste au Congo, L’Omerta de la communauté internationale) sont du même calibre que ceux de deux grands écrivains occidentaux : l’Anglais Edmond Morel (The story of the rubber slave trade which flourished on the Congo for twenty years, 1890-1910) et l’Américain Adam Hochschild (Les fantômes du Roi Léopold, un holocauste oublié).

Le mérite de ces deux écrivains reste leur lutte acharnée pour la vérité et contre les injustices au Congo. « Plus j’avançai dans mes lectures », écrit Adam Hochschild, « plus j’acquis la conviction que le nombre de morts ayant décimé le Congo au siècle dernier était comparable à celui de l’Holocauste ». Pour l’écrivain britannique, Edmond Morel, non seulement il alerta le monde capitaliste occidental des abus de l’Etat Indépendant du Congo (EIC) suite à la forte demande du caoutchouc sur le marché mondial d’automobile mais il créa l’association « Congo Reform » pour combattre le roi Léopold II.

Grace aux pressions et lobbying exercés par Edmond. Morel et d’autres américains, en 1908, l’EIC fut annexé à la Belgique et devint une colonie malgré l’influence des lobbyistes financés par le Roi Léopold II en Europe et surtout aux Etats-Unis.

Si la révolution industrielle avec le boom de l’automobile a occasionné un holocauste oublié, la révolution numérique et  l’expansion des nouvelles technologies est à la base de l’holocauste au Congo avec la complicité de la communauté internationale. C’est ici qu’il faut relever le mérite des travaux de recherches de Charles Onana qui ont dévoilé au monde entier la tragédie congolaise à travers la guerre d’extermination que mène Paul Kagame contre nos populations et notre pays.

A ce niveau, Charles s’inscrit dans la tradition des grands écrivains humanistes qui ont toujours combattu les inégalités, les injustices et le mensonge. En lisant Charles Onana, il faudra se souvenir du proverbe rwandais qui dit que « la vérité peut traverser le feu sans être brulée ». 

Freddy Mulumba Kabuayi

Directeur de publication du site www.holocaust-congo.com

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