Enrôlement des électeurs : c’est mal parti !

La CENI (Commission électorale nationale indépendante) a entamé, le 24 décembre 2022, sur la première aire opérationnelle qui comprend près de dix provinces, l’enrôlement des électeurs pour les scrutins du 20 décembre 2023. Si Denis Kadima, président de la CENI, affiche un certain optimisme, sur le terrain, les choses ne se passent pas comme prévu. Au deuxième jour des opérations d’enrôlement, la machine peine à prendre de l’envol. Pour cause, des techniciens recrutés – sur concours, se dit-on à la CENI – ne semblent pas être à la hauteur. A certains endroits, ce sont des kits d’enrôlement qui font défaut. A tout prendre, les premiers ratés des opérations d’enrôlement augurent des scrutins à haut risque, le 20 décembre 2023.
C’est mal parti avec les opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs ! Des disfonctionnements graves sont déjà signalés. Les équipes de la rédaction d’Econews, qui ont fait la ronde dans plusieurs communes de Kinshasa, notamment à Tshangu, dans la partie Est de la capitale, signalent plusieurs défaillances dans le processus. Le retard dans le déploiement des kits d’identification et d’enrôlement, la lenteur des opérateurs de saisie et tant d’autres problèmes font craindre le pire.
Si la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ne se réajuste pas à temps, il faut déjà penser à un glissement du cycle électoral. Ce qu’il ne faut pas souhaiter.
Quoi qu’il en soit, les opérations d’identification et d’enrôlement des électeurs ont été lancées le samedi 24 décembre 2022. Trente jours sont réservés à ces opérations dans la première aire opérationnelle qui prend en compte près de dix provinces, dont la ville de Kinshasa.

Les premiers ratés
Au deuxième jour des opérations, contrairement à ce qu’on espérait, les opérations battent plutôt de l’aile. Des graves disfonctionnements sont signalés sur le terrain, marqués spécialement par un retard dans le déploiement des kits d’identification et enrôlement.
Il faut aussi noter la lenteur des agents commis à la manipulation des machines, le manque d’énergie dans plusieurs centres. Tant des problèmes qu’il faudra vite résoudre au risque de ne pas respecter l’échéance de 30 jours que s’est fixé la CENI.
Le président de la CENI, Denis Kadima, qui se montre encore pessimiste, risque de passer à côté de son objectif.
Enrôler plus de 50.000.000 d’électeurs passe véritablement pour les 12 travaux d’Hercule. Arrivera-t-il à boucler en un mois la première aire opérationnelle ? Difficile à dire.
«Tout ce que je peux dire à la population est que ce jour marque le début de cet exercice que nous appelons l’enrôlement des électeurs. C’est un moment important qui signifie que nous sommes à présent dans la ligne droite qui mène vers les élections de 2023. J’invite donc la population à faire comme moi qui n’ai pas attendu le deuxième jour. Dès l’ouverture je suis venu ici (Athénée de la Gombe), plus on va avancer dans le processus, plus il y aura du monde et cela pourra se faire facilement en s’y prenant un peu plus tôt. Donc mieux vaut se présenter maintenant et je voudrais aussi dire à la population que les cartes actuelles expirent à la fin de l’enrôlement des électeurs. D’ailleurs, la mienne que j’ai amené est restée à l’intérieur et elle a été gardée. Il faut que tout le monde sache que sans cette carte, vous n’avez pas votre pièce d’identité. J’invite ici et maintenant tous mes compatriotes à emboîter le pas », s’est limité à dire Denis Kadima Kazadi, au lancement samedi des opérations d’enrôlement.
Quant aux conditions à remplir pour se faire enrôler au cas où on en serait dépourvu, le président de la CENI a tenu à préciser : «Ceux qui ont perdu leurs cartes peuvent venir ici, mais ils doivent amener d’autres pièces, comme un passeport en cours de validité ou un permis de conduire, l’acte de naissance, voire le certificat de nationalité. Sinon alors, ils se présenteront avec trois témoins qui doivent eux-mêmes être enrôlés dans le centre où ils se seront rendus ».
Bien avant le lancement de cette opération, le Président de la CENI a effectué une tournée dans quelques centres d’identification et d’enrôlement observant une halte au lycée Kabambare (commune de Kinshasa) et au complexe scolaire Saint Georges de Kintambo, se faisant également enrôler avec son épouse à l’Athénée de la Gombe.

