Contrairement au remue-ménage qui a précédé l’examen à l’Assemblée nationale de la motion de défiance initiée contre le ministre des Transports, Voies de communication et Désenclavement, la séance de ce mercredi dans la salle des congrès du Palais du peuple a vite tourné au vaudeville. Chérubin Okende n’a finalement pas été sanctionné, profitant de la confusion et du mélange des genres dans le chef des auteurs de la motion, qui se recrutaient principalement à l’UDPS. Mais en filigrane, les observateurs ne pouvaient s’empêcher de voir derrière la mise en cause de Chérubin Okende la lutte larvée que se mènent le parti présidentiel et Ensemble pour la République de Moise Katumbi, parti auquel appartient le ministre des Transports. En se tirant – de la plus belle manière d’ailleurs – des griffes de l’Assemblée nationale – c’est l’Union sacrée de la nation qui se retrouve perdant de la bataille engagée contre le ministre des Transports. Au sein de la majorité au pouvoir, il se pose un réel problème de leadership.
A l’ouverture de la séance, la tension était perceptible dans la salle des congrès. Assis sur le banc du gouvernement entre son collègue du Plan et la ministre des Relations avec le parlement, Chérubin Okende semblait serein. Son attitude contrastait avec l’agitation dans quelques îlots dans les travées où ses pourfendeurs continuaient leurs conciliabules. A cet instant, tout semblait plié, acquis.
La prise de parole de l’auteur de la motion, le député UDPS Anicet Babanga, sonne la charge et accable Chérubin Okende. Incompétence. Insubordination. Amateurisme. Insensibilité. Pêle-mêle, les griefs s’accumulent. Des bus Académisa destinés au transport des étudiants jamais mis en service à l’achat des neuf (8) aéronefs de la compagnie nationale Air Congo appelée à remplacer Congo Airways moribonde, en passant par les annulations des vols par les compagnies privées, la non-délivrance du permis de conduire, la résistance des ports privés, la multiplicité de services à l’aéroport international de N’Djili.
Au cours de débats qui s’engagent par la suite, 27 intervenants sont inscrits. On a cru alors que c’était parti pour une longue séance jusqu’au milieu de la nuit. Mais au fur et à mesure que les élus se succèdent à la tribune, les choses basculent progressivement en faveur du ministre des Transports.
Une motion de défiance non datée
Le député Emery Okundji relève d’emblée que la motion de défiance est la procédure ultime après épuisement des démarches ordinaires du contrôle parlementaire que sont la question écrite, la question orale avec débat, l’interpellation. Il insiste qu’il existe bien d’autres moyens de contrôle.
Léon Nembalemba, comme à son habitude, va droit au but et dénonce une «motion délibérément politique» initiée par une trentaine de députés cherchant à conduire l’Assemblée nationale dans l’erreur. Il est rejoint par son collègue Daniel Mbau qui estime que la motion contre Chérubin Okende repose sur une émotion coulée en papier. Il est en outre le premier à relever la caducité d’un document ne portant pas de date.
Les députés Sakata et Sessanga ont martelé que les griefs portés contre Chérubin Okende devaient en réalité faire l’objet d’une motion de censure contre le gouvernement.
Considérer d’autres priorités
Le président de Envol a appelé la plénière à considérer d’autres priorités plus alarmantes encore : «Alors que le pays est occupé dans sa partie Est, les députés nationaux se livrent à examiner une motion de défiance contre le ministre des Transports Chérubin Okende comme si c’est le problème le plus important pour la population dont la sécurité n’est clairement plus prioritaire. C’est une motion mal dirigée et la victime expiatoire mal désignée. Elle devrait par conséquent être rejetée», a conclu Delly Sessanga.
Les interventions des députés Jacques Djoli et Daniel Mbau viendront mettre un terme à une séance qui tournait au vaudeville. Leur motion incidentielle demandant l’arrêt des débats est adoptée. Puis on passe au vote. Le résultat est connu : la motion est rejetée.
Un observateur qui a assisté aux débats du haut du balcon s’exprime à la sortie, dépité : «Un incroyable théâtre : des députés de la majorité qui initient une motion contre un ministre de leur propre majorité (alors que les motions sont le fait de l’opposition), une opposition qui s’acharne à sauver un ministre de la majorité et donc aider la majorité à sauvegarder son unité. Puis, la majorité se retourne en plein débat et renie tout ce qu’elle venait de dire et tourne le dos à sa propre motion. Bref, des scènes difficiles à expliquer pour les politologues !»
M.M.F.