Kinshasa est déterminé à aller jusqu’au bout dans l’appel d’offres lancé sur les blocs pétroliers et gaziers. Malgré la ferme opposition de certaines ONG internationales, principalement Greenpeace, le gouvernement congolais ne pense pas reculer. Jeudi à Kinshasa, le Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, a lancé officiellement la procédure d’appel d’offres. Pour Didier Budimbu, ministre des Hydrocarbures, c’est un soutien politique indéfectible qui l’oblige à aller jusqu’au bout de sa logique.
Jeudi à Kinshasa, le Président de la République, Félix-Antoine Tshi-sekedi Tshilombo, a lancé officiellement le procédure d’appel d’offres sur les blocs pétroliers (BP) et gaziers (BG) de la République Démocratique du Congo.
Le Président de la République s’est déplacé personnellement jeudi à l’espace «Kemesha», retenu pour abriter cette cérémonie, pour donner tout son sens à sa volonté de donner à son pays les moyens de sa politique.
A la Présidence de la République, on est convaincu que le lancement de cet appel d’offres (LOA) propulsera à coup sûr le géant congolais au cœur du continent africain dans le cercle privilégié des pays producteurs et exportateurs de pétrole.
Une façon pour le Chef de l’Etat de déjouer tous les pronostics négatifs des ONG internationales, essentiellement Greenpeace, qui se mobilisent pour contrer cette procédure.
En effet, sur les 32 blocs initialement présélectionnés, 16 pétroliers ont été retenus pour la première phase dans trois bassins sédimentaires dont dispose notre pays, à la faveur des appels d’offres pour l’attribution des droits d’hydrocarbures dont le lancement a eu lieu le 28 juillet 2022.
Cependant, aux fins de maximiser l’opportunité pour le pays dans le cadre de ce processus, le gouvernement a levé l’option du lancement d’appel d’offres pour cette première phase sur 30 blocs dont 26 pétroliers et 3 gaziers.
Les études ont révélé que ces blocs s’étendent de l’Est à l’Ouest et selon une évaluation de certains experts, les revenus attendus de cette opération sont estimés, au bas mot, à quelque 300 milliards de dollars américains.
Les experts sont d’avis qu’un tel pactole permettra de booster toutes les initiatives de développement en cours tel que le programme de développement de 145 territoires en RDC.
Félix Tshisekedi rassure
Alors que les partenaires extérieurs s’agitent et voient, en cette procédure, une nette volonté de Kinshasa de se détourner de la dynamique mondiale dans la lutte contre le réchauffement climatique, Félix Tshisekedi pense qu' » il est temps d’emboîter le pas aux nations qui ont fait de leur dotation en ressources hydrocarbures le fer de lance de leurs économies « .
Le Chef de l’État est d’avis que » cet appel d’offre ne constitue en aucun cas un reniement des engagements auxquels nous avons souscrit à l’international « . Et de poursuivre : » Je rassure nos partenaires sur notre détermination à mener des travaux d’exploitation et d’exploration à l’aide des moyens technologiques les plus modernes qui protègent l’environnement, la faune et la flore et préservent les écosystèmes ainsi que les équilibres écologiques « .
Didier Budimbu plus que déterminé
Pour le ministre des Hydrocarbures, Didier Budimbu, le soutien politique reçu du Président de la République le rassure dans sa volonté d’aller jusqu’au bout de sa logique.
Contrairement aux inquiétudes de certaines ONG internationales, le ministre des Hydrocarbures note que «l’impact environnemental est pris en compte» dans cette procédure d’appel d’offres. «Il y a moyen d’exploiter notre pétrole sans impact direct sur l’environnement», rassure-t-il.
Si des ONG s’opposent à la volonté de Kinshasa de valoriser ces blocs pétroliers et gaziers sans porter atteinte à l’environnement, le Gouvernement leur oppose le silence complice de la communauté internationale face aux graves dégats causés sur l’environnement sur l’agression menée par le Rwanda, sous couvert du groupe terroriste de M23, en plein cœur du Parc national des Virunga, classé patrimoine mondial de l’Unesco.
A ce propos, Didier Budimbu rappelle que ces ONG « ne disent rien quand le M23 largue les bombes dans le parc national des Virunga. Nous nous demandons si les roquettes tirées et qui tuent nos gorilles ne sont pas dangereuses». Et d’enchainer : «C’est seulement quand on veut exploiter notre pétrole pour augmenter notre capacité financière, rehausser notre économie que ça devient un problème?».
Dans tous les cas, le ministre des Hydrocarbures tient à dissiper tout malentendu : «On n’ira pas forer dans le parc, on ira loin».
Réticences dans la classe politique
Loin des bruits des ONG internationales, la classe politique congolaise se montre plutôt réticente sur la procédure lancée par le Gouvernement.
Dans une déclaration reprise par le site Info-7, le député national, élu de Kananga, Claudel-André Lubaya, fustige la violation de la loi quant à l’appel d’offres de 27 blocs pétroliers et 3 gaziers lancé par le gouvernement congolais.
«Sur fond d’opacité et avec une communication brouillée, la vente de blocs pétroliers et gaziers viole la loi», a dit l’élu du Kasaï Central. Et d’ajouter : «Imperméable à toute remarque objective et imperturbable face aux interrogations que soulève sept opérations, le Gouvernement cultive en la matière une communication tout à la fois brouillée, obscure et ambiguë sur toute la ligne, maniant le flou ».
L’élu de Kananga pense que le Gouvernement devait jouer cartes sur table autour de ce dossier. «Tantôt le ministère des Hydrocarbures affirme procéder à la vente aux enchères des blocs pétroliers et gaziers, tantôt il déclare lancer juste des appels d’offres pour l’attribution des droits des hydrocarbures» ! Que retenir ? C’est flou», clame Claudel-André Lubaya. Avant de faire remarquer que «quand c’est flou, c’est qu’il y a le loup. A l’appui de ses dires, le gouvernement évoque le «besoin d’argent pour développer le pays». C’est trop beau pour être vrai. Le besoin d’argent ne peut servir de prétexte aux irrégularités, à l’opacité et à la légèreté».
Greenpeace s’interpose
Sur le plan international, des ONG telles que Greenpeace mobilise le monde pour contre la procédure lancée par Kinshasa.
Dans une campagne menée sous le slogan «Arrêtez le développement de nouveaux blocs pétroliers en RDC», Greenpeace tente d’alerter le monde sur le danger qui pèse sur l’environnement en ouvrant quelques aires protégées de la RDC à l’exploitation pétrolière et gazière.
«Ensemble, nous pouvons arrêter le bradage des forêts tropicales du Congo à l’industrie pétrolière», prône Greenpeace.
Greenpeace note que «quelques mois seulement après la signature d’un accord de 500 millions de dollars US avec les donateurs lors de la COP26, le gouvernement de la RDC prévoit de mettre aux enchères 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers. Le Président Tshisekedi est en train de sacrifier de vastes zones de la forêt tropicale et des tourbières du Congo pour le pétrole». L’ONG rappelle que «ces blocs couvrent certaines des dernières forêts intactes sur Terre qui abritent des milliers de communautés locales et peuples autochtones et d’innombrables espèces animales et végétales. Trois d’entre eux chevauchent l’un des plus grands puits de carbone du monde, dont on estime qu’il stocke 30 milliards de tonnes de carbone. Ce serait un désastre absolu pour le climat, la biodiversité et les populations locales».
Greenpeace s’indigne du fait que «malgré les appels de la Société civile et des scientifiques congolais et internationaux, le gouvernement de la RDC s’apprête à bafouer davantage l’État de droit et à détruire l’un des écosystèmes les plus délicats au monde, au mépris des droits des communautés locales et de la lutte contre le changement climatique ».
Quoi qu’il en soit, Kinshasa a décidé de fermer les oreilles à toutes ces critiques. Ces blocs pétroliers et gaziers sont désormais mis aux enchères. Et Kinshasa attend aller jusqu’au bout.
Lire en page 6, les condensés des blocs pétroliers et gaziers ouverts à l’appel d’offres.
Econews