« Après moi, le déluge »

Vingt-cinq ans après sa mort en terre marocaine, le maréchal du Zaïre survit tant bien que mal dans la mémoire nostalgique de ceux de ses compatriotes qui ont survécu à son long règne sans partage.
Grisonnants, ces quinqua-, sexa-, voire octogénaires se remémorent encore le message d’adieu d’un Mobutu Sese Seko diminué par la maladie, poignardé dans le dos par ses officiers généraux, lâché par ses soutiens occidentaux qui, après l’avoir pressé comme un citron, avaient fini par jeter le zeste inopérant à la poubelle de l’Histoire. Le prétexte qui faisait de lui un… bouclier contre l’avancée communiste en Afrique centrale n’existant plus, après la chute de l’Union soviétique, la page Mobutu était tournée. Définitivement.
«Après moi, le déluge ! », avait lancé le maréchal, dépité par l’ingratitude et le lâchage d’un peuple qui «lui devait tout et à qui il ne devait rien» comme il aimait à répéter. Un peuple heureux qui l’honorait pourtant par la danse et le chant ! Ce même peuple qui «votait vert» au référendum, soutenant ses programmes économiques successifs tels «Objectif 80», le «Plan Mobutu», la «Zaïrianisation»…
Et voici que sur la fin de ses jours, la République attaquée par une coalition étrangère, son peuple qui hier encore lui souhaitait un règne de cent ans attendait secrètement Laurent-Désiré Kabila volant de victoire en victoire porté par les ailes rwando-ouga-ndo-burundaises (déjà !), fredonnant sournoisement «Pesa munu passage», le tube en vogue du chanteur de gospel René Lokwa. Pire, son armée refusait de se battre !
L’«Après moi le déluge» de l’Aigle de Kawele aura son écho 14 ans plus tard, à la veille de la chute (2011) d’un autre despote africain, chassé du pouvoir par les mêmes puissances qui avaient armé les ennemis de Mobutu. «Vous le regretterez» s’était exclamé le Guide de la Jamahiriya arabe libyenne, Mouam-mar Kadhafi, pilonné par les Rafale francais et acculé par une multitude de milices manipulées.
La sentence prémonitoire du Président-Fondateur reste plus que jamais actuelle, un quart de siècle après la disparition de son auteur. Le Congo de Mobutu ploie sous les rafales d’un déluge qui jette un voile sur les promesses de démocratisation claironnées par les puissances occidentales.
Aucune arche à l’horizon, pas même un fétu de paille où s’accrocher. Telle une barque privée de son timonier, le pays va à vau-l’eau avant l’hallali des champions de sa balkanisation.