Divorce consommé, Tshisekedi-Kabund : le point de non-retour

Entre Jean-Marc Kabund, président ad intérim de l’UDPS , également 1er vice-président de l’Assemblée nationale, le pont est presque rompu. Entre les deux personnalités, formés dans le moule de l’UDPS, dans l’ombre du sphinx, Etienne Tshisekedi wa Mulumba, les fissures sont telles qu’une séparation semble être inévitable. Pour Jean-Marc Kabund, c’est le chemin de non-retour. Celui qui était présenté, du vivant du lider maximo, comme un «héros» de la lutte, est obligé de tracer son chemin, loin de l’influence du Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. En quittant le poste de 1er vice-président de l’Assemblée nationale qu’il occupait sur le quota de l’UDPS, Kabund devrait aussi en toute logique, prendre congé de la présidence de l’UDPS. A deux ans des élections de 2023, l’UDPS vit une crise politique interne de grande amplitude. Le départ de Kabund soumet désormais le parti présidentiel à un rabattement des cartes, qui pourrait s’étendre jusqu’aux institutions, à commencer par les deux chambres du Parlement.

Entre le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, et le président intérimaire de son parti, l’UDPS, Jean-Marc Kabund-a-Kabund, le processus de divorce a atteint le point de non-retour. En aviation, lorsqu’un avion a atteint une vitesse donnée quelle que soit la circonstance, il doit d’abord décoller, puis revenir.

Dans le cas de Kabund, il doit d’abord démissionner de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale. Il n’y a pas d’autre alternative dans la démarche qu’il a engagée aux allures de chantage et de bras de fer. Et pourtant, en matière des affaires de l’Etat, il est hors de question de prendre un chef d’Etat pour une cible auprès de qui on exerce un chantage éhonté pour obtenir des faveurs. L’histoire étant connue de tous, inutile donc d’y revenir avec force détail.

Lundi 11 janvier, Jean-Marc Kabund qui a raté sa vraie vocation d’agent de la police de circulation routière a ordonné à sa garde de désarmer un militaire de la Garde républicaine (GR) commis à la protection d’une nièce du président de la République, Agnès Tshisekedi. Le militaire a été ensuite acheminé à l’auditorat militaire où il a été détenu. Kabund a reproché à la jeep de Mme Agnès Tshisekedi de rouler à contre sens. Ce que des témoins ne confirment pas, parlant d’un simple dépassement.

La scène a été filmée. Selon toutes les sources, la maison militaire du chef de l’État est entrée tout de suite en contact avec le vice-président de l’Assemblée nationale afin que sa garde se rende à l’auditorat volontairement. Refus catégorique de l’homme de la théorie des bonbons.

Jusqu’à mercredi dernier, au retour du Président de la République de Lilongwe (Malawi) à un sommet de la SADC, c’était le refus de livrer la garde, avant que, vers 21h30, les militaires de la GR effectuent une descente, dite punitive, à la résidence de Kabund pour la chercher. Il y a eu des coups de feu de sommation. Puis, les militaires ont maîtrisé les policiers qui ont été acheminés, eux aussi, à l’auditorat militaire.

Pour Kabund, il s’agit d’un crime de lèse-majesté, le président Tshisekedi ayant, selon son entourage, pris fait et cause pour sa famille biologique. Il s’est fendu d’un tweet sur son compte certifié pour annoncer sa démission de ses fonctions de 1er vice-président de l’Assemblée nationale, évoquant des humiliations. Le Rubicon était franchi, créant un effet boomerang dans la classe politique.

A la Présidence de la République, on considère que l’humiliation imposée à ce militaire de la GR cible directement le Président de la République. Aussi, se défend-elle que la réaction devait être appropriée, c’est-à-dire prompte et musclée.

Des sources contactées par Econews rapportent que, ayant usé de la sagesse, la Maison militaire du Chef de l’Etat avait procédé par des négociations internes qui ont malheureusement buté à l’orgueil de Kabund.

Scandale inutile produit par UDPS

Ce scandale de plus dans le cercle le plus restreint du pouvoir UDPS montre que les jours à venir sont sombres pour le parti au pouvoir. La machine de déchéance de Jean-Marc Kabund est mise en branle au parti. A la permanence du parti, dans la commune de Limete (Kinshasa), des jeunes ont manifesté contre celui qu’on a qualifié de «Hitler», exigeant son départ de la direction du parti. Tous les maux du président intérimaire Kabund ont été étalés sur la place publique.

Tout compte fait, son départ de la présidence du parti n’est plus qu’une affaire de jours. Jean-Marc Kabund ne présidera plus aux destinées de l’UDPS. C’est une certitude. Apparemment, l’homme s’était déjà préparé à tel scenario. N’est-il pas à la tête de son organisation « Décision finale » qui dispose d’un siège et des cartes de membres? Voilà qui fait dire à plus d’un qu’il pressentait sa déchéance de l’UDPS. En interne, les antécédents étaient tels qu’il ne restait plus qu’une étincelle pour enclencher la machine du divorce.

