«Dialogue inclusif» à Nairobi sans le M23 : Kinshasa trace la ligne rouge

A l’appel du président burundais, président en exercice de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est (EAC, en anglais), un dialogue, dit de la paix, est prévu, le 16 novembre 2022, à Nairobi, au Kenya. Dans un communiqué, signé à Bujumbura, le président burundais a émis le vœu de voir cette nouvelle initiative de paix être la plus « inclusive » possible, sans cependant citer les terroristes du M23. A Kinshasa, le message du chef de l’Etat burundais n’est pas passé inaperçu. Si Kinshasa ne décline pas le rendez-vous de Nairobi, il a cependant tracé une ligne rouge, rappelant qu’il est exclu de s’asseoir sur une table de négociations avec les terroristes du M23, tant qu’ils occuperont certaines localités du territoire de Rutshuru.
En l’espace de vingt-quatre heures, deux rencontres internationales majeures se sont déroulées dans deux capitales africaines avec à leur ordre du jour la situation instable qui prévaut dans la province congolaise du Nord-Kivu dont une partie est occupée par les terroristes du M23, appuyés par l’armée rwandaise.
Tandis qu’à Luanda (Angola), les ministres des Affaires étrangères du Rwanda et de la République Démocratique du Congo étaient réunis autour du président João Lourenço, l’ancien président kényan Uhuru Kenyatta, facilitateur du processus de paix de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) sur la situation sécuritaire dans l’Est de la RDC, était reçu à Bujumbura par le président Evariste Ndayishimiye, président en exercice de la Conférence des chefs d’Etat de la Communauté de l’Afrique de l’Est. A l’agenda de cette dernière rencontre : la tenue à Nairobi d’un Dialogue de paix intercongolais, prévu le 16 novembre 2022.
Le communiqué sanctionnant la rencontre consultative entre le facilitateur Uhuru Kenyatta et le président burundais indique que la rencontre a passé en revue les évolutions qui ont fait obstacle au retour de la paix dans l’Est de la République démocratique du Congo. Ils ont reconnu que les récents développements de la situation au Nord-Kivu marqués par la résurgence de la violence sont de nature à miner les efforts entrepris jusqu’ici, spécialement après que d’autres groupes armés ont accepté de déposer les armes dans la recherche d’une paix durable à travers un dialogue intercongolais.
Les deux interlocuteurs ont invité tous les groupes armés étrangers à regagner sans condition leurs pays d’origine. Ils ont particulièrement insisté sur le caractère inclusif du dialogue convoqué à Nairobi le 16 novembre qui devrait connaître, outre la présence des groupes armés, celle des leaders communautaires, dont des chefs traditionnels.
Enfin de faire baisser les tensions dans l’Est de la RDC, Uhuru Kenyatta et Evariste Ndayishimiye ont convenu de la nécessité de l’élaboration d’une feuille de route à même de fusionner les processus de Luanda et de Nairobi pour parvenir à une baisse des tensions dans la sous-région.

De lourdes hypothèques
Rédigé dans le plus pur des styles épistolaires propres à une diplomatie de crise, le communiqué de Bujumbura ne mentionne ni ne condamne les offensives du M23 dans leur progression vers Goma. Si le Rwanda est nommément mentionné, c’est pour encourager le gouvernement de Kigali à s’en tenir à la feuille de dite de Luanda. Quant à son appui aux rebelles du M23, le communiqué n’en fait nullement mention.
D’où il est permis de soulever le doute sur la participation du M23 au dialogue intercongolais du 16 novembre. Le mouvement pro-Rwanda aura beau jeu d’évoquer son éviction de la première session par les envoyés de Kinshasa dans la capitale kényane. Tout comme il serait porté à exiger pour préalable des pourparlers directs avec le gouvernement congolais.
De son côté, Kinshasa n’en démord pas. Par la bouche du porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya, ministre de la Communication et Médias, il n’est pas question de négocier avec le mouvement qualifié de « terroriste », tant qu’il n’aura pas déposé les armes et quitté les portions du territoire congolais qu’il occupe au Nord-Kivu.
Président de l’Asadho, récemment élu vice-président de la FIDH, Jean-Claude Katende a envoyé un message clair au Gouvernement sur son compte twitter : «Après que nous ayons qualifié le M23 de terroriste, nous ne pouvons plus négocier avec eux. Personne ne peut obliger le Congo à négocier avec les agents du Président Kagame. Tout Congolais qui ira négocier avec le M23 devra être considéré comme un traitre ». Il va plus loin : « Quels sont les pays qui forcent le Gouvernement congolais à négocier avec le M23? Ne commettez pas l’erreur de négocier avec le M23 comme cela a été fait dans le passé avec d’autres groupes rebelles. Refuser de négocier avec le M23. Montrez-vous ferme. Vous n’êtes obligés de tout accepter ».
Dès lors, tout porte à croire que le dialogue projeté à Nairobi est d’ores et déjà plombé par de lourdes hypothèques difficiles à lever à brève échéance tant que les acteurs majeurs du conflit campent sur des positions irréconciliables.

Econews