Après cinq jours de discussions à Sharm el Sheikh, croissance et transition écologique : «La BAD sera la clé pour libérer le potentiel de l’Afrique», soutient Adesina

C’est le vendredi 26 mai 2023 à Sharm el Sheikh, en Egypte, que s’est clôturée l’édition 2023 des assemblées annuelles du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD). Placée sous le thème d’une Afrique plus que jamais résiliente, malgré les grands défis de la transition écologique, le président de la BAD, Akinwumi Adesina, pense que le moment est venu pour l’Afrique.
Optimiste, le président de la BAD reste convaincu de la capacité de l’Afrique à apporter sa pierre dans le combat mondial contre le réchauffement climatique. Quant à la BAD, il a promis que l’institution qu’il dirige depuis 2015 est prête à jouer pleinement son rôle. «La BAD sera la clé pour libérer le potentiel de l’Afrique», soutient Adesina.
Si l’Afrique peur revendiquer sa part dans la lutte contre le réchauffement climatique, à Sharm el Sheikh, le Conseil des gouverneurs de la BAD a revendiqué la place que doit occuper le secteur privé.
«Les défis africains passe par un partenariat pour la mobilisation des ressources» pour faire participera le secteur privé à l’effort commun de la lutte contre le réchauffement climatique, a rappelé le président de la BAD. Il s’agit, note-t-il, d’impliquer davantage le secteur privé dans la transition écologique et d’appuyer les investissements verts,…
«Il faut continuer à avancer et à faire davantage, pense Adisina, pour accroitre des investissements verts en Afrique».
Si Akinwumi Adesina pense que la BAD est «la clé pour libérer le potentiel de l’Afrique», il note cependant que «nos économies doivent s’adapter au climat et se montrer résilientes».
A Sharm el Shekh, des engagements clairs et précis ont été pris. Akinwuli Adesina en est bien conscient : «Nous allons à continuer à avancer en suivant les vœux du Conseil des gouverneurs pour exploiter toutes les potentialités de la banque (…) Nous quittons Sharm el Sheikh avec beaucoup d’enthousiasme, avec un sentiment d’engagement renouvelé de travailler ensemble afin de créer une Afrique plus forte et résiliente». Et de promettre, en prévision de prochaines assemblées annuelles de la BAD : «L’Afrique va briller. Rendez-vs en 2024 à Nairobi, au Kenya !».
Conclusion des discussions de Sharm el Sheikh
La collaboration entre les secteur privé et public est «essentielle» pour financer la transition verte en Afrique
La mobilisation des financements privés pour lutter
contre les changements climatiques et la croissance verte en Afrique a beaucoup augmenté depuis 2010. Mais le paysage reste fortement dominé par des acteurs non privés, ont constaté les experts réunis lors d’un panel organisé le 24 mai à Charm el-Cheikh, pendant les Assemblées annuelles de la Banque africaine de développement.
Selon ces experts, il faut absolument que le secteur privé et le secteur public collaborent étroitement pour mieux financer la transition verte en Afrique. Or, la situation budgétaire des pays africains n’a cessé de se détériorer ces derniers temps, du fait de plusieurs tensions et crises : déficit budgétaire aggravé par les effets de la pandémie de Covid-19, hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, dévaluation des monnaies, tensions géopolitiques, etc.
«Notre mission est de créer un avenir durable pour l’Afrique», estime Msizi Khoza, responsable ESG (environnement, social et gouvernance) à Absa Bank CIB. «L’impact des changements climatiques que nous voyons au quotidien crée beaucoup de volatilité et rend vulnérables les pays et les communautés. En tant qu’institution, nous voulons être une force de solutions», a-t-il dit.
Le continent a besoin d’importants financements et aucun partenaire ne saurait les fournir seul, a-t-il souligné. «Lorsqu’on regarde les besoins, on prend conscience qu’il faut coopérer, mettre en place des financements mixtes concessionnels pour permettre aux clients d’avoir les financements nécessaires mais à des taux accessibles. Il faut créer un cadre propice. Nous devons nous tendre la main les uns les autres», a-t-il plaidé.