L’altercation, apparemment anodine, entre sa garde rapprochée et l’élément du GR, suivi du saccage de sa résidence de Kingabwa (Limete), n’aura donc été que cette petite goutte qui a finalement fait déborder le vase.

A tout prendre, l’UDPS devra se doter d’une nouvelle direction. Le décor s’y prête allégrement. Le nom de Jacquemain Shabani, ancien secrétaire général du parti, et un autre nom d’un cadre discret mais efficace reviennent dans toutes les bouches à Limeté pour succéder à Kabund.

Ce scandale est inutile parce qu’il est incroyable que le parti au pouvoir entretienne des relations tendues et enfantines sans se soucier des conséquences dans la désacralisation du pouvoir d’Etat qui a ses règles. Désarmer un militaire de la protection du Président de la République est un signal négatif sur l’organisation de cette garde. Normalement, un procès en flagrance devait s’en suivre.

L’énigme Kabund

Jusqu’où ira Kabund ? Gardera-t-il son aura politique loin du sérail de l’UDPS ?, Pourra-t-il rebondir, comme ce fut le cas lors de sa déchéance dans le Bureau Mabunda à l’Assemblée nationale ? Autant de questions qui taraudent les esprits.

On se rappelle néanmoins qu’en 2020, Jean-Marc Kabund avait pris sa revanche avec le FCC en réussissant à faire changer, par un jeu politique subtile, la majorité à l’Assemblée nationale. Rééditera-t-il le même exploit face au front qu’il vient d’ouvrir avec le parti qui l’a révélé au grand public, à savoir l’UDPS ?

A l’époque, dans une tribune, intitulée « Juridisme et pragmatisme en période de crise » (Remake en pages 8 et 10), le professeur Emile Bongeli faisait mention de la grave erreur commise par le FCC à la suite de la déchéance de Kabund dans le Bureau Mabunda.

A ce propos, le professeur Bongeli posait son analyse en ces termes : « Tout a commencé avec la déchéance non réfléchie du 1er vice-président du Bureau de l’Assemblée nationale, à la suite d’un incident qu’on aurait dû minimiser si on y mettait un peu de sagesse. En effet, il eut été plus stratégique de garder le personnage au perchoir d’où on pouvait le contrôler. Mais, dans une euphorie insensée, on a préféré sa défenestration de la manière que l’on sait, le jetant ainsi dans la rue dont il a une expertise avérée et inégalée de mobilisation. Débarrassé des brides que lui imposait sa position d’autorité parlementaire, il pouvait enfin opérer librement. Ce qui fut fait avec une redoutable compétence, car les triomphalistes du FCC n’ont eu aucun répit pour savourer leur pseudo victoire. Le CACH n’avait pas trouvé mieux que cette personnalité déchue pour retourner la situation en sa faveur… Mais surtout, avec une cynique et admirable efficacité politicienne, il a été dans toutes les étapes, dans toutes les manœuvres qui ont conduit à la chute humiliante du Bureau FCC à l’Assemblée nationale, Bureau constitué de ses ex-collègues ».

A en croire le prof Emile Bongeli, libéré de ses charges au Bureau de l’Assemblée nationale, Kabund pourrait être redoutable qu’on ne le croit.

Kabund, avenir sombre

Quoi qu’il en soit, tout le monde affirme que le dernier secrétaire général de l’UDPS nommé par feu Étienne Tshisekedi serait devenu riche avec tout l’argent qu’il gérait comme vice-président de l’Assemblée nationale. Sa somptueuse villa de Kingabwa en est la preuve la plus parlante.

Ivre du lait que procure le pouvoir, il n’a pas calculé les conséquences. S’il n’est plus vice-président de la chambre basse, cette manne ne tombera plus. Kabund va commencer à consommer ses réserves accumulées. Dans les jours à venir, des dossiers judiciaires vont pleuvoir. Les plus sérieux contre Kabund sont : incitation faite aux agents de l’ordre de commettre des actes contraires à la discipline militaire, utilisation des forces de l’ordre dans des actes délictuels.             

Il y a également des destructions méchantes documentées commises sur ordre de M. Kabund. L’addition risque d’être salée. Pour rendre justice à ces Congolais victimes des agissements de Kabund, l’auditorat militaire et le parquet général près la Cour de cassation vont devoir solliciter la levée de ses immunités parlementaires afin de lui permettre de se défendre devant la justice. Il n’y aurait ni acharnement, ni représailles. Ce sont des règles élémentaires dans un État de droit. Tout celui qui viole les lois doit subir sa rigueur.

Payer les avocats et des dommages et intérêts vont rogner les réserves financières de Kabund. Sans immunités parlementaires, l’avenir de l’ancien président de la fédération UDPS/Kamina risque d’être très sombre.

Econews