Des listes tripatouillées
Quoi qu’on dise, sur le terrain des opérations, rien ne rassure. Des agents commis à l’enrôlement ne semblent pas être à la hauteur. On a tripatouillé les listes, apprend-on de sources internes de la CENI.
«En réalité, des agents recrutés par la CENI, ceux qui sont passés par le test et qui ont suivi la formation pendant une semaine ne sont pas ceux qu’on a recrutés à la fin. On a trafiqué les listes si bien que des agents qui ont été commis à l’enrôlement ne sont pas ceux qui ont suivi la formation. Ils ne connaissent pas ces machines. Ils ne maitrisent pas le process parce qu’ils n’ont jamais suivi la formation. Ce sont des parachutés, imposés par les plus hautes instances de la CENI. C’est regrettable ! Comment voulez-vous avoir des opérations apaisées dans ces conditions. Je crains pour la suite. Le départ étant chaotique, vous pouvez déjà imaginer la suite », a fait part à Econews un cadre opérationnel de la CENI, sous le sceau de l’anonymat.
Il faut donc craindre un glissement. Et pourtant, à en croire le calendrier électoral publié par la CENI, chaque étape a une durée précise, soit un mois dans chaque aire opérationnelle pour cette étape.
Le chevauchement des opérations risque d’entraver tout le processus, à moins que le bureau Kadima ait un plan de secours pour respecter son propre calendrier.
Toujours est-il que, le dimanche 25 décembre 2022, deuxième jour des opérations d’enrôlement, dans certains centres d’identification et d’enrôlement visités dans le district de Tshangu, la plupart n’ont pas encore réceptionné leurs équipements. D’autres n’ont pas commencé pour des raisons multiples, notamment l’absence des techniciens recrutés pour la manipulation des machines. Là où les opérations ont timidement été lancées, les électeurs déplorent la lenteur des agents électoraux commis à cette opération. Bref, la CENI a préposé des amateurs aux opérations d’enrôlement, des agents qui n’ont aucune maitrise sur leur outil de travail.
C’est le cas des centres Saint Boniface, où, jusqu’à 13 heures, le technicien était encore bloqué dans des embouteillages. Au centre Dibua dia Ditumba, deux problèmes étaient à déplorer, essentiellement la lenteur des agents et l’absence de l’électricité. Les machines n’ont que heures d’autonomie. Elles se sont déchargées à deux reprises. A 11 H 40’ et à 17 H 00. Il fallait recourir aux voisins pour les recharger pendant environ une heure. Ce qui a occasionné l’arrêt des opérations. Plusieurs autres centres étaient encore à l’attente des kits d’enrôlement.
Les mêmes problèmes sont déplorés dans d’autres provinces au premier jour des opérations. C’est le cas de la province du Kwilu.
Au centre d’inscription installé à l’EP Tosalisana, aucun requérant ne s’était encore présenté pour se faire enrôler. Seuls les agents électoraux étaient présents et en attente des kits d’enrôlement.
Au centre de l’EP Lutondo, des dizaines d’électeurs s’étaient présentés depuis 6 heures, sans être pris en charge.
À l’EP Ngamilele, sur plus de 150 requérants qui avaient reçu des jetons depuis 6 heures, seuls trois étaient enrôlés jusqu’à 10 heures.
Un électeur questionné par l’équipe d’Econews s’est exprimé par ces mots : «Nous sommes ici depuis 6 heures, mais jusqu’à 10h00’, on n’a donné la carte qu’a une trentaine des personnes. Nous sommes tellement mécontents parce qu’il y a une lenteur que vous ne pouvez pas comprendre. Il faut aussi noter qu’il n’y a pas d’électricité. Le président du centre vient de nous faire savoir qu’ils vont arrêter l’opération pour aller recharger les machines et qu’ils vont reprendre vers 13 Heures. Une très mauvaise organisation».
Un autre pense que «la CENI est mal parti». «A voir ce qui se passe, la CENI n’est pas encore prête », pense-t-il
Depuis le Kwilu, le premier vice-président de la CENI, Bienvenu Ilanga, a promis, pour sa part, de corriger tout dysfonctionnement.
«Bon, c’est toi qui l’a constaté, moi je ne l’ai pas constaté. Mais j’espère seulement que si ce que vous dites est vrai, ça sera résolu », a déclaré Bienvenu Ilanga, répondant à une question de la presse.
Toutes ces anomalies augurent d’un lendemain agité lorsqu’il faudra affronter le Congo profond.
A tout prendre, la CENI jouit encore d’une certaine marge de manœuvre pour rectifier le tir, avant que le pire ne se produise.

Econews