Campagne électorale : combats de gladiateurs à distance

Au troisième jour de la campagne en prévision des élections générales du 20 décembre 2023, l’engouement ne semble pas au rendez-vous, du moins dans la capitale Kinshasa. L’euphorie observée lors du meeting du président-candidat au stade des Martyrs le samedi au lancement de la course semble avoir laissé place à une sorte d’incertitude et un attentisme tourné en grande partie vers le combat des gladiateurs (à distance) qui oppose Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi et dans une moindre mesure à Martin Fayulu. Les trois candidats tiennent le haut du pavé, tandis que leurs 20 challengers amorcent leur campagne dans la frilosité, préférant aux meetings une présence massive dans les réseaux sociaux. 

Les artères de la capitale sont en train d’être progressivement pavoisées d’affiches de campagne, privilégiant comme il se doit les grands carrefours (Kintambo-Magasin, Limete 6ème Rue, Place de la Victoire, Place de la Gare, etc.). Les plus fortunés ont commandé à prix d’or des panneaux publicitaires géants disséminés à travers la ville. Tous les visuels, à quelques exceptions près, semblent sortis d’une même et unique officine politique. En effet, il prédomine la couleur bleue avec en arrière-fond le portrait de Félix Tshisekedi, «Autorité morale de l’Union sacrée de la Nation».  Mais dans leur grande majorité, les candidats sollicitent les suffrages aux députations nationale et provinciale, se qu’attestent l’affichage des doubles numéros d’ordre bien en vue.

Aux premiers jours de la campagne cependant, l’essentiel se déroule hors de la capitale, tant les candidats les plus en vue ont choisi d’engager la bataille en provinces : Félix Tshisekedi a débuté par le Kongo central (Matadi-Boma-Muanda – Mbanza-Ngungu…) : Martin Fayulu et Delly Sesanga sillonnant l’ancienne province du Bandundu) et Moïse Katumbi est arrivé dimanche à Kisangani (Tshopo) au terme d’un voyage mouvementé.

DUELS AUX COUTEAUX… A DISTANCE

A Matadi c’est le candidat Félix Tshisekedi qui a poursuivi les hostilités dans la même veine de son discours au stade des Martyrs, avec dans son viseur Moise Katumbi. S’adressant à la foule,  il a invité les électeurs à ne pas faire confiance aux «candidats de l’étranger, ceux qui sont de mèche avec les ennemis de la RDC et refusent de dénoncer le Rwanda qui tue dans l’est du pays. Ceux qui ont tué la SNCC et les ports de Matadi ».

Puis est venue la traditionnelle ritournelle des promesses électorales qui, comme disait l’autre, n’engagent que ceux qui y croient : Le stade Lumumba sera enfin achevé pour abriter des compétitions internationales; le chemin de fer Kinshasa-Matadi sera modernisé et remis aux normes,  de même que les ports de l’Etat de Boma et de Matadi. Enfin, les routes de la capitale du Kongo Central seront refaites pour mettre un terme aux  embouteillages.

Les Ne Kongo n’ont pas oublié ses promesses à l’entame de son mandat en 2019 : «Nous allons promouvoir les activités économiques de la province, réaliser le projet de construction du port en eau profonde de Banana, travailler pour l’intérêt du peuple».

De son côté, à deux mille kilomètres de là, à Kisangani, Moïse Katumbi lui a répondu à sa manière : Candidats de l’étranger ? «C’est plutôt lui qui a recruté des mercenaires étrangers au lieu d’augmenter le salaire des militaires et policiers ! » Ajoutant que lui président de la République, il ferait passer le budget de l’Etat à environ 150 milliards de dollars sur cinq ans.

Poursuivant son périple, Moïse Katumbi est arrivé mardi à Bunia, rejoint par Matata Ponyo, Seth Kikuni et Franck Diongo, ses trois partenaires qui ont retiré leurs candidatures à son profit.

QUAND FAYULU SE REBIFFE ET ACCUSE

La démarche de ces derniers entrant dans la perspective de désignation d’un candidat commun de l’Opposition, après le conclave manqué de Pretoria. En tournée électorale dans les Kwango et Kwilu, le candidat malheureux à la présidentielle de 2018 s’insurge contre les ralliements de Matata, Diongo et Kikuni à Katumbi. Il dénonce leurs désistements respectifs qui résulteraient, selon lui, de la pure manipulation.

Jusqu’ici, à la présidentielle, la campagne électorale reste concentrée sur les provinces de l’Ouest du pays. L’épreuve cruciale sera assurément le face-à-face avec les populations du Nord-Kivu, de l’Ituri et du Sud-Kivu. Même si les territoires de Rutshuru et de Masisi ne prendront pas part aux élections, le reste de la contrée attend qu’on vienne lui expliquer pourquoi la paix n’est pas rétablie, contrairement aux promesses faites lors de la campagne précédente en 2018.

Econews