Directrice générale de la Banque de développement d’Afrique australe (DBSA), Mme Boitumelo Mosako en a souligné l’engagement dans la finance climatique. DBSA a investi 300 milliards de rands dans un projet d’énergie renouvelable, un de ses principaux domaines d’investissement avec l’énergie, les transports, les infrastructures et, plus récemment, l’eau, la santé et l’éducation.
«Nous devons aider les pays que nous servons à mettre en place des économies résiliences sans carbone […]. À la DBSA, nous collaborons étroitement avec les gouvernements des pays d’Afrique australe», a-t-elle expliqué.
Les intervenants se sont montrés unanimes : le secteur public a le pouvoir et le mandat d’élaborer les politiques, les réglementations et les institutions à même de faciliter la croissance du secteur privé. Il doit engager des cadres politiques qui promeuvent le développement et encouragent les investissements du secteur privé, qui dispose des ressources, de l’expertise et de la flexibilité nécessaires pour identifier et exploiter les opportunités de croissance en Afrique. Le secteur privé peut, quant à lui, engager des financements essentiels dans des projets d’énergie renouvelable, d’efficacité énergétique des bâtiments et de pratiques agricoles durables, d’infrastructures, tout en apportant l’innovation et l’esprit d’entreprise à la transition verte en Afrique.
En fin de compte, il faut avoir un état d’esprit de solution, nécessaire pour créer des opportunités de croissance verte en Afrique.
«L’Afrique est bien placée en ce qui concerne l’économie verte, surtout dans le carbone. Travaillons ensemble, rapprochons-nous pour harmoniser ces réglementations en matière de finance verte», a ajouté Ramy El Dokany, président de l’Egyptian Stock Exchange, la bourse égyptienne.
«Mais on a affaire à des investisseurs et ceux qui apportent les fonds ont besoin de retour sur investissement […]. On doit donc créer les conditions pour attirer les investisseurs», a poursuivi le patron de la bourse égyptienne. «Parlons avec les décideurs, avec les investisseurs intéressés par les questions sociales, environnementales et de gouvernance. Parlons à ceux qui s’intéressent aux financements verts», a-t-il plaidé, indiquant que 11 banques égyptiennes s’intéressent aux ESG (critères environnementaux, sociaux et de gouvernance).
Ahmed Attout, directeur par intérim du Département du développement du secteur financier à la Banque africaine de développement, a fait observer que le marché de la finance verte en Afrique n’est pas si stagnant qu’il apparaît, mais évolue positivement. «À la Banque africaine de développement, nous agissons sur deux piliers : sensibiliser les investisseurs institutionnels africains et internationaux et mobiliser davantage d’investisseurs en matière de finance verte», a-t-il précisé.
La Banque émet des émissions vertes et sociales et appuie le secteur privé comme public. La Banque a octroyé à la Banque de Maurice une garantie de 147 millions de dollars, dont une partie est réservée aux financements verts. Le Bénin a bénéficié, quant à lui, d’une garantie partielle pour émettre des obligations visant à réaliser les Objectifs de développement durable, comme l’Égypte qui a bénéficié d’une garantie partielle de 345 millions de dollars pour émettre 500 millions de dollars de bonds Panda pour financer des projets verts et sociaux.
«La chose la plus importante c’est d’améliorer la gouvernance. C’est le mot clé pour attirer les investisseurs qui aideront à créer de la richesse et des emplois », a conclu Ahmed Attout.

«Construise des économies résilientes au changement climatique »
A l’ouverture, le mardi 22 mai 2023 de ses assemblées annuelles, les dirigeants africains, réunis à Sharm el Sheikh, ont appelé à soutenir l’Afrique pour qu’elle résiste aux chocs financiers et construise des économies résilientes au changement climatique
Les Assemblées annuelles 2023 du Groupe de la Banque africaine de développement se sont officiellement ouvertes, le mardi 22 mai 2023, sur un vibrant appel des dirigeants africains, auquel s’est joint le président de la BAD, Akinwumi Adesina, à accroître les financements pour atteindre les objectifs urgents d’action climatique de l’Afrique.
