Félix Tshisekedi et la refondation de la presse : «Plus rien ne sera comme avant»

Entre le Gouvernement et les professionnels des médias, un nouveau pacte a été scellé au terme de la tenue à Kinshasa des états généraux de la communication et médias. Si les professionnels des médias ont pris l’engagement de mettre de l’ordre dans leur secteur par un important travail de « salubrité médiatique », les pouvoirs public se sont engagés, à leur tour, à leur accorder toute son assistance pour la refondation de la presse congolaise. Motif de fierté pour Patrick Muyaya Katembwe, ministre de la Communication et Médias, grand artisan, qui a réussi à briser les conflits intergénérationnels qui minaient le secteur en amenant les professionnels des médias à parler d’une seule voix.

C’est dans une ambiance de gaieté que se sont clôturés samedi à l’espace Kemesha les états généraux de la communication et médias. Du 25 au 28 janvier 2022, les professionnels des médias ont engagé des discussions pour remettre de l’ordre dans un secteur en pleine mutation au regard de la percée de Nouvelles technologies de l’information et de la communication. Ces assises étaient d’autant plus importantes que le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a tenu à présider personnellement la cérémonie d’ouverture et de clôture.

Vendredi à la clôture de ce forum, supposé inaugurer un nouveau départ dans le secteur, le Président de la République a donné toutes les garanties de sa ferme volonté de soutenir la renaissance de la presse congolaise, promettant d’instruire le Gouvernement à se mettre à l’œuvre pour se pencher sur les recommandations issues des états généraux de la communication et médias.

Il s’est félicité de la prise de conscience dont ont fait preuve les professionnels des médias durant ces assises. «Ma joie est d’autant plus grande car de cette ‘salubrité’ médiatique que j’évoquais de manière taquine, vous avez répondu par des recommandations que j’estime concrètes et faisables. Nous ne pouvons que nous réjouir de l’effort visible pour une conscience renouvelée et désormais orientée vers la protection des valeurs sacrosaintes de la République », a indiqué le Chef de l’Etat.

Aucune démocratie ne peut prospérer sans une presse libre. Le Chef de l’Etat est conscient de cette évidence. «Sans une presse libre, la démocratie et l’État de droit ne sont qu’un leurre», a-t-il déclaré. Aussi, a-t-il rassuré les professionnels des médias à compter sur son implication pour défendre l’indépendance de la presse.

Si l’Etat congolais se tient prêt à soutenir le secteur des médias, Félix Tshisekedi a, en retour, appelé les professionnels des médias à plus de responsabilité. «Il nous faut une presse responsable. On doit guérir le pays de la désinformation et casser cette inadéquation entre le dire et le faire», a-t-il dit.

La presse congolaise doit se réinventer pour ne pas rater le train de la révolution numérique, a fait remarquer le Président de la République. Et d’ajouter : «Nous ne pouvons formuler une quelconque ambition de puissance dans ce pays sans avoir des médias puissants qui la porte et la soutienne. Je m’assurerai donc que le Gouvernement s’emploie, dans la mesure du possible, à faire sa part dans l’exécution de vos recommandations. Cela vous exige de rester solidaires et de jouer collectif pour concrétiser ce que vous avez coulé sur le papier ». 

Pour le Président de la République, il est temps pour les médias congolais de s’inscrire dans une nouvelle dynamique. «Il est dorénavant certain que plus rien ne sera comme avant. Maintenant que nous disposons d’une boussole qui nous guide et que chaque structure connaît son rôle, il est, je le répète encore une fois, temps de remplacer le dire par le faire ». 

Patrick Muyaya, un homme comblé

Pari gagné pour Patrick Muyaya qui aura réussi, depuis la dernière loi de 1996 régissant le secteur des médias, à donner l’occasion à ce secteur de se réformer. Bien plus, ces états généraux ont permis de rapprocher les clivages qui sont apparus après le congrès de l’UNPC à Muanda, dans le Kongo Central.

Selon le ministre Mu-yaya, ces états généraux ont donc bénéficié du dialogue intergénérationnel au cours duquel, «les anciens et les nouveaux acteurs des médias ont sérieusement échangé pour dégager des pistes de solutions, dans le but d’avoir des médias crédibles et respectables».

Il reconnaît cependant qu’après ces assises, le plus dur commence, un «véritable challenge», celui de l’après-états généraux. «Car, vos recommandations n’ont pas vocation à être rangées dans les tiroirs de mon ministère ni – NTIC obligent – à être conservées dans vos flash disk », a-t-il ironisé. A cet effet, il s’est proposé d’obtenir du Premier ministre « la mise en place de l’organe chargé de la mise en œuvre du suivi et de l’évaluation de différentes recommandations intervienne dans un bref délai ».

Avec la pile de recommandations qui vont des réformes du cadre légal à la définition de la politique nationale de communication en passant par la viabilité économique des médias, Patrick Muyaya pense dispose d’«outils du redémarrage» du secteur à l’ère du numérique.

Les professionnels des médias peuvent compter sur l’accompagnement du Gouvernement. «D’ores et déjà, vous pouvez compter sur le Gouvernement que dirige son Excellence le Premier Ministre, Jean-Michel Sama Lukonde pour le nécessaire assainissement du paysage médiatique, que dis-je, communicationnel congolais», a-t-il promis.

Le plus important est qu’au terme des états généraux, Gouvernement et professionnels des médias, regardent désormais dans la même direction.

C’est un nouveau départ. Patrick Muyaya y croit fermement : «Nous venons d’agir, agissons et continuons d’agir, avec les Institutions publiques, pour opérer des changements profonds dans notre secteur et accompagner le développement de notre pays. Avant Nganda ne sera pas égal à l’après Nganda. Car, la tenue de ces assises a démontré la capacité de transcendance de nos journalistes et professionnels des médias, le dépassement pour l’intérêt commun ».

L’essentiel des recommandations

Les rapports de différentes commissions ont été présentés au Chef de l’Etat, avant de proposer des solutions, en vue de redorer le blason terni de la presse congolaise et de tracer de nouvelles lignes à suivre, pour des médias responsables, véritable quatrième pouvoir en RDC.

Les professionnels des médias réunis au Centre catholique Nganda ont notamment défini, à travers 36 