Conflit dans l’Est : et si la RDC déclarait la guerre au Rwanda ?

Le sommet de Luanda (Angola) prévu, dimanche 15 décembre, entre le président de la République Démocratique du Congo (RDC), Félix Tshisekedi, et celui du Rwanda, Paul Kagame, autour de leur homologue, Joao Laurenço, médiateur désigné par l’Union africaine (UA), a été annulé, douchant tout espoir d’un accord dans l’immédiat pour rétablir la paix dans l’Est de la RDC déchiré depuis 30 ans par des affrontements entre de nombreux mouvements rebelles et les Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC), sur fond d’une diplomatie déboussolée et qui exige un changement de paradigme.  

La rencontre entre Félix Tshisekedi et Paul Kagame a été annulée. Les deux parties ne sont pas parvenues à une convergence de vue. Pourtant, ce jour-là, un accord pour le rétablissement de la paix et la stabilité dans l’Est de la RDC devait être posé sur la table. Avant le sommet, la bipartite s’était dite néanmoins optimiste pour arriver à la signature du texte.

Mais, samedi 14 décembre, une réunion des ministres des Affaires étrangères des deux pays qui s’est également tenue à Luanda, portant sur les conditions de l’accord et qui s’est étirée jusque tard dans la nuit s’est soldée par un échec des négociations.

Félix Tshisekedi était déjà à Luanda. Paul Kagame ne s’y est jamais rendu, estimant, selon Kigali, que le sommet n’était plus pertinent après l’échec de la réunion ministérielle de samedi. De ce fait, la présidence angolaise annonçait à la presse que « contrairement aux attentes, le sommet n’aura plus lieu aujourd’hui ». Le ministre angolais des Affaires étrangères, Tete Antonio, a été plus explicite en déclarant à la presse que les deux parties ne sont pas parvenues à une « convergence de points de vue ».

DIVERGENCE D’APROCHE

Le goulot d’étranglement au processus de Luanda demeure la divergence d’approche pour parvenir à la fin du M23. Le Rwanda a toujours soutenu que la crise du M23 devrait être plutôt politique, c’est-à-dire qu’elle passerait par un dialogue direct entre le M23, dont il considère les combattants comme étant des Congolais, et le gouvernement de Kinshasa. De son côté, la RDC a toujours rejeté toute idée de négociation avec le M23 qu’il considère comme étant un groupe terroriste avec lequel elle ne négociera jamais.

En effet, le Rwanda a posé comme préalable à la signature d’un accord que la RDC mène un dialogue direct avec le M23.  Ce qui est inacceptable pour la RDC qui accuse Kigali de faire preuve de « mauvaise foi ». À ce stade, elle ne prévoit de négocier qu’avec le Rwanda qui soutient les rebelles et sans qui le M23, « ennemi de la République », n’existerait pas.

Le Rwanda rétorque : « le sommet de la paix n’était plus pertinent à cause de l’intransigeance des négociateurs Congolais ».  Selon Kigali, dans le cadre du processus de Nairobi, Kinshasa avait accepté le principe d’un dialogue direct avec le M23. Et Félix Tshisekedi a reconnu devant d’autres chefs d’État que « ces gens sont des Congolais ».

C’est un secret de polichinelle que le M23 est peuplé de Rwandophones et est dirigé depuis Kigali, qui a placé à sa tête quelques « Congolais de service » pour « congoliser » l’agression d’une partie du territoire congolais. Il est le masque utilisé par le Rwanda pour déstabiliser et piller la RDC, pays dont le sous-sol compte parmi les plus riches au monde au regard de la géologie et de la minéralogie, mais considéré comme faible à bien des égards.

Que faut-il attendre alors de la médiation angolaise ? L’espoir est-il permis ? Les parties prenantes poursuivront-elles les discussions ? Le président Joao Lourenço continuera-t-il à chercher des solutions et que la communauté internationale restera-t-elle mobilisée ? La RDC finira-t-elle par négocier avec le M23 ? Quoi qu’il en soit, le sommet annulé de Luanda suscite de nombreuses interrogations.

LA PROBLÉMATIQUE DES FDLR

Cependant, il existe un paradoxe frappant ici, à savoir les Rwandais qui refusent de dialoguer avec les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), exigent les Congolais d’engager des pourparlers avec le M23. Si tel est le cas, il est donc tout à fait juste d’en appeler à un dialogue entre le gouvernement du Rwanda et les FDLR, question naguère évoquée à un des sommets de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL). Tous les Hutu de la région ne sont pas des génocidaires et ne nourrissent aucune intention belliqueuse vis-à-vis du Rwanda.

