«Coup de poing» dans l’eau

A trois semaines de l’arrivée à Kinshasa du pape François (attendu dans la capitale le 31 janvier pour une visite de trois jours), l’Hôtel de ville annonce une vaste opération d’assainissement sur le boulevard Lumumba dans son tronçon compris entre l’aéroport de N’djili et la 1ère Rue Limete (18 kilomètres). L’opération qui débute ce lundi 9 janvier consiste, peut-on lire dans le communiqué officiel, au déguerpissement des «marchés pirates», l’enlèvement des épaves des véhicules abandonnés sur la voie publique, le démantèlement des terrasses érigées vaille que vaille, la chasse aux vendeurs et vendeuses d’eau en sachets plastiques et autres «eau pire» sur les trottoirs et emprises publiques de la route qu’empruntera le Souverain Pontife.
Il est annoncé de fortes amendes et interpellations des contrevenants. Les bourgmestres et les responsables de la police nationale sont instamment invités à soutenir l’initiative que le gouverneur de la ville promet d’étendre par la suite dans toutes les municipalités de la mégalopole kinoise. Comme quoi, il y toujours un début à tout. Comme à l’accoutumée, l’Autorité urbaine ne propose pas d’alternative.
Un air du déjà vu et entendu. Un éternel recommencement, à l’heure où l’opération «Kin Bopeto» bat de l’aile et qu’à chaque pluie, les rivières sortent de leur lit inondant des quartiers entiers pris à la gorge par des tonnes d’ordures et de bouteilles en plastique qui barrent la route à l’écoulement des eaux. Des glissements de terrain qui emportent des logis dans des espaces non constructibles, avec leurs centaines de morts et de sans-abris, quand ils ne coupent pas des axes routiers stratégiques.
Chasser la multitude de petits vendeurs qui encombrent chaussées et trottoirs le temps du passage du Souverain Pontife restera un pis-aller, tant qu’une solution durable ne sera pas trouvée à la réduction du fort taux de chômage, faute d’une politique bien pensée de lutte contre la pauvreté.
Epurer le boulevard Lumumba revient à repousser ses occupants à envahir les rues adjacentes, dans une anarchie qui, certes, sera cachée à la vue du Souverain Pontife, mais entraînera la création de nouveaux marchés pirates, sources de violences dans des espaces confinés propices aux violences et au racket.
Reste à voir si, après le départ du pape François, «l’esprit kinois» ne reprendra pas ses droits dans une joyeuse insouciance des Autorités et de leurs administrés rebelles et résignés.

Econews