Dans son allocution de bienvenue, M. Adesina a attiré l’attention sur l’énorme déficit de ressources pour l’action climatique. Il a déclaré que bien que les besoins cumulés de l’Afrique en matière de financement climatique aient été estimés à 2 700 milliards de dollars entre 2020 et 2030, les ressources de financement climatique ne parviennent à l’Afrique qu’au compte-gouttes. «L’Afrique ne reçoit que 3 % du financement climatique mondial, dont 14 % proviennent du secteur privé, ce qui est le taux le plus bas au monde», a déclaré M. Adesina.
Placées cette année sous le thème, «Mobiliser les financements du secteur privé en faveur du climat et de la croissance verte en Afrique», les Assemblées annuelles réunissent le Conseil des gouverneurs de la banque représentant ses 81 pays actionnaires, les partenaires au développement, ainsi que des représentants du secteur privé et des organisations de la société civile.
Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi a déclaré que les défis complexes auxquels sont confrontés les pays du monde entier, et en particulier ceux d’Afrique, nécessitent des solutions qu’il a qualifiées de créatives.
«Cela nécessite des idées non traditionnelles pour explorer des options de financement, pour contribuer à faire avancer les projets indispensables, en particulier dans les domaines de la lutte contre les défis posés par les changements climatiques et du développement durable», a déclaré le président Al-Sissi.
Citant des statistiques de la Banque africaine de développement et des Nations unies, il a noté que l’Afrique avait besoin de 144 milliards de dollars par an pour faire face aux répercussions de la pandémie de Covid-19, de 108 milliards USD pour financer des projets d’adaptation et moderniser les infrastructures, et de 200 milliards USD pour atteindre les Objectifs de développement durable.
«Les événements organisés dans le cadre de la présente édition des Assemblées annuelles […] représentent une occasion exceptionnelle de partager des connaissances et des expertises et de fournir le soutien technique nécessaire pour faire face aux implications des changements climatiques», a déclaré le président Al-Sissi.
Le président de l’Union des Comores et président en exercice de l’Union africaine, Azali Assoumani, a fait valoir que le ralentissement des taux de croissance du PIB à travers l’Afrique nécessitait «des ressources importantes pour les pays les plus exposés à l’impact des changements climatiques». Pourtant, il existe encore «des opportunités de croissance économique verte, si nous mobilisons notre secteur privé», a déclaré M. Assoumani.
Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’Union africaine, a exprimé son accord avec le choix opportun du thème des Assemblées annuelles. Il a souligné l’impact dévastateur des changements climatiques sur l’Afrique, sous la forme d’inondations et de sécheresses, qui ont freiné la croissance du PIB du continent.
À l’unisson des autres intervenants, Hassan Abdalla, président du Conseil des gouverneurs du Groupe de la Banque africaine de développement et gouverneur de la Banque centrale d’Égypte, a déclaré que le thème «couvre toutes les questions d’importance régionale et mondiale, en particulier l’importance de mobiliser des capitaux pour faire face aux changements climatiques».
«La réalisation de nos objectifs économiques dépend de la solidité des institutions avec à leur tête la Banque africaine de développement, qui joue un rôle de pionnier dans le financement du développement des économies», a déclaré M. Abdalla.
M. Adesina a déclaré que la Banque africaine de développement avait fait preuve de leadership en proposant des solutions innovantes à ses pays membres. Il a cité le Programme d’accélération de l’adaptation en Afrique qui vise à mobiliser 25 milliards de dollars pour l’adaptation aux changements climatiques en partenariat avec le Centre mondial pour l’adaptation.
Selon M. Adesina, l’Afrique est bien placée pour attirer des milliards de dollars d’investissements privés pour l’écologisation des systèmes de transport mondiaux, alors que le monde opère une transition vers les véhicules électriques. «En effet, l’Afrique possède 80 % des gisements mondiaux de platine, 50 % des gisements de cobalt, 40 % des gisements de nickel et d’importants gisements de lithium», a-t-il déclaré.
«L’Afrique, pense-t-il, devait se lancer dans la fabrication de batteries au lithium-ion pour exploiter le marché de plus de 388 milliards de dollars des véhicules électriques». Et ce pour une bonne raison : «le coût de l’établissement d’une usine de précurseurs de batteries au lithium-ion en Afrique est trois fois moins élevé qu’aux États-Unis ou en Chine», a-t-il déclaré.

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