« Après moi, le déluge »

Pendant que tous les regards étaient tournés, ce samedi 20 mai, vers la marche des opposants dispersée dans des volutes de gaz lacrymogènes et bastonnades à la cantonade, bien peu se sont rappelés que cette date marquait aussi le 56ème anniversaire de la création à la cité de la N’sele du Mouvement populaire de la Révolution (MPR) par le futur maréchal Mobutu et ses compagnons dont certains, tournant casaque, deviendront quinze ans plus tard ses opposants les plus farouches.
Parmi les sexagénaires, (ceux qui étaient membres du MPR dès leur conception dans le ventre de leur mère), ils ne sont pas rares ceux qui se…
remémorent encore avec nostalgie cette époque où le peuple était heureux par la danse et le chant à la gloire du Léopard. Où les Yaka et Téké et avec eux, les plus des 400 tribus et ethnies de la mosaïque zaïroise, cohabitaient en paix et en parfaite harmonie. Ce n’était pas l’Eldorado, mais ce n’était l’enfer non plus.
Certes, toutes les familles ne prenaient pas trois repas par jour, mais elles se consolaient de vivre dans un pays intact dans ses frontières et n’étaient pas livrées à l’errance dans leur propre pays ou ne prenaient pas le chemin de l’exil, chassées de leurs milieux par une myriade de rébellions plus ou moins télécommandées par des pays voisins. D’ailleurs, le Rwanda se souvient encore avec effroi des généraux Donat Mahele et Félix Budja Mabe d’héroïques mémoires…
Ils ne sont pas les seuls à se souvenir des années heureuses à jamais envolées. Les octo- et nonagénaires ne sont pas en reste. Pour eux, ils appellent de tous leurs vœux le retour du «Flamand», ce colonisateur belge qui, malgré les travaux forcés sous les coups de fouet, leur assurait, disent-ils, un train de vie acceptable.
Dans les deux cas, c’est sont des signes qui ne trompent pas quant à la perception que se font les aînés sur la gouvernance du pays par leurs fils et petits fils. Ceux-là mêmes pour lesquels ils ont sué sang et eau pour leur faire donner une instruction de qualité. Mais qui, pris du vertige du vol des richesses communes et de l’enrichissement ostentatoire, ont réussi l’exploit de ramener la patrie dans les abysses de la pauvreté. Le tribalisme et le népotisme ont atteint des sommets sans pareil.
Mobutu n’a jamais été un prophète au sens religieux du terme. Loin de là. Mais sa prédiction «Après moi, le déluge» devrait interroger parmi ses lointains successeurs qui prétendent pourtant œuvrer pour le peuple. Mais celui-ci n’est pas dupe.

Econews