États généraux de la communication et des médias : jour de vérité ce vendredi à Kinshasa

Lancés mardi par le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, c’est aujourd’hui vendredi que se clôturent à Kinshasa les états généraux de la communication et des Médias. Pour les professionnels des médias, ces assises ont servi d’explorer des pistes pour un nouveau départ de ce secteur. Comment sauver le secteur dans un écosystème rongé par la percée du numérique ? Quelles sont les stratégies à mettre en œuvre pour garantir la viabilité économique des médias congolais ? Comment réussir la mutation dans un contexte de percée de Nouvelles technologies de l’information et de la communication ? Autant de questions qui trouveront des réponses dans les résolutions qui sanctionnent ce vendredi les états généraux de la communication et médias, 26 ans après la dernière loi qui organise le secteur de la presse en République Démocratique du Congo.

C’est aujourd’hui vendredi que se clôturent à Kinshasa les états généraux de la communication et des médias. Pendant quatre jours, les participants à ces assises, répartis sur trois commissions, ont passé au peigne fin les grands problèmes et les réformes à mettre en œuvre pour y remédier. Quatre jours de discussions qui seront sanctionnées ce vendredi par des résolutions qui devraient augurer d’un lendemain meilleur pour un secteur en crise, particulièrement menacé par la percée du Numérique.

Y a-t-il encore un avenir pour les médias traditionnels ? La presse écrite, la radio et la télévision sont appelés à disparaître avec ce vent de modernité insufflé par les NTIC ? C’est la question qui a été au centre de ces assises.

Quant à la gestion de grandes mutations qui affectent l’écosystème médiatique congolais, tous les participants aux états généraux de la communication et des médias ont unanimement reconnu la nécessité pour le secteur de s’adapter pour ne pas rater le train de la modernité. Mais, comment rejoindre cette dynamique lorsque les entreprises de presse peinent à atteindre le seuil minimal de viabilité ? C’est à ce niveau que, d’une seule voix, les participants à ces assises ont lancé un appel à l’Etat congolais pour aider les organes de presse à résister à cette mutation.

« Redevance multimédia » : l’appel d’Achille Kadima

Si la télévision nationale bénéficié déjà d’une redevance télé qui l’aide à soulager sa trésorerie, interrogé par la station Afrique de BBC, Achille Kadima, directeur général et directeur de publication du trihebdomadaire Africanews, plaide pour la mise en place d’une «redevance multimédia» pour sauver une presse congolaise en crise.

«Avec la crise, on s’est déployé pour résister en développant la version numérique de nos éditions. Mais, la meilleure façon de nous aider est de mettre en place une redevance multimédia », a-t-il dit au micro de BBC/Afrique.

De ce point de vue, la «redevance multimédia » passerait pour cette soupape de sûreté qui aidera le secteur à soulager sa trésorerie précaire, particulièrement rongée par une conjoncture qui décourage tout investissement.

De l’avis des professionnels des médias, seule une nette intervention de l’Etat par des mécanismes de soutien à la presse permettra de sauver ce secteur, au-delà de toutes les réformes portant sur son cadre organisationnel et fonctionnel.

Quel remède pour la viabilité économique des médias ?

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Qu’en est-il alors de la viabilité économique des médias congolais ? Aux états généraux de la communication, la question a été sur la table des discussions mercredi au sein d’une commission entièrement consacrée à ce sujet.

Présidée par le professeur Jean-Chrétien Ekambo, assistée de Chantal Kanyimbo et Israël Mutala, la Commission a exploré différentes pistes pour une meilleure approche de la viabilité économique des médias congolais.

La RDC est aussi connue pour la pluralité de médias, que ce soit dans la presse écrite, audiovisuelle ou presse en ligne. Selon les statistiques du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) en 2021, le nombre de journaux enregistrés s’élève à 540; celui de radio à 61; chaînes de télévision à 177 et celui de parutions assez régulières à Kinshasa à 30 contre 10 quotidiens réguliers à Kinshasa.

Quant aux médias en ligne, ils sont à 36 et les journalistes à 7.634 jusqu’au  troisième trimestre de l’année 2021.

En RDC, comme partout dans le monde, on fait face à une crise médiatique avec un modèle universel de l’économie des médias qui s’avère biface. Ainsi, le producteur offre un même produit à la fois à deux clientèles différentes, à savoir d’abord le lecteur, l’auditeur et le téléspectateur. Ensuite, les annonceurs de pages ou spots publicitaires.

Quant au marché médiatique au Congo, on note une baisse de la publicité qui est passée de 46% à 20%, selon les statistiques de 2018 à 2021. On note également que la télédistribution bat son plein en RDC.

En effet, des diffuseurs très diversifiés exercent au Congo (Canal+, Startimes, Strong, Blue Sat, Dstv et leur parc d’abonnés approche aujourd’hui le million.

Cette situation entraîne plusieurs conséquences, notamment la production de l’information brute et rapide, qui n’est plus l’apanage des professionnels des médias, pour autant que n’importe quel détenteur d’un smartphone est potentiellement « créateur et diffuseur » d’informations, a fait part le professeur Ekambo.

Comme corolaire, on assiste désormais à «cette soif des nouvelles». Et d’indiquer : c’est l’émergence de «l’infobesité qui n’est autre que l’excès d’information propre à l’ère du numérique».

Comment résister dans un environnement aussi hostile. Cinq pistes de solutions ont été proposées. Primo, il faut redéfinir l’entreprise de presse (comme une entité économique pour l’exploitation bénéfique des faits, idées et opinions) et un média (comme une structure fonctionnelle, technologique et organique). Secundo, l’Etat doit penser à subventionner les médias comme cela se fait ailleurs. Tertio, la mise en œuvre effective de la redevance audiovisuelle telle que stipulée par la loi n°011/004 du 25 juin 2011. Quarto, les allègements fiscaux et parafiscaux en faveur de ces entreprises de presse. En dernier lieu, il s’agit aussi de repenser à un contenu vendable à l’international.

Par ce vent de mutation imposé par le NTIC, le prof Ekambo est d’avis que « les entreprises de presse doivent offrir un contenu susceptible d’intéresser pas seulement les abonnés nationaux, mais surtout ceux qui sont à l’international ».

Trois commissions mises en place

Après le lancement officiel mardi des états généraux de la communication et des médias par le Président de la République, les 200 participants conviés à ces assises ont convergé vers le Centre catholique Nganda pour les travaux en commission.

Trois commissions ont été mises en place, à savoir la Commission des textes présidée par Gaby Kuba (UNPC); la Commission de politique nationale de la communication et de réflexion sur la mise en place du Conseil National de la Presse (CNP) dirigée par Jean-Marie Ka-samba; la commission de viabilité des médias confiée au professeur Ekambo.

Mercredi, au terme des discussions en plénière, les trois Commissions ont présenté les conclusions de leurs travaux. Après adoption, ce sont ces conclusions qui seront coulées ce vendredi sous forme des résolutions des états généraux de la communication et médias.

Francis M.