En RDC, une présidentielle semée d’embûches

À quelques jours de la présidentielle, prévue le 20 décembre, de nombreuses voix mettent en garde contre les risques de débordements pendant le vote et au lendemain de la proclamation des résultats.

En République Démocratique du Congo (RDC), le processus électoral, qui doit aboutir à des élections générales combinées – municipales, provinciales, législatives et présidentielle – le 20 décembre prochain, est entré dans sa dernière ligne droite. Cette ultime étape comporte un nombre important de risques, spécialement le jour du scrutin et le lendemain de la proclamation des résultats. La Commission électorale nationale indépendante (CENI), qui travaille ces derniers jours à éviter un chaos logistique au moment du vote, doit tout faire pour garantir la transparence de cette élection. C’est sur elle que repose la confiance entre les différents protagonistes et un dénouement pacifique de ce long processus électoral.

Fortes tensions en vue

La campagne électorale, lancée le 19 novembre dernier, a déjà été marquée par de nombreux incidents, notamment des tentatives d’entraves aux mouvements de certains candidats et des violences, occasionnant la mort d’une personne et des dégâts matériels.

Le 6 novembre, un groupe de jeunes présentés par l’opposition comme des partisans de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS, le parti présidentiel) avait caillassé le cortège de l’opposant Martin Fayulu, à Tshikapa, au Kasaï (Centre), un bastion de Félix Tshisekedi.

Malgré la condamnation de ces actes par l’ensemble de la classe politique, y compris par le président Tshisekedi lui-même, certains partisans de l’UDPS ont continué à être impliqués dans des violences politiques. Ainsi, le 28 novembre, un responsable du parti de Moïse Katumbi, Ensemble pour la République (EPR), a été tué lors d’affrontements entre des militants de l’EPR et de l’UDPS, alors que le candidat tenait un meeting à Kindu, dans le Maniema (Est). Le 12 décembre, un autre de ses meetings a été interrompu par des jets de pierres à Moanda, au Kongo-central (Ouest).

S’ajoutent à ces incidents des ratés dans l’organisation du scrutin, qui laissent présager de fortes tensions le jour où les 44 millions de Congolais inscrits sur les listes électorales se rendront aux urnes. Ainsi, les cartes d’électeurs commandées à grands frais en Corée du Sud se sont avérées d’une si piètre qualité – la plupart sont désormais illisibles – que la CENI a dû établir en urgence des duplicatas. Et rien ne garantit que la totalité des électeurs dotés de cartes défectueuses recevront leur duplicata à temps pour voter.

Sauver ce qui peut encore l’être

Ensuite, les listes d’électeurs, indispensables pour leur reconnaissance par les bureaux de vote, n’ont pas été affichées trois mois avant le scrutin, comme le prévoit le calendrier de la CENI, ni placardées dans leur intégralité. Il est à craindre que tout cela démotive nombre d’électeurs et attise leur colère, surtout parmi ceux de l’opposition, qui suspecteraient déjà des manœuvres de la CENI pour les empêcher de voter en faveur de leurs candidats. L’autre défi, et non des moindres, sera, pour des électeurs parfois à peine lettrés, de s’orienter dans un dédale de listes multiples qui concernent quatre scrutins distincts auxquels participent des milliers de candidats, dont 26 présidentiables.

À moins d’une semaine du vote, le déploiement à temps du matériel électoral dans les antennes provinciales et dans les bureaux de votes situés dans les localités les plus reculées de l’immense territoire congolais, largement dépourvu d’infrastructures, relève désormais de l’exploit. Une partie de ce matériel, en provenance de la Chine, n’est arrivée à Kinshasa que le 9 novembre dernier.

Face à cette situation, la CENI tente de sauver ce qui peut encore l’être. Selon l’Agence congolaise de presse, l’Angola, sollicité par Kinshasa, aurait accepté de prêter une partie de sa flotte aérienne à la RDC, afin d’acheminer le matériel. Parallèlement, dans une lettre du 12 décembre, Kinshasa a demandé au Conseil de sécurité des Nations unies d’autoriser la mission onusienne de maintien de la paix, la Monusco, sur le départ, à étendre son appui logistique à l’ensemble du pays, au-delà des trois provinces de l’Est (Nord-Kivu, Sud-Kivu et Ituri), où elle est encore opérationnelle.

Une telle situation peut engendrer plusieurs difficultés. Il est probable que de nombreux bureaux de vote seront dépourvus de matériel. Pour l’instant, le gouvernement et la CENI, qui ont fait du respect des échéances constitutionnelles un point d’honneur, excluent tout report. Néanmoins, cette possibilité, qui serait un coup dur pour le président sortant, est de plus en plus évoquée par les experts électoraux nationaux et internationaux.

La transparence, clé de la confiance

La proclamation des résultats provisoires par la CENI, prévue le 31 décembre, soit onze jours après la tenue du scrutin, pourrait aussi être une étape difficile de cette élection. L’annonce des résultats constituera en effet le dénouement de toutes les tensions cumulées par l’opposition ces deux dernières années, à la suite d’une préparation électorale déficiente et opaque. Elle pourrait conduire à des explosions de violence en cas de suspicion de fraude.

L’éventuelle publication de résultats parallèles par les observateurs indépendants pourrait ajouter aux tensions. En cas d’écarts importants entre ces chiffres et ceux de la Ceni, des protestations et des violences pourraient éclater dans de nombreuses villes et localités, notamment dans la capitale Kinshasa et dans la province du Katanga.

La réussite de ce processus électoral tient à quelques préalables cruciaux. La transparence, tant au cours des opérations de vote que lors du dépouillement et à l’affichage des résultats, sera la clé de la confiance entre les différents protagonistes, y compris les camps de l’opposition. Ensuite, en cas de manifestations et des contestations des résultats, la police nationale congolaise et tous les services de sécurité devront faire preuve de professionnalisme et de retenue, en évitant de recourir à des armes létales ou d’user abusivement de la force. Enfin, comme l’a maintes fois affirmé son président, la CENI devra proclamer les résultats conformes à la vérité exprimée dans les urnes.

Avec Jeune Afrique