Selon toutes les apparences, le Rwanda  ne s’engagera pas à retirer ses troupes de la partie Est de la RDC. Le plan de neutralisation des FDLR, réclamé par Kigali, est un leurre. Car, c’est enlever tout prétexte de la présence rwandaise en RDC. Pour Paul Kagame, qui n’entend pas abandonner ses visées expansionnistes, c’est son fond de commerce.

Malgré cela, le Rwanda doit quitter le territoire congolais. Cela relève du strict respect de l’intégrité territoriale. C’est une question de souveraineté nationale. Cette responsabilité incombe aux autorités congolaises qui semblent manquer de stratégie pour mettre hors d’état de nuire l’armée rwandaise, et mettre un frein aux ambitions et aspirations de Paul Kagame de remettre en cause les frontières héritées de la colonisation. Les complices internes (politiques, militaires et  membres de la société civile) doivent être dénoncés et sanctionnés.

Sur le plan diplomatique, le Rwanda veut mener la danse : être en tête et faire ce qu’il a décidé. Son absence au sommet de Luanda vient de le prouver à nouveau. Son intention est parfaitement claire : humilier la RDC.

Hélas, la RDC ne semble pas être un poids lourd diplomatique en Afrique, notamment dans la région des Grands Lacs. Sa voix est à peine audible et moins nette. Elle est devenue la honte du continent et la risée du monde, aux mains d’une classe dirigeante pervertie.

LA POUDRE DE PERLIMPINPIN

Ce qui est étonnant, c’est la réaction de l’Union européenne (UE), dont une délégation conduite par Johau Borgstam, son représentant spécial dans la région des Grands Lacs, reçue par le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, mardi 17 décembre, pour réaffirmer l’engagement de l’UE sur son soutien au processus de paix et le retour de la stabilité dans la région des Grands Lacs. De ce fait, elle condamne le boycott du processus de Luanda par Paul Kagame. De qui se moque-t-on ?

Qui peut inciter les Congolais à croire que l’UE se dit préoccupée par la guerre dans l’Est de la RDC ? Qui peut croire à la pression que l’UE entend faire sur le Rwanda pour retirer ses troupes de la RDC et cesser tout soutien au M23 ? Ces questions se posent avec clairvoyance que l’on peut conclure, sans une once de doute, que l’UE joue le jeu politique du Rwanda dans le conflit qui l’oppose à la RDC.

Le président congolais, Félix Tshisekedi, a toujours réclamé des sanctions contre l’État rwandais, mais l’UE, elle, appelle aux négociations. C’est de l’enfumage. D’ailleurs toutes les tentatives dans ce sens se sont soldées par des échecs.

L’on se souviendra qu’à l’initiative du président français, Emmanuel Macron, la rencontre entre le président rwandais, Paul Kagame, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, organisée, en septembre 2022, à New York, en marge de la 77ème Assemblée générale de l’ONU, avait abouti, selon l’Élysée, à un accord rwando-congolais qui prévoyait la cessation immédiate des hostilités, le retrait du M23 et le cantonnement de ses combattants hors de la zone de Bunagana, avec l’appui de l’ONU et de leurs partenaires de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGIL).

De retour chez lui, à Kigali, Paul Kagame s’est assis sur les engagements pris devant Emmanuel Macron à New York : la guerre s’intensifie dans l’Est de la RDC, et le M23 est toujours là. Emmanuel Macron, qui se posait en garant du suivi des engagements pris en sa présence par Paul Kagame et Félix Tshisekedi, a finalement préféré ménager son homologue rwandais que d’assurer son rôle de garant de cet accord. Ce qui ne surprend personne à Paris et ailleurs, étant donné que Paul Kagame bénéficie de son œil favorable et celui de l’UE.

Et si la RDC déclarait la guerre au Rwanda ? Il convient d’admettre que la solution diplomatique à l’agression dont est victime la RDC de la part du Rwanda a épuisé toutes les possibilités de compromis. Autrement dit, toutes les tentatives de négociation ont échoué. Le discours de la délégation de l’UE, en visite chez le président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe, c’est de la poudre de perlimpinpin. Par conséquent, il faut changer de paradigme.

Paul Kagame n’entend que le langage de la force et ne s’impose que par celle-ci. Passionné en la matière, c’est sa façon de faire de la politique (le dialogue, il s’en moque royalement). Pleurer, crier, prier, gémir… Tout cela est faiblesse. Seul, l’usage de la force s’impose. Il faut s’inscrire dans un rapport de force avec le Rwanda.  Parfois, la paix est le fruit d’une victoire militaire.

C’est pourquoi, il est souhaitable et souhaité d’aller dans son sens. Ce qui s’avère impératif et urgent dans le contexte d’aujourd’hui.  Toutefois, il faut se dire que la diplomatie sans les armes, c’est la musique sans les instruments (Otto Von Bismarck).

Robert Kongo (CP)   

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