Agression de la RDC et soutien au M23 : le Rwanda acculé de toutes parts

Le président rwandais, Paul Kagame, la situation est « pire que jamais »

«Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose », rappelle un vieil adage. Enfin, les Nations Unies viennent de donner raison à la République Démocratique du Congo en pointant du doigt le Rwanda comme parrain des terroristes du M23 dans la déstabilisation de la partie Est de la RDC. Un rapport d’un groupe d’experts des Nations Unies, publié le 29 décembre 2022, met en cause le Rwanda dans l’entreprise terroriste menée par le M23. A Kinshasa, on applaudit la position clairement affichée des Nations Unies et «encourage le Conseil de sécurité à en tirer les conséquences qui s’imposent». Acculé de toutes parts, le président rwandais, Paul Kagame, est désormais un homme seul.
Il y a des «preuves substantielles» d’une «intervention directe des forces de défense rwandaises sur le territoire de la RDC». C’est la conclusion d’un rapport d’experts mandatés par l’ONU, publié le 19 décembre 2022. Dans ce sulfureux rapport, les experts de l’ONU pointent clairement du doigt le soutien du Rwanda au groupe M23, cette ancienne rébellion qui a repris les armes il y a un an et occupe depuis une partie de la province du Nord-Kivu, en RDC.
Les Nations Unies ont affirmé avoir des preuves d’une «implication directe» des forces de défense rwandaises en RDC. D’après ce rapport, l’armée rwandaise a fourni «des armes, des munitions et des uniformes» au groupe M23 dans le cadre d’opérations militaires menées dans l’Est du pays, au moins entre novembre 2021 et octobre 2022 ».
Et pour étayer ces conclusions, les experts onusiens ont mis en évidence des photos et des vidéos de combattants du M23 portant des gilets pare-balles et de l’équipement militaire neuf. Des images de drones montrent également la circulation d’artillerie, des munitions et des recrues aux points contrôlés par le M23 aux frontières avec le Rwanda et l’Ouganda.
Les experts pointent également le rôle, non plus seulement du Rwanda, mais de son voisin ougandais auprès du M23. D’après eux, Kampala a laissé cheminer librement les rebelles à sa frontière avec la RDC. Selon le document onusien, ils sont passés « sans entraves » par l’Ouganda lors de leur conquête de la ville frontalière de Bunagana, prise en juin dernier. Des accusations démenties par l’Ouganda qui assure qu’il n’y a pas de combattants connus du M23 sur son territoire, rapporte notre correspondante aux États-Unis, Loubna Anaki.
Le groupe d’experts met aussi en évidence une collusion entre FARDC et groupes armés, dont les FDLR et les Maï-Maï, réunis pour combattre le M23. Selon le rapport, plusieurs chefs de groupes armés ont proposé de «mobiliser 600 combattants» en renfort de l’armée régulière.
Et ces conclusions sont avancées alors que la France a condamné explicitement mardi, et pour la première fois, le soutien du Rwanda au M23. Jusqu’ici, le seul pays à avoir affiché clairement sa position était les États-Unis.

Washington vent debout contre Kigali
Les Etats-Unis d’Amérique ont réitéré le jeudi 5 janvier 2023 leur appel au Rwanda de cesser tout soutien au mouvement rebelle du M23. A travers un communiqué du département d’Etat américain, Washington salue par ailleurs le rapport des experts des Nations unies, qui fait état de preuves irréfutables du soutien du Rwanda aux rebelles du M23.
Dans ce communiqué, les Etats-Unis se disent «attachés» aux efforts diplomatiques menés par l’Afrique, notamment les processus de Nairobi et de Luanda, pour promouvoir la paix dans l’Est de la RDC.
«Prenant note des preuves claires du soutien rwandais au M23 et des rapports crédibles de graves violations des droits de l’homme par le M23, nous réitérons notre appel au Rwanda pour qu’il cesse tout soutien au M23 et retire ses troupes de l’est de la RDC», souligne le département d’Etat.
Le M23 doit ainsi déposer les armes et se joindre aux consultations du processus de Nairobi, note Washington.
Aussi, le gouvernement américain dénonce-t-il la collaboration entre des éléments des forces armées congolaises (FARDC) et des groupes armés, dont les FDLR, telle que décrite dans le rapport des experts de l’ONU.
Enfin, les Etats-Unis soulignent leur inquiétude face à l’escalade inquiétante de la xénophobie et des discours de haine contre la communauté rwandophone en RDC, qui ont été mis en évidence dans le rapport.

