Affaire Bukanga-Lonzo : les deux arrêts contradictoires de la Cour constitutionnelle s’invitent à l’Assemblée nationale

Dans l’affaire Bukanga-Lonzo, la Cour constitutionnelle a, en l’espace d’une année, rendu deux arrêts contradictoires, jetant un discrédit sur la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire congolais. Le discrédit est tel que l’Assemblée nationale, l’une des chambres législatives de la République Démocratique du Congo, s’est finalement invitée dans le débat par une motion d’information, présentée jeudi par l’honorable Willy Bolio Emina. «Notre peuple, dit-il, vient d’assister abasourdi à un jeu de ping-pong juridique de la Cour constitutionnelle qui, en l’espace d’une année quasiment, vient de rendre deux arrêts contradictoires sur une affaire qui a défrayé les réseaux sociaux». Avec la confusion ainsi créée, « il est possible, lance-t-il, d’éclairer le peuple sur la validité de ces deux arrêts ». Pour sa part, l’honorable Willy Bolio a fait le choix de la légalité : «Je serai tenté de dire, pour ma part, que c’est le premier arrêt car les arrêts de la Cour constitutionnelle sont sans appel et que tout acte déclaré non conforme à la Constitution est nul de plein droit ». C’est par une interpellation qu’il conclut sa motion : « J’attire l’attention du législateur que nous sommes, pour que les lois que nous donnons à la République pour son fonctionnement et la sécurité juridique de tous, ne créent l’insécurité pour tous par ceux qui les appliquent ». L’Assemblée nationale a donc décidé de se désolidariser de la Cour constitutionnelle. Qu’en sera-t-il du Sénat ? Suspense !
E n l’espace d’une année, soit le 15 novembre 2021 et le 18 novembre 2022, la Cour constitutionnelle a rendu deux arrêts contradictoires dans l’affaire Bukanga-Lonzo. Dans les milieux judiciaires, c’est l’embarras.
On se rappelle qu’une réflexion, lancée mardi par la faculté de droit de l’Université de Lubumbashi, a fait part d’une grave maladie qui ronge le droit congolais, à la suite du dernier arrêt de la Cour constitutionnelle, rendu sous la présidence du juge Dieudonné Kamuleta.
Présent à ce forum de l’Université de Lubumbashi, le prof Banza Malale n’a pas caché son désarroi. «Qu’est-ce qu’on va encore enseigner à la faculté. Le droit est malade », s’est-il exclamé.
Malade, le droit l’est véritablement. Chambre législative par excellence, le sujet s’est invité jeudi à la plénière de l’Assemblée nationale, sur une motion d’information présentée par l’honorable Willy Bolio.
D’emblée, il rappelle que «si la justice (la bonne justice) élève une nation, la Cour constitutionnelle doit à tous égards refléter l’image d’impartialité, de l’indépendance, de la constance, de la sagesse, de la compétence et être en mesure de garantir à tous les citoyens la pleine jouissance de leurs droits et libertés fondamentales dans le strict respect des lois du pays et des instruments juridiques internationaux auxquels la République Démocratique du Congo a souscrit».
«Malheureusement, s’indigne l’honorable Willy Bolio, force est de constater que la Cour constitutionnelle qui est l’instance censée élever la nation congolaise, s’est paradoxalement, plusieurs fois, mise dans des situations de fragilité et d’inconfort».
Il prend pour exemple, les arrêts tout aussi contradictoires rendus par la Cour constitutionnelle au début de cette législature par lesquels les mandats de certains députés nationaux ont été «validés, puis invalidés et revalidés ensuite». A lui de s’interroger : «Est-ce donc juste et normal qu’un si grand pays comme le nôtre qui a la vocation d’être tôt ou tard la locomotive de l’Afrique entière, soit obligé d’assister à un revirement judiciaire grossier de sa plus haute Cour ? Pourquoi les choses ne sont-elles pas faites de manière à susciter de la confiance et de la crédibilité à l’égard de la haute Cour ? »
Alors que les élections sont déjà annoncées le 20 décembre 2023, Willy Bolio ne cache pas ses inquiétudes : « Puis-je encore rappeler que la haute Cour étant appelé à sanctionner les résultats des élections dans quasiment une année, doit éviter à la République de plonger pour une énième fois dans une crise de légitimité ? »
L’honorable Willy Bolio s’est aussi remémoré de la vision du Président de la République qui «est engagé à faire jouer à la justice un rôle déterminant dans le développement de notre pays».
A ses collègues députés nationaux, l’honorable Willy Bolio les a invités à se surpasser et à dépasser leurs clivages, en se désolidarisant de la Cour constitutionnelle qui laisse «perplexe toute la nation, et particulièrement les juristes» au travers de ces deux arrêts contradictoires sur une même affaire.
«Quelles que soient les tendances politiques qui sont les nôtres, nous devrions sans passion ni atermoiements funestes, être intraitables face à l’instru-mentalisation de la justice à des fins politiques, à l’administration d’une justice à double vitesse : celle des riches et des puissants d’une part, et des faibles et des pauvres, d’autre part, et bien plus, celle de l’opposition et celle de la majorité aussi », a lancé Willy Bolio.
L’Assemblée nationale a montré le chemin en remettant en cause les deux arrêts de la Cour constitutionnelle dans l’affaire Bukanga-Lonzo, qu’en sera-t-il au Sénat ? Difficile à prédire.

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