«Congolité» à l’Assemblée nationale : tirs à balles réelles entre Katumbistes et Tshisekedistes

La proposition de loi portant révision de la loi électorale a franchi une première étape, après avoir été jugée « recevable » lundi à l’Assemblée nationale. Une victoire d’étape pour le G13 qui l’a portée à l’Assemblée nationale. La prochaine étape se joue à la Commission PAJ (Politique, administratif et juridique) de la Chambre basse du Parlement où la proposition de loi pourrait être charcutée à souhait. Les Katumbistes qui craignent pour leur leader, Moïse Katumbi, sont aux aguets, redoutant un coup fourré du camp tshisekediste pour écarter subtilement Katumbi de la présidentielle de 2023.

Le camp du leader d’Ensemble pour la République de Moïse Katumbi Chapwe et celui du Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, sont passés à une autre étape, après s’être regardés en chiens de faïence. Désormais, ils usent des tirs à balles réelles qui, dans le champ de bataille parlementaire, provoquent « mort d’homme ». Ici, c’est la « mort politique » qui est sous-entendue.

Ces tirs à balles réelles entre les deux parties sont partis du camp Tshisekedi. Lorsque la loi Noël Tshiani sur la « congolité » – cette initiative qui vise à réserver la fonction présidentielle aux seuls Congolais nés de père et de mère d’origine – a été réintroduite sous forme d’amendement à la loi électorale, c’était une manière de franchir allègrement la ligne rouge tracée par Moïse Katumbi. Il avait en son temps averti que l’examen de cette loi par le Parlement était une ligne à ne point franchir.

En soumettant cette loi aux débats, le camp Tshisekedi a voulu que Katumbi soit déjà humilié. Ils ont voulu qu’il ne puisse avoir l’intention de se présenter à la prochaine présidentielle dans la mesure où les débats, à eux seuls, suffisent pour discréditer ce potentiel candidat président de la République.

Seul bémol, Katumbi n’est pas un poids plume dans la scène politique congolaise. katumbi pèse très lourd parce qu’il est populaire. Katumbi sait haranguer les foules et surtout Katumbi dispose d’une base réelle à travers tout le pays. Il a su rallier plusieurs leaders à sa vision sur le Congo. En plus, il a beaucoup investi pour l’avènement de la démocratie dans le pays.

Pour ses partisans et une majorité des Congolais, sans Katumbi, l’alternance n’aurait jamais eu lieu dans le pays. Kabila n’aurait jamais quitté le pouvoir mais s’y serait par contre accroché. Tshisekedi est considéré comme le bénéficiaire de ce combat qui a été mené par tout le monde.

Pour le camp Katumbi, il est question de discuter et non d’imposer une démarche à suivre à tous les partenaires de l’Union sacrée de la nation. Pour les Tshisekedistes, Katumbi devait se ranger simplement en soutenant celui qui lui avait permis de retrouver son passeport congolais et de retourner paisiblement au pays. Mais, la surprise que les Tshisekedistes avaient cachée c’est de lui dire qu’en contrepartie, il ne serait pas autorisé de se représenter à la présidentielle. Ce que Katumbi aurait refusé dès le départ parce que ne se mettant pas en position de quémandeur de la nationalité congolaise qu’il a toujours détenue par sa mère. Sur ce point précis, Katumbi n’a jamais négocié et ne négociera jamais.

En réponse, le camp Katumbi a sorti la grosse artillerie. C’est dans ce cadre qu’il faut classer des sorties au vitriol qui ont touché directement le chef de l’Etat dans ses faiblesses. Crime de lèse-majesté qui ne restera pas impuni dans la mesure où, là aussi, les lignes rouges ont été franchies avec une facilité déconcertante.

La loi sur la « congolité » a déclenché cette guerre que tout le monde savait à l’avance qu’elle aura lieu un jour. il ne restait plus que le moment de l’engager. Elle est venue plus tôt que prévu, avec cette loi rétrograde et contraire à la Constitution de la RD Congo, le pays aux diversités nombreuses.

Le camp du Président de la République est donc averti, parce que ce qui vient de se produire ne serait qu’un avant-goût de ce que le camp Katumbi peut administrer comme coup, à la loyale ou tordu. D’ailleurs, le débat de la « congolité » n’est-il pas un coup en dessous de la ceinture? Ne cherche-t-on pas à débattre et donc saper le moral d’un adversaire politique? Les prochains jours s’annoncent riches en rebondissement.

Sauf-conduit pour Jean-Pierre Bemba

La propositon de loi portée par le G13 pourrait éventuellement faire l’affaire du leader du MLC, Jean-Pierre Bemba Gombo. Sa candidature aux élections générales de 2023 semble être dorénavant soumise à l’arbitrage du Président Felix Tshisekedi qui détient la majorité au niveau de l’Assemblée nationale. C’est ce que pensent nombre d’analystes à la lecture de certaines dispositions de la proposition de loi du G13, dite « Loi Lokondo », du nom d’un de ses concepteurs, mort il y a quelques années.

Dans leur similation, ses analystes se basent sur l’une des innovations contenues dans la «Loi Lokondo». Cette disposition prévoit qu’outre les crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide, lorsqu’une personne a purgé sa peine pour les autres infractions de droit commun, elle peut de nouveau être éligible. Si elle est adoptée en dernier ressort par le Parlement, Jean-Pierre Bemba, condamné pour subornation des témoins à la CPI (Cour pénale internationale) – une peine qu’il a totalement purgée – pourrait de nouveau concourir aux élections de 2023. Il peut donc se lancer dans la course électorale, sans être frappé d’incompatibilité.

Pour l’instant, aucune option n’a encore été levée à l’Assemblée nationale. Dans les couloirs de l’Assemblée nationale, on estime que tout dépendra d’un côté, du mot d’ordre du Chef de l’Etat à sa majorité parlementaire, et de l’autre, de l’attitude de Bemba au sein de l’Union sacrée de la nation.

Si Bemba pourrait constituer un danger pour Tshisekedi à la présidentielle de 2023, le Chef de l’Etat sera sans doute obligé d’imposer son veto et etouffer l’innovation contenue dans le projet de révision de la loi électorale.

Si le camp UDPS souhaite voir le Président Félix Tshisekedi briguer un second mandat, Jean-Pierre Bemba figure sûrement sur la liste de personnalités politiques à apprivoiser.

La « Fatshisphère », qui a déjà permis à Bemba de gagner 21 millions USD dans le procès l’opposant à la RVA (Régie des voies aériennes), verra mal que le leader du MLC trahisse Tshisekedi en dernière minute. Sans doute, pour faire preuve de bonne foi, Félix Tshisekedi pourrait-il être amené à ne pas bloquer cette innovation contenue dans la proposition du G13.

Dans ces conditions le chairman du MLC devrait offrir le Grand Equateur et une partie de l’Ouest au fils du Sphinx de Limete qui caresse l’ambition de briguer un second mandat présidentiel.

A tout prendre, rien n’est acquis à l’avance.

Francis M.