Kinshasa attend des sanctions de l’ONU
A Kinshasa, le Gouvernement de la République Démocratique du Congo avait «salué» dans un communiqué du ministère de la Communication et Médias «la publication du rapport du groupe d’experts de l’ONU confirmant l’agression rwandaise contre son territoire et encourage le Conseil de sécurité à en tirer les conséquences qui s’imposent ».
«Le Gouvernement de la République Démocratique du Congo salue la publication, ce 29 décembre 2022, du rapport du groupe d’experts des Nations Unies sur la situation sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo, répondant ainsi à sa demande introduite au mois d’août 2022 », se félicite Patrick Muyaya, porte-parole du Gouvernement congolais. Et d’ajouter : «La publication de ce rapport attendu depuis plusieurs mois vient confirmer ce qui a déjà été décrié et documenté, particulièrement cristallisé dans le Livre Blanc publié le 10 décembre 2022 par le Gouvernement congolais sur l’agression avérée de la République Démocratique du Congo par le Rwanda et les crimes internationaux commis dans ce contexte par l’armée rwandaise et les terroristes M23. Cet acte du Conseil de Sécurité met fin aux mensonges et manipulation distillés depuis plusieurs mois par le Gouvernement rwandais abusant de la bonne foi de l’opinion internationale ».
Après la publication de ce rapport, Kinshasa attend que le Conseil de sécurité de l’ONU s’assume. «Au regard de la gravité des faits dénoncés et de la reconnaissance unanime de ces crimes odieux par la communauté internationale, le Gouvernement congolais renouvelle sa demande d’examen, toutes affaires cessantes, ce rapport par le Conseil de sécurité afin de tirer toutes les conséquences qui s’imposent, notamment en sanctionnant le Rwanda pour son agression et les auteurs des faits incriminés (crimes d’agression, crimes de guerre, crimes de génocide, crimes contre l’humanité et plusieurs actes d’écocide) pour que justice et réparation soient faites», poursuit le Gouvernement dans son communiqué.
C’est le moment, pense Kinshasa, de voir l’ONU contraindre le Rwanda à s’impliquer dans la mise en œuvre des options levées dernièrement à Luanda. «Dans le même sens, le Gouvernement de la République encourage le Conseil de sécurité des Nations Unies à user de toutes les mesures susceptibles de contraindre les autorités rwandaises à œuvrer, comme la République Démocratique Congo, à la mise en œuvre du chronogramme établi par le mini-sommet de Luanda le 23 novembre 2022 afin de mettre définitivement fin, sans délai et sans condition, à l’agression et à l’insécurité dans la province du Nord-Kivu », rappelle le Gouvernement.
S’inscrivant dans la stabilisation autant de sa partie Est que de la région, «le Gouvernement de la République Démocratique du Congo renouvelle son attachement et son engagement à l’instauration d’une paix et d’une stabilité durables dans la région des Grands-Lacs».

Kigali botte en touche
Le Rwanda est accusé par la RDC, les Etats-Unis et plusieurs pays européens de soutenir le M23. Kigali dément et accuse en retour la RDC d’instrumentaliser le conflit à des fins électorales et d’avoir «fabriqué» un massacre qui, selon une enquête des Nations unies, a été commis par le M23 et a coûté la vie à 131 civils.
Alain Mukuralinda, porte-parole adjoint du gouvernement rwandais, a déclaré que Kigali n’avait pas vu la substance du rapport ni les preuves sur lesquelles il était fondé. «Aujourd’hui, tant qu’on n’a pas vu les preuves matérielles, tant qu’on n’a pas examiné ces prétendues preuves, il est difficile de se positionner », a-t-il déclaré, ajoutant toutefois : «Nous ne soutenons pas le M23, nous n’en avons pas besoin (…) Le Rwanda est capable d’assurer la sécurité de son territoire, la sécurité de son peuple ».

Econews