Emmanuel Macron ce vendredi à Kinshasa : la France joue son va-tout en RDC

Lundi à Paris, Emmanuel Macron a expliqué les motivations de sa tournée en Afrique Centrale

Le président français Emmanuel Macron arrive ce vendredi 3 mars, à Kinshasa pour une visite d’Etat de deux jours en terres congolaises. Le chef d’Etat français aura maille à partir avec une population congolaise, particulièrement jeune et surchauffée, qui l’attend de pied ferme pour lui dire ses quatre vérités sur le silence complice de Paris face aux relents expansionnistes du Rwanda dans la partie Est de la RDC. A Kinshasa, Macro devra jouer au funambule, sans égratigner la RDC, son hôte, et le Rwanda, son complice de tous les jours qui assure ses intérêts dans la région des Grands Lacs jusqu’au Mozambique. Pour Macron, le dilemme est de taille. Il aura deux jours pour convaincre et tracer une nouvelle ligne de coopération avec la RDC. Si non, Paris devra déjà mettre une croix sur la présence de Kinshasa de sa zone d’influence en Afrique Centrale. Pendant ce temps, l’arrivée de Macron suscite passion et colère. Tour d’horizon.
C’est ce vendredi 3 mars que le président français Emmanuel Macron foule le sol de Kinshasa pour une visite d’Etat de deux jours.
Selon l’Elysée, cette visite est l’occasion pour les deux pays de réchauffer leurs relations, dans un contexte particulièrement tendu où Kinshasa continue à dénoncer l’indifférence de Paris face à l’agression dont il se dit victime de la part du Rwanda, par les terroristes du M23 interposés.
A Kinshasa, comme ailleurs, les avis sont partagés sur ce voyage à haut risque de Macron. En effet, c’est la France qui joue sa survie en RDC. A Kinshasa, on attend le président français se démarquer de ce discours diplomatique alambiqué en nommant le mal, c’est-à-dire le Rwandais Paul Kagame comme principal ennemi de la paix dans la région des Grands Lacs.
D’ores et déjà, lundi à Kinshasa, l’ambassade de France en RDC a été prise d’assaut par un groupe de manifestants, visiblement hostiles à la présence de Macron dans la capitale congolais. Au sein de l’opinion publique congolaise, Emmanuel Macron, tout comme la France, ne rassurent pas.

Lecture croisée
Congolais, résidant au Canada, Jean-Claude Muenda ne porte pas de gants face à l’hypocrisie de la France et de son président : «La France a déjà perdu la RDC par l’absence d’une vision claire. C’est ce qui arrive quand on porte à la tête de son pays un jeune banquier sans culture politique avérée. C’est ce qui arrive quand les médias ne jouent plus leur rôle dans un pays démocratique. Aucun débat sérieux pendant la campagne électorale sur la politique française en Afrique. Qui a compris la stratégie que Macron a présentée lundi à Paris ? En quoi la transformation de base militaire en académie est une stratégie ou une vision ? Ça donne quel résultat? Ça influence quoi ? La seule vérité qu’il a dite est que la France défend ses intérêts partout et il a omis d’ajouter, par conséquent, elle n’a pas d’amis. Ainsi, Macron ne dictera rien à Kinshasa. Il avancera la position de Kagame parce qu’il se trompe en pensant que le Rwanda lui servira de porte d’entrée en RDC. Une fois de plus, la France est entrain de parier sur le mauvais cheval, presqu’à la fin du cycle de ce cheval. D’ailleurs ce n’est pas de cette façon qu’il consolidera sa position dans les Grands Lacs. Elle n’a qu’à jouer franc jeu. L’Union européenne est censée financer à 2/3 les infrastructures de nouvelles chaînes d’approvisionnement. La France est son deuxième contributeur, elle n’a qu’à utiliser ce pouvoir pour négocier directement avec les pays qui comptent. Pour mettre de côté les bruits du Rwanda contre la France, c’est d’exiger la démocratie et elle verra que le FPR ne gagnera aucune élection ». Et de préciser : « S’il lui reste un peu de lucidité, il devrait emmener Kigali à accepter les conditions de partenariat économique que lui avait proposé Kinshasa en espérant les améliorer à l’avenir. Mais comme Kagame mène une guerre pour son enrichissement personnel et de son clan, il veut venir puiser seul. Et pourtant les temps ont changé… ».
Professeur de droit et analyste indépendant, Engunda Ikala n’y va pas non plus par quatre chemins. Sa lecture se situe dans un contexte géostratégique. D’emblée, il lance : «La France ne condamnera pas le Rwanda : Real politik !»
Il s’en défend en ces termes : «Kaguta Museveni est un gage de succès du projet pétrolier TotalEnergies de Tilenga et Paul Kagame assure la sécurité du projet gazier de TotalEnergies en Mozambique. Emmanuel Macron ne peut pas être un allier de la RDC face à cette agression. Soyons réaliste, le président Macron n’a d’autres choix que de défendre les intérêts de la France qui, pour l’instant, sont incompatibles avec les intérêts sécuritaires de la RDC. Je serai président français, je ne condamnerait pas le Rwanda et l’Ouganda au risque de fragiliser les intérêts (gazier et pétroliers) de mon pays en Mozambique et en Ouganda. Les Congolais doivent faire de réalisme et de pragmatisme dans cette guerre. Comme le Rwanda et l’Ouganda, la RDC possède également des armes géostratégiques pour imposer son point de vue au niveau mondial. Il faut juste qu’elle en prenne conscience ».
Ce vendredi au palais de la Nation, le Président Félix Tshisekedi aura son premier tête-à-tête avec son homologue français. Ça sera l’occasion de se dire des vérités en face.

Econews