Entre Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi, le divorce est imminent

Le chassé-croisé observé depuis près de deux semaines entre les partisans de Moise Katumbi et leurs alliés de l’UDPS au sein de l’Union sacrée de la Nation va crescendo. Chaque jour qui passe apporte son lot d’accusations mutuelles centrées sur le respect des délais constitutionnels dans l’organisation des élections présidentielle et législatives de décembre 2023. A l’intransigeance du camp katumbiste qui n’entend pas accorder un jour de plus aux autorités actuelles, l’UDPS invite carrément Ensemble pour la République à prendre ses responsabilités, en quittant l’Union sacrée. Si le divorce n’est pas encore prononcé, son imminence ne fait aucun doute.
Tout est parti d’un enregistrement audio d’Olivier Kamitatu, le 4 octobre dernier. Dans ce document devenu viral sur les réseaux sociaux et largement relayé par les médias locaux et internationaux, le porte-parole du leader d’Ensemble pour la République, un parti politique de l’Union sacrée de la nation, déclarait que la population ne transigera plus avec leur maintien (des autorités actuelles, ndlr) au pouvoir au-delà de la fin du mandat telle que prévue dans la constitution. Vingt-quatre heures après, le 5 octobre, le secrétaire général de l’UDPS, parti présidentiel, répliquait avec véhémence et invitait carrément le parti de Moise Katumbi à quitter l’Union sacrée, au lieu de se comporter comme des chauves-souris, car ils développent un discours de gens qui ne sont pas dans les institutions.
La guerre est ouverte
Qualifiant par la même occasion de malhonnête le comportement des responsables de la famille politique de Moise Katumbi, le secrétaire général de l’UDPS estime que « (…) c’est très malhonnête, ce qu’il a dit là, ce n’est pas ce qu’ils disent en coulisse. Lors de notre dernière rencontre avec leur secrétaire général, il plaidait pour qu’on puisse revoir le bureau de la CENI et qu’ils ne sont pas disponibles à aller aux élections avec ce bureau. Nous, nous avons dit qu’il faut aller aux élections. (…) Est-ce qu’ils sont disponibles ? Quels sont les actes qu’ils posent sur le terrain pour voir qu’ils veulent aller aux élections ? C’est du n’importe quoi !», a lâché Augustin Kabuya, manifestement énervé.
«C’est un comportement irresponsable. Au cours de cette même réunion, j’avais demandé à leur secrétaire général que tu ne peux pas te présenter comme membre de l’Union sacrée, car vous ne prenez pas part aux réunions de l’Union sacrée et le discours que vous développez ce n’est pas un discours de quelqu’un qui est dans les institutions. Il faut quitter même l’Union sacrée. Les gens sont malhonnêtes, eux pensent que nous avons peur des élections ? Nous sommes prêts pour aller aux élections, ils connaissent la voie qu’ils avaient prise à Genève», a-t-il dit.
Dès lors, la guerre est ouverte entre les irréductibles réunis autour du chef de l’Etat et le camp de Moise Katumbi, dont la position, quoique non dépourvue d’un certain réalisme politique. A l’approche des échéances électorales, l’ancien gouverneur du Katanga entretient le flou sur ses véritables intentions, de même qu’il semble avaliser, par son silence, les déclarations de ses lieutenants. La dernière en date est celle du secrétaire général d’Ensemble pour la république.
Intervenant sur une radio locale, Dieudonné Bole-ngetenge, répondant à la question de savoir si son parti, présent dans les institutions, ne prendrait pas sa part dans le bilan présidentiel à la fin du mandat de ce dernier, n’y est pas allé par le dos de la cuillère : «Le bilan du président de la République n’est pas le bilan de l’Union. L’Union sacrée n’aura géré avec lui qu’une portion de son mandat (…) le président de la République a pris un certain nombre d’engagement vis-à-vis de la nation en tant que candidat à l’élection présidentielle. Le moment venu, c’est lui qui va présenter son bilan devant le peuple».

L’Union sacrée, pas un conglomérat de moutons
Parlant des personnalités issues de leur famille politique dans le gouvernement de l’Union sacrée, il rappelle qu’ils exercent des responsabilités d’État. ‘’Ils sont responsables de ce qu’ils font et nous allons assumer ce qu’ils auront fait en bien ou moins bien au service de la République».
Quant à l’appel à quitter l’Union sacrée à cause de leurs prises de position non dissimulées contre la gestion actuelle du pays, l’ancien ministre des Affaires foncières lance non sans ironie : «Nous sommes venus dans l’Union sacrée qui n’est pas un conglomérat de moutons».
Dieudonné Bolengetenge aurait aimé, a-t-il poursuivi, entendre Augustin Kabuya et lui poser la question de savoir le sens que celui-ci donne à l’Union sacrée : ‘’Le président de la République avait consulté les forces politiques les plus significatives de notre pays pour la refondation de l’action du gouvernement autour de cette participation de forces significatives du pays à la gestion de la République pour sortir le pays d’une situation de blocage (…) ce qui a justifié la main tendue du président de la République aux principales forces significatives du pays et nous avons répondu présent. C’est également pour cette raison que nous avons des gens issus de notre famille politique qui participent à la gestion de la chose publique».
Manifestement remonté contre la tentation de la pensée unique au sein de l’Union sacrée où toute opinion dissonante est vite perçue comme de la trahison, le secrétaire général d’Ensemble entretient le suspense sur leur avenir au sein de la coalition : «La compréhension selon laquelle, quand nous sommes dans l’Union sacrée et que vous avez une prise de position dans le sens de dire ce qui va bien ou ne va pas bien, nous devons quitter l’Union sacrée, n’est pas du tout la bonne».
Malgré le chassé-croisé entre la 10ème Rue et le boulevard Kamanyola à Lubumbashi, l’heure du divorce n’a pas encore sonné. Mais la tension est loin d’être retombée. Si la séparation doit être consommée (elle est inéluctable), les deux camps entretiennent une veillée d’armes. C’est à qui ferait le premier pas.

M.M.F.