Clientélisme, gabegie et trafic d’influence au Sénat : des cadavres dans le placard

Le bureau Bahati, avec l’incontournable Carole Agito à la questure

Avec Modeste Bahati Lukwebo aux commandes, la chambre haute du Parlement a pris totalement les couleurs du regroupement politique, AFDC-A (Alliance des forces démocratiques du Congo et Alliés). Au Sénat, tout est arrimé à l’AFDC-A. Pour accéder à certains avantages, il faut être estampillé AFDC-A. Du cabinet du président du Sénat jusqu’à l’administration, les privilégiés sont ceux qui se réclament de l’AFDC-A. Quant aux autres catégories, elles doivent montrer patte blanche avant d’accéder au festin. Au bout du compte, au Sénat, le climat du travail se détériore au jour le jour. Tout étant politisé – à ciel ouvert d’ailleurs – avec le règne de Bahati, le clientélisme, la gabégie et le trafic d’influence rythment désormais le quotidien de la chambre haute du Parlement.
En janvier 2021, le parquet général près la Cour de cassation de la République démocratique ouvrait une procédure judiciaire contre l’ancien président du Sénat, Alexis Thambwe Mwamba, un pro-Kabila, accusé de détournement de fonds publics. Pendant ce temps, quelques sénateurs avaient initié des pétitions pour faire tomber les membres du bureau du Sénat pour une gestion opaque de la chambre haute du Parlement.
Avec le départ d’Alexis Thambwe Mwamba (ATM), balayé par le tsunami né du divorce entre le FCC de Joseph Kabila et le CACH de Félix Tshisekedi, on pensait que le Sénat allait retrouver une certaine sérénité. Mais, c’était sans compter avec le nouveau maître des lieux, en l’occurrence Modeste Bahati Lukwebo, élu à l’unanimité président du Sénat par la magie de l’Union sacrée de la nation, la nouvelle majorité au pouvoir.
Avec l’avènement du nouveau bureau du Sénat que dirige Modeste Bahati Lukwebo, ces vieilles pratiques, longtemps décriées sous ATM ont refait surface – avec une force intensité.
Quant au président du Sénat, il règne en maître, se vantant de sa position privilégiée au sein de l’Union sacrée de la nation, dont il se considère comme l’une des pièces maîtresses, autrement dit l’homme par qui la majorité a basculé au Parlement.
Surnommé « Maradona » dans les milieux politiques, le président du Sénat est très connu par ce sobriquet en raison de sa capacité à jongler et à retourner les situations en sa faveur. Dans l’art de dribbler, Modeste Bahati n’a pas d’égal dans le bouillant microcosme politique congolais.
Dans une vidéo, devenue virale sur les réseaux sociaux, le bureau du Sénat est mis en cause dans les dossiers de malversations financières. Des éléments d’infos recoupés en interne font état d’un système maffieux qui s’est installé au niveau de la chambre haute du parlement, savamment mis en place par Mme la questeure du Sénat, sous la bonne protection du président Bahati.
Selon un document qu’Econews a pu consulter, le budget mensuel du Sénat est passé de 4.737.816.349 à 9.423.045.440 francs congolais, un mois seulement après l’entrée en fonction du bureau Bahati. A ce jour, indique le même document, le budget du Sénat atteindrait plus de 10 milliards de francs congolais le mois. Pendant ce temps, de cas d’insolvabilité sont signalés auprès de formations hospitalières qui ne reçoivent plus régulièrement leur dû pour les soins administrés autant aux sénateurs qu’au personnel administratif et politique.
Qui pis est, les travaux en commission ne sont plus régulièrement payés, alors que les dépenses de la chambre haute du Parlement son allées crescendo du fait de nombreuses rubriques créées par le bureau Bahati dans le budget de fonctionnement du Sénat.
Dans les couloirs, le malaise est bien présent. Pour l’instant, c’est encore un volcan endormi prêt à entrer en éruption à tout moment. Quelques sénateurs, mécontents de la gestion Bahati qu’ils qualifient d’opaque, ont exigé pour le début de cette session ordinaire de septembre la mise en place d’une commission de reddition des comptes pour passer au scanner la comptabilité du Sénat, comme prévu par son Règlement intérieur à son article 118. A cette exigence parlementaire, Bahati Lukwebo a déployé sa machine politique pour étouffer cette initiative. Pour combien encore ? Difficile à prédire.
Cerise sur le gâteau, à ce jour, l’administration du Sénat est actuellement bondée des membres de l’AFDC qui doivent totalement allégeance à Modeste Bahati. Sans expérience parlementaire, ils doivent leur affectation au Sénat que par leur appartenance à la toute puissante AFDC-A. La politique ayant pris le dessus sur tout, le capharnaüm a gagné le Sénat congolais, faisant regretter aux sénateurs et au personnel administratif les années Alexis Thambwe Mwamba.

Francis M.