Extradition de John Numbi : cette indélicatesse de l’ambassade du Zimbabwe qui empoisonne les relations entre Kinshasa et Harare

Une fuite dans la presse a jeté le froid dans les relations diplomatiques entre la République Démocratique du Congo et le Zimbabwe. La gestion de demande d’extradition secrète du général fugitif John Numbi, formulée par Kinshasa, a curieusement atterri dans la presse. Au ministère congolais des Affaires étrangères, on a vite trouvé le coupable. C’est l’ambassadeur du Zimbabwe en poste à Kinshasa, la seule personnalité qui a été en possession de la demande de Kinshasa. « S’il y a fuite, ça ne pouvait venir que de lui », a rapporté à Econews une source proche du dossier. La réalité est que l’ambassadeur du Zimbabwe en RDC a livré l’information au correspondant d’une radio étrangère, selon le film des événements rapportés à Econews. Ce dernier a contacté un avocat proche du dossier qui lui a prié de ne pas diffuser l’information pour ne pas donner l’occasion à John Numbi de se soustraire. Malheureusement, le deal n’a pas été respecté, jusqu’à ce que la demande confidentielle de Kinshasa se retrouve sur les réseaux sociaux. Une indélicatesse du diplomate zimbabwéen qui jette un froid dans les rapports entre Kinshasa et Harare.
«La RDC à travers son ministère des Affaires étrangères a adressé une demande d’extradition du général John Numbi par voie diplomatique. Une demande secrète qui se retrouve sur la place publique. D’où est partie la fuite de cette information qui n’était connue qu’entre les deux pays, la RDC et le Zimbabwe, d’autant plus que l’information a été gardée jalousement du côté de la RDC pour ne pas alerter le général fugitif. C’est depuis 2021 que cette demande a été adressée au Zimbabwe mais pourquoi ça a traîné ? », s’interroge une source proche du dossier.
«Le général John Numbi avait été localisé au Zimbabwe après avoir quitté le pays. Les démarches étaient en cours pour obtenir son arrestation depuis 2021. Au départ, il ne s’agissait qu’un mandat d’arrêt international. Devrait suivre les mécanismes prévus dans le cadre de la SADC concernant les extraditions des ressortissants d’un pays membre ayant quitté sa patrie pour se réfugier dans un Etat partie», ajoute une autre source.
«Auparavant, la RDC s’était adressée à l’Interpol pour l’extradition du général John Numbi en l’absence d’accords d’extradition judiciaires qui lient les deux pays. Le Zimbabwe avait demandé à la RDC de formaliser cette demande par la voie diplomatique. On n’en était pas encore à cette étape et l’ambassade du Zimbabwe a vendu la mèche», regrette la même source.
La RDC a pris toutes les précautions d’usage pour que le suspect ne soit pas alerté par cette demande d’extradition et pour ne pas lui donner l’occasion de s’enfuir. Malheureusement, l’ambassade du Zimbabwe à Kinshasa a divulgué le contenu de la correspondance diplomatique adressée à son pays.
Le général John Numbi ne sera pas poursuivi pour des infractions politiques. L’ancien inspecteur général de la police nationale congolaise est soupçonné d’avoir participé au double assassinat de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana, deux activistes des droits de l’homme de la Voix des sans voix (VSV). Il serait également accusé de désertion des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC).
«Ce n’est pas au Zimbabwe d’apprécier si les éléments du dossier sont suffisants ou pas. L’ambassadeur du Zimbabwe pourrait être convoqué au courant de la semaine au ministère congolais des Affaires étrangères pour cette maladresse d’autant plus que cette demande d’extradition était secrète », a soutenu une autre source judiciaire.
A la découverte des armes dans une des résidences du général John Numbi, des dignitaires de l’ancien régime ont crié au montage planifié par le régime Tshisekedi. Le ministère de l’Urbanisme et habitat voulait récupérer cette résidence appartenant à l’Etat. Des agents envoyés pour cette opération avaient été empêchés par des militaires qui la gardaient.
A cause de cette résistance, une commission avait été constituée de divers services de l’Etat. C’est au cours de cette opération qu’il a été découvert des armes. C’est à ce moment que les éléments de l’auditorat général des FARDC sont descendus sur le lieu de la découverte pour faire le constat.
«Cette histoire d’armes, nous en avons beaucoup parlé depuis 2011 dans le procès Chebeya et Bazana. Pendant sa déposition devant les juges, le général Kabulo de la police nationale congolaise avait déclaré que le général John Numbi avait son propre dépôt d’armes », a soutenu une autre source proche du dossier.

La pièce manquante du puzzle
Le général quatre étoiles John Numbi, mis en cause pour son implication présumée dans l’assassinat du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya Bahizire et de son chauffeur Fidèle Bazana à Kinshasa en juin 2010, a quitté discrètement la RDC, début mars 2021, pour se réfugier au Zimbabwe, selon les informations d’une ONG congolaise de défense des droits de l’homme, corroborées par plusieurs sources officielles.
Ancien inspecteur général de la police et de l’armée, John Numbi «a quitté la RDC et s’est réfugié au Zimbabwe il y a deux semaines. Son chargé de sécurité, Lunda waNgoie est arrêté», avait affirmé, à l’époque, le président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (ACAJ), Me Georges Kapiamba, depuis Kinshasa.
Les mêmes informations ont été confirmées par un procureur militaire, faisant état de l’ouverture d’une enquête pour «coincer ceux qui ont facilité» la sortie du territoire du général déjà sous sanctions des Etats-Unis et de l’union européenne (UE) pour des atteintes aux droits humains entre 2016 et 2018 sous la présidence de Joseph Kabila.
«Nous dénonçons la porosité de nos services de sécurité et de nos frontières. Sinon comment comprendre que le général Numbi, un homme aussi bien connu puisse s’exfiltrer alors que nos services ne sont pas au courant», s’était alors interrogé, dans un communiqué, Me Timothée Mbuya, président de Justicia ASBL.
John Numbi craignait des poursuites judiciaires après que certains policiers ont affirmé avoir participé à l’assassinat du directeur exécutif de l’ONG la Voix de sans voix, Floribert Chebeya, et son chauffeur, Fidèle Bazana. John Numbi qui était inspecteur général de la police au moment des faits et avec qui Chebeya avait rendez-vous, avait été invité au tribunal uniquement comme témoin.
Le corps de l’activiste avait été retrouvé le lendemain [du rendez-vous avec Numbi] dans sa voiture à la périphérie de Kinshasa. Son chauffeur, Fidèle Bazana, qui l’avait accompagné, a depuis disparu et son corps n’a jamais été retrouvé.
Depuis les aveux de ces policiers, plusieurs ONG de défense de droits de l’homme appelaient à l’arrestation du général John Numbi, considéré comme celui qui a planifié cet assassinat.

Econews