Candidats gouverneurs de l’Union sacrée, Modeste Bahati dribble tout le monde

Au sein de l’Union sacrée de la nation, le choix des candidats gouverneurs de provinces à aligner à l’élection du 6 mai 2022 ne fait pas l’unanimité. Comme en février dernier, lorsqu’une mouture circulait encore sous le manteau, des voix discordantes se lèvent sur le choix validé par Modeste Bahati Lukwebo, président du Sénat, et de surcroit, coordonnateur de l’USN. Profitant de sa position dans une plateforme politique aux contours non encore définis, Modeste Bahati est parvenu à dribbler tout le monde, suscitant, une fois de plus, la colère de la mosaïque PPRD/USN.

Le président du Sénat et leader de l’alliance des forces démocratiques du Congo et alliés (AFDC-A), Modeste Bahati Lukwebo, n’est pas un enfant de chœur.  Le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, et tous les autres ténors de l’Union sacrée de la nation (USN) doivent savoir que l’ancien président de la Société civile du Zaïre est baptisé « Maradona » par ceux qui l’ont pratiqué. Modeste Bahati ne fait rien au hasard. Bahati Lukuebo est un fin dribbleur. Ce n’est pas un hasard s’il a survécu à tous les pouvoirs depuis l’ex-Zaïre jusqu’à la République Démocratique du Congo avec ses trois régimes qui se sont succédé.

Ce n’est donc pas sans calcul que Bahati s’est totalement investi pour établir la liste des candidats gouverneurs de l’Union sacrée de la nation. « Maradona » a pu placer deux candidats de son regroupement et a offert trois à l’UDPS, le parti présidentiel.

Mais ce que les partenaires oublient est que les candidats désignés sont redevables à Bahati. C’est lui qui a placé ses hommes à ces postes. Des accords secrets ont été passés.

On se rappelle que Bahati a fait douter le Chef de l’Etat, avant de nommer Sama Lukonde au poste de Premier ministre. Ce ne sont pas les postes de gouverneurs qui vont le faire arrêter. Tant que Félix-Antoine Tshisekedi lui fera aveuglement confiance, il faudra s’attendre à des surprises agréables ou désagréables de l’autorité morale de l’AFDC-A, du reste autoproclamé coordonnateur de l’USN.

Quand il s’agit de capitaliser une position politique, Bahati sait le faire et il y va à fond.

Requinquée au sein de l’USN, après avoir subi toutes les formes de sévices et humiliations avec le FCC de Joseph Kabila, Modeste Bahati est parvenu à renaître, dans une position plus confortable, avec rang de troisième personnalité politique du pays, après le Président de la République et le président de l’Assemblée nationale.

Au Gouvernement, il a réussi par un coup de passe-passe dont il garde encore le secret à occuper des ministères stratégiques tels que le Portefeuille, l’Economie et l’Emploi.

Face à ses délégués, Bahati fait office d’un Premier ministre « bis », étant entendu que tous les ministres AFDC-A doivent préalablement lui faire rapport du fonctionnements de leur ministère – bien avant le Premier ministre d’ailleurs.

A tout prendre, les allures de curé de Modeste Bahati ne sont pas des indices de naïveté. C’est une intelligence mise en place pour gagner autant d’estime que d’espace politique. C’est une stratégie politique qui a fonctionné avec le maréchal Mobutu, les présidents Joseph Kabila et présentement avec Félix Tshisekedi.

Malheureusement, la forte emprise de Bahati au sein de l’USN commence à gêner. La déchéance du ministre de l’Economie, haut cadre de l’AFDC-A, a valeur d’avertissement.

La mosaïque PPRD/USN se dit marginalisée

Selon des indiscrétions glanées dans les rangs de l’USN, les députés nationaux et personnalités politiques de la mosaïque PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie) et alliés, membres de l’Union sacrée de la Nation, qui se retrouvent autour de Jean-Charles Okoto, ont, une fois de plus, rejeté la liste des candidats gouverneurs et vice-gouverneurs validée par Modeste Bahati, autoproclamé coordonnateur de l’Union sacrée de la nation.

Bien avant cette dernière mouture, la mosaique PPRD/USN s’était déjà opposé, en février dernier, aux choix opérés au sein de l’USN, estimant que cette répartition ne prenait pas en compte la configuration politique au sein de la majorité parlementaire.

Faisant part d’une décision «discriminatoire, népotique et égocentrique», la mosaïque PPRD/USD notait que «cette pratique dangereuse constitue une menace à la stabilité et la cohésion de l’USN telles que voulues par son initiateur». Aussi, avait-elle sollicité l’implication du chef de l’État pour «arbitrage ».

«Nous rejetons en bloc la liste sus évoquée et recommandons à son auteur de suivre la voie de changement tracée par son excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, l’initiateur et l’unique autorité hiérarchique de l’USN; Sollicitons l’implication personnelle de l’initiateur de l’USN pour arbitrage afin de maintenir l’unité et l’harmonie au sein de l’USN », pouvait-on lire dans la déclaration rendue publique à cette occasion.

Comme en février, la mosaïque PPRD/USN se retrouve dans la même situation. Dans la dernière répartition validée par Modeste Bahati, elle doit encore du seul poste de gouverneur de la province de Maï-Ndombe.

Des frustrations dans les rangs

Si l’UDPS continue à se laisser mener en bateau, il est certain que Modeste Bahati provoquera la fin de son pouvoir et cela en douceur. Il est temps, estiment des observateurs avertis, que le camp Tshisekedi ne puisse faire aveuglement confiance à cet acteur qui dispose de plusieurs tours dans ses manches.

«Il ne faudrait pas laisser Bahati tout régenter », martèlent des députés FCC qui considèrent avoir été floués. En effet, pour eux qui constituent le gros des troupes de l’Union sacrée, ils trouvent très mal que Bahati se tape deux gouverneurs de province, tout en plaçant ses pions à des postes stratégiques dans différentes provinces

Au regard de toutes ces frustrations, c’est encore et toujours le Chef de l’Etat, autorité morale de l’USN, qui aura certainement le dernier mot. Tant que la Céni n’a pas publié les listes définitives, les ajustements restent encore possibles, en attendant l’élection des gouverneurs et du vice-gouverneur du 6 mai 2022.

Econews