De l’art de naviguer à vue

Nicolas Sarkozy, ancien président français, a achevé un séjour de 24 heures dans la capitale congolaise. Trois semaines après l’un de ses successeurs, Emmanuel Macron, président en exercice au pays des Gaules et un mois après le pape François. Ils se compteraient sur le bout des doigts, ces pays africains qui s’enorgueilliraient d’aligner autant d’hôtes prestigieux en un laps de temps aussi court.
Si le pape François est venu, trente-cinq ans après Jean-Paul II à la recherche des âmes perdues qu’il faut ramener au Seigneur, Emmanuel Macron s’est bien gardé de répondre aux attentes des Congolais et de leurs dirigeants qui auraient souhaité l’entendre condamner de vive voix le rôle du Rwanda dans «l’agression» étrangère auquel la RDC fait face. Mal leur en a pris. Le président français n’en a pas pris le risque, préférant conforter ses atomes crochus avec le despote de Kigali.
Et cette conférence de presse conjointe restée dans les annales. Où, faisant fi du respect dû à celui qui vous offre l’hospitalité, M. Macron a, s’excusant «de le dire en termes crus», reproché aux dirigeants congolais leur incapacité à rétablir la souveraineté et la sécurité de leur territoire depuis… 1994 !
La visite-éclair de Nicolas Sarkozy n’est que la suite logique que l’on croirait logique dans une démarche où se bousculent une multitude de propositions de médiations et de bons offices dont aucune n’a débouché sur des résultats probants.
De Luanda à Nairobi, en passant par Bujumbura, New York et Addis-Abeba, le gouvernement congolais donne l’impression de trop étreindre sans qu’il embrasse en définitive. La diplomatie tous azimuts menée par le pouvoir de Kinshasa porte ses fruits. C’est incontestable. Cependant, la foultitude de partenaires aboutit dans une impasse. Avec cette impression malhabile de naviguer à vue.
Les Congolais seuls, transcendant un orgueil bien compréhensible, sont en mesure d’amorcer un processus sur la voie de la paix. Il est en effet incompréhensible que Kinshasa recourt à un ancien chef d’Etat, aussi proche soit-il avec le président rwandais pour ouvrir un canal de communication, d’autant plus que les relations diplomatiques ne sont pas rompues entre Kinshasa et Kigali.
On le répète : qui trop embrasse mal étreint. La RDC ferait œuvre utile en s’inspirant du cas éthiopien. En deux ans de la rébellion des Tigréens, Addis-Abeba a mis fin à la crise sans la moindre intervention de l’Union africaine ou de casques bleus. A ce jour, le pays est réunifié. Qu’on se le dise.

Econews