Bilan économique de Fatshi : Godé Mpoy danse le djalelo, se prend le pied dans le tapis et s’écroule pitoyablement

Il était hier un kabiliste pur et dur, qui fait en âme et conscience le choix d’un regroupement fidèle à l’ancien chef de l’Etat, AFDC et Alliés, pour aller aux élections provinciales de 2018. C’est ce regroupement qui propulse Godefroid Mpoy Kadima, pasteur haut en couleurs, à la tête de l’Assemblée provinciale de Kinshasa. Aujourd’hui, c’est un défenseur pur et dur du président de la République Félix Tshisekedi, surtout qu’il vient d’être restauré dans son fauteuil de speaker du parlement provincial par la justice. Alors ? Eh bien, alors, il entonne son djalelo à la gloire du chef. Quitte à s’embrouiller dans ses chiffres et indicateurs. Mais en tout cas, l’essentiel, c’est de flatter.
C’est un Godé Mpoy Kadima serein qui a participé, en tant qu’invité, à l’émission Liberté d’opinion animée par notre confrère Louis d’or Balekelayi. Sûr de lui-même, il s’est voulu même assez suffisant, critiquant d’entrée, tous ceux qui, selon lui, interviennent sur des sujets qu’ils ne maîtrisent pas. «Je constate avec regret que tout le monde parle de tout dans ce pays, et c’est extrêmement dangereux», assène-t-il. Avant de poursuivre : «Il y’a tout un cours à l’université dédié à l’évaluation des politiques. Quand vous évaluez le bilan d’un gouvernement, il y a des repères. Quels sont ces repères ? En économie, il y a deux indicateurs qui expliquent l’évolution de la vie économique, et ces indicateurs sont le PIB, les finances publiques, le taux de croissance, le taux d’inflation».
Et il y va avec une démonstration : «Quand ‘actuel président de la République accède à la magistrature suprême, nous avions un PIB de 46 milliards de dollars. Et aujourd’hui nous sommes à 69 milliards de dollars en termes de PIB. Le FMI reconnaît qu’aujourd’hui la RDC fait partie du top 10 des meilleures économies africaines. Lorsque vous prenez les 69 milliards de dollars moins 46 milliards, ce que dans quatre ans, on a produit 23 milliards de richesses. Depuis 1960, on a jamais eu une telle vitesse de croissance endéans quatre ans».

Quelques gros hics
Conclusion : «Donc en quatre ans, Félix Tshisekedi a fait mieux que ses prédécesseurs, cela ne veut pas dire que les autres n’ont rien fait, mais il faut reconnaître que Tshisekedi en quatre ans a fait mieux». Foi d’un prof d’économie !
Sauf qu’il y a quelques gros hics. D’abord, le chiffre du PIB qu’il avance, 69 milliards USD, n’est pas celui de quatre ans du pouvoir de Félix Tshisekedi, mais celui attendu mais non encore confirmé pour la fin de la cinquième année, c’est-à-dire fin-2023. Le chiffre à la fin de la quatrième année a été de 63 milliards de dollars de PIB. Ensuite, selon les chiffres de la Banque mondiale, à fin 2018, le PIB de la RDC n’était pas de 46 milliards, mais plus exactement 47,57 milliards.
Ces deux correctifs apportés, aucun économiste sérieux ne peut ignorer que lorsqu’on veut procéder à des comparaisons dans le temps, on considère les indicateurs en dollars constants. Et que, depuis 1968, les Nations Unies et l’Université de Pennsylvanie, ont mis en place un système de Programme de comparaison international. Un des principaux outils de ce Programme est le PIB en parité de pouvoir d’achat (PIB/PPA), très adéquat puisque la valeur tient compte des prix et des pouvoirs d’achats réels, et élimine les impacts de la volatilité des taux de change par exemple. Les études en Parité de pouvoir d’achat (PPA) rendent les comparaisons internationales des indicateurs économiques plus significatives et les analyses plus cohérentes et modifient la perception du degré d’avancement de chaque pays. C’est encore mieux lorsque le PPA est fait en dollars constants.
Le site de la Banque mondiale destiné aux données de l’institution financière internationale nous offre les chiffres exacts de l’évolution du PIB en RDC en parité de pouvoir d’achat en dollars constants avec comme base le taux de dollar en 2011. Ainsi, en 2018, dernière année du pouvoir de Joseph Kabila, le PIB en PPA dollars constants était de 91,29 milliards de dollars américains. Quatre ans plus tard, il est passé à 112,14 milliards, un accroissement de 20,85 milliards USD, soit 22,8%. L’effort est louable, et le président de la République mérite des lauriers. Mais il n’a certainement nul besoin de djalelo inutile de la part des messieurs le Renard qui présentent les faits de manière erronée.

Evolution réelle des indicateurs
Comparé aux quatre premières années du gouvernement Matata, soit de 2012 à 2015, les chiffres de l’ancien Premier ministre l’emportent. En effet, en 2011, le PIB en PPA dollars constants était de 59,73 milliards USD. Quatre ans plus tard, en 2015, il était monté à 81,22 milliards USD, soit une augmentation de 21,49 milliards USD, soit 35,9%.
Même en suivant le raisonnement de Godé Mpoy, c’est-à-dire en considérant le PIB courant, il importe alors de rappeler qu’en économie, les termes bruts ne reflètent pas forcément l’évolution réelle des indicateurs. Ainsi, de manière brute, au cours des quatre premières années du pouvoir de Félix Tshisekedi, le PIB est passé de 47,57 milliards USD à 63 milliards USD, soit une augmentation de 15,43 milliards de dollars américains. C’est mieux que pendant les quatre premières années du gouvernement Matata (2012-2015), pendant lesquelles le PIB était passé de 25,84 milliards de dollars à 37,92 milliards de dollars, soit une variation de positive de 12,08 milliards. Mais en termes relatifs, ce qui est plus important, entre 2012 et 2015, les 12,08 milliards représentent une augmentation de 46,75%, tandis que, de 2019 à 2022, les 15,43 milliards représentent un taux d’accroissement de seulement 32,44%.
Donc, à vouloir trop danser au son de Djalelo, Godé Mpoy s’est pris lui-même le pied dans le tapis avant de s’écrouler lourdement, suscitant la pitié de tous les observateurs avertis de questions économiques. Le président Félix Tshisekedi a son bilan qui est louable à bien d’égards. Mais il n’a pas besoin que des flatteurs en rase campagne viennent déformer les faits pour le flatter.
Avec Belhar Mbuyi dans finance-cd.com

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