Alger réunit ce mardi une Ligue arabe clairsemée

Lors d’un défilé à l’occasion de la célébration de la Révolution algérienne, lundi, à Alger. (Fethi Belaid/AFP)

Le 31e sommet de l’organisation panarabe s’ouvre en Algérie, ce mardi. Plusieurs dirigeants, dont le prince saoudien Mohammed ben Salmane et le roi Mohammed VI du Maroc, ont annulé leur venue.
Une vingtaine de drapeaux flottent dans les rues de la capitale algérienne. Pour la première fois depuis trois ans, les dirigeants arabes se réunissent, mardi et mercredi, pour le 31e sommet de la Ligue arabe. Un événement qui risque, une nouvelle fois, de faire ressortir les divergences entre les pays membres de l’organisation plutôt que de faire émerger des positions unifiées. La participation du roi du Maroc, Mohammed VI, aurait pu créer l’événement mais le souverain, comme beaucoup d’autres, a finalement décliné l’invitation d’Alger à la dernière minute.

Quels seront les dossiers abordés lors du sommet?
Plusieurs grands sujets sont à l’ordre du jour de l’événement. La question de la sécurité alimentaire, cette année, est l’une des priorités des 22 pays membres : la plupart sont extrêmement dépendants des importations de céréales, notamment de l’Ukraine, et font face à une inflation galopante depuis le début de la guerre.
Dans une brève allocution à la presse à l’issue d‘une réunion préparatoire, le secrétaire général adjoint de la Ligue, Hossam Zaki, a vanté dimanche «l’absence de tout nuage dans le ciel du sommet d’Alger», se félicitant du «consensus» trouvé entre les participants autour des «dossiers et des crises dans certains pays», dont la Libye, la Syrie, le Yémen et le Soudan.
A l’heure où certains pays membres ont normalisé leurs relations avec Israël (Emirats arabes unis, Bahreïn, Maroc, Soudan) dans le cadre d’une série d’accords négociés par Washington, les dirigeants arabes devront néanmoins se livrer à des contorsions diplomatiques dans la formulation des résolutions finales sur le conflit israélo-palestinien. D’autant que l’Algérie, farouche soutien des Palestiniens, a parrainé mi-octobre un accord de réconciliation entre les factions palestiniennes rivales du Hamas et du Fatah.
Les ingérences iraniennes et turques dans la région devraient également être abordées. Enfin, Alger entend peser sur un autre dossier : la réforme de l’institution panarabe, dont le fonctionnement n’a pas changé depuis sa création, en 1945.

Qui participera (ou non) au sommet ?
Alger voulait faire du sommet de la Ligue arabe un événement «rassembleur», mais de nombreux chefs d’Etat ont annulé leur venue. La défection la plus remarquée a été celle de Mohammed ben Salmane (MBS), prince héritier saoudien et dirigeant de facto du royaume, qui avait initialement confirmé sa présence. Le 23 octobre, Riyad a annoncé que des médecins lui avaient déconseillé les longs voyages en avion en raison d’un traumatisme à l’oreille. Jamais un tel problème de santé de MBS n’avait été évoqué par le passé.
Depuis, d’autres monarques lui ont emboîté le pas. Selon la presse arabe, l’émir du Koweït, Nawaf al-Ahmad al-Jaber al-Sabah, le sultan d’Oman, Haïtham ben Tariq, le roi de Bahreïn, Hamed ben Issa Al Khalifa, ou le roi Abdallah II de Jordanie ne feront pas le déplacement jusqu’à Alger. Pas plus que le chef de l’Etat libanais, Michel Aoun, dont le mandat présidentiel s’est achevé lundi sans successeur désigné. «Pour les monarchies du Golfe, la Ligue arabe, moins importante que le Conseil de coopération du Golfe, n’est pas une priorité, analyse Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen de Genève. La position d’Alger sur la question palestinienne a également refroidi certains dirigeants, qui n’ont pas envie de rappels à leurs obligations envers les Palestiniens après la normalisation de leurs relations avec Israël».
Alors que les relations algéro-marocaines sont au plus bas, le roi du Maroc, Mohammed VI, a longtemps laissé planer le doute sur sa venue. Le souverain a finalement renoncé à assister à l’événement, a annoncé Rabat lundi. En cause, selon Jeune Afrique : le «traitement peu diplomatique» réservé à la délégation marocaine actuellement à Alger pour participer à une réunion ministérielle en amont du sommet, ainsi que la «persistance des attaques» dont le Maroc fait l’objet dans les médias algériens. Le Maroc sera représenté par son ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita.
Dans un récent entretien au quotidien égyptien Al-Masri al-youm, le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe a confirmé la présence de 15 dirigeants arabes sur 22.

Quel est l’objectif diplomatique d’Alger ?
Longtemps effacée de la scène internationale en raison de la diplomatie proactive de son voisin marocain sur le dossier du Sahara occidental et après la répression des manifestations du «Hirak», l’Algérie veut profiter du sommet pour sortir de son isolement. Les autorités ont déployé des efforts considérables pour mettre en scène ce rôle d’hôte rassembleur de la grande famille panarabe.
Lundi, le quotidien algérien francophone l’Expression se réjouissait déjà d’une «Algérie au sommet». Mais pour pouvoir prétendre jouer un rôle central dans la promotion de l’unité arabe, Alger devra d’abord faire face au plus grand défi de la Ligue arabe : les divisions endémiques entre ses pays membres.
Avec Liberation.fr