Après avoir discrédité la Cour Constitutionnelle : Bahati crache le venin sur Matata Ponyo

Animosité et escalade verbale au Sénat. Face au sénateur Matata Ponyo Mapon, en quête de ses immunités, après l’aveu d’incompétence de la Cour constitutionnelle à le juger dans l’affaire Bukanga-Lonzo, le président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, a opté pour une attaque frontale, poussant le bouchon plus loin jusqu’à remettre en cause l’arrêt rendu par la Haute Cour. Aphone lorsque le parquet général près la Cour constitutionnelle avait étendu la levée des immunités de l’ancien Premier ministre à l’affaire Bukanga-Lonzo, le bureau du Sénat se souvient enfin n’avoir jamais autorisé le parquet général à aller au-delà du dossier sur la zaïrianisation. Et lorsque Matata rappelle ce triste épisode à l’assemblée plénière, il a eu plutôt droit à une décharge électrique de son président. Après cette tempête, au Sénat, l’heure est, apprend-on, à la réconciliation pour ramener le calme dans les rangs.

Il suffit de bien suivre la réaction du président du Sénat, Modeste Bahati Lukwebo, face à la motion incidentielle soulevée jeudi par le sénateur Matata, pour se convaincre de la méchanceté en politique congolaise.

Pour Bahati, l’ancien Premier ministre doit aller en prison. Qu’importe des écueils dans la procédure ! Les procédures et autres dispositions légales n’ont le droit de s’appliquer à lui. Tel un mouton, Matata doit aller à la guillotine.

Sans ambages, Bahati l’a dit du haut du perchoir de la chambre haute, en direct à la télévision nationale. Allant plus loin, il s’est même permis de proposer la corde et la manière de la nouer pourvu que l’ancien Premier ministre Matata tombe. Même à son pire ennemi, on ne souhaite pas un tel sort.

Pour le président Bahati, l’ancien Premier ministre Matata veut se soustraire à la justice. « Si vous voulez vous blanchir, il faut aller au fond parce que jusque-là, c’est au niveau de la forme », a déclaré triomphant, le président du Sénat.

Ce n’est pas pour rien qu’en droit, il est prévu des règles de procédures à respecter. Si les procédures ne sont pas respectées, il va de soi que le droit ne sera pas dit. Les poursuites ne se font pas sans le respect de la forme.

Sur ce plan, Matata a le droit de bénéficier des avantages des procédures mises en place par le législateur. C’est légitime ! Si on était face à une justice qui rassure, où il n’y a pas de gens qui s’acharne contre un individu, Matata pouvait aller chercher cette justice. Mais, le comportement du procureur général près la Cour constitutionnelle et le discours du président Bahati ne laissent planer aucun doute sur le sort qui sera le sien.

Mauvais raccordement

Pour politiser une affaire de droit, Bahati commence par préparer le terrain. Il s’était apparemment bien préparé contre Matata Ponyo. D’ailleurs, il lisait un texte écrit bien avant.

«Vous avez attaqué le Président de la République», clame à voix audible Bahati.

Que vient faire le nom du Chef de l’Etat ? Bahati peut-il produire un support où Matata s’attaque au Chef de l’Etat sur ces dossiers?

Sur le plan de la gouvernance, Matata a le droit d’émettre ses observations comme brillant économiste et surtout comme ancien Premier ministre.

Tout le monde sait qu’il y a des dessous dans ces affaires contre Matata. Tout le monde sait aussi que des tentatives de l’écarter de la course à la présidentielle ne sont pas que de simples discours. Il faut l’éloigner du président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi. Parce qu’il est acquis que si Matata s’approche du Chef de l’Etat, certains n’auront plus d’espace. Il faut donc le diaboliser et l’éloigner du Président de la République.

Le plus interpellateur est l’invocation de ceux qui seraient derrière Bahati : 41 députés nationaux, gouverneurs et députés provinciaux, «alors que vous êtes seul », tacle Bahati.

Ce que Bahati ignore est que Matata n’avait pas de formation politique créée par lui. Ce qui ne l’a pas empêché d’être nommé ministre des Finances et de battre le record de longévité à la Primature à cette 3ème Répu-bluque.

C’est la preuve qu’il suffit de le laisser se mouvoir librement pour que des résultats soient visibles. C’est possible que ça soit la principale cause de la haine contre cet homme organisé, rigoureux et compétent.

Pour vider sa bille, Bahati s’est improvisé censeur d’une décision judiciaire. Une décision de la plus haute instance judiciaire du pays dont les arrêts ne sont pas soumis à des recours. Cette haute juridiction du pays s’est déclarée incompétente de juger un ancien Premier ministre. Bahati ne l’entend pas de cette oreille.

Pourtant, lorsque la Cour constitutionnelle s’était décidée de juger un sénateur sur une affaire pour laquelle le Sénat n’avait pas donné expressément son autorisation, Bahati et tout le bureau du Sénat se sont tus dans toutes les langues.

A tout prendre, les affaires de l’Etat ne se traitent pas avec un tel degré de sentimentalisme. L’expérimenté Bahati doit savoir que la roue de l’Histoire tourne. En dénudant la Cour constitutionnelle, il ignore que demain, cette même Cour pourrait se retourner contre lui.

Rétablir la confiance et la quiétude au Sénat

Après avoir vécu le martyr avec le FCC (Front commun pour le Congo) qui avait mobilisé tout son appareil judiciaire et politique pour précipiter sa mort politique, Bahati s’en est finalement sorti, juste parce qu’il défendait une cause juste. Le président du Sénat ne devait pas l’oublier. Quand on se range du côté de la justice, tôt ou tard on finit par être réhabilité. Le voilà aujourd’hui au perchoir de la chambre haute du Parlement. Qui pouvait imaginer ce scénario lorsque Mme Nené Nkulu Ilunga, auréolée d’un soutien indéfectible du FCC et de toute la «kabilie», avait pris otage l’AFDC-A, dont elle revendiquait la propriété.

La politique est certes un monde des coups-bas. Mais, ils sont assenés sous la ceinture, on n’est plus loin de la cruauté.

On suppose que le président du Sénat s’est juste trompé en affichant une posture qui ne lui ressemble pas. Homme de réconciliation et de dialogue, sans doute qu’il y travaille pour ramener la paix et la quiétude au Sénat, tout en garantissant la défense et la préservation des droits constitutionnels, reconnus à tout sénateur, toutes tendances confondues. De cette manière, il gagnerait en confiance et en estime aussi bien devant ses pairs que toute la nation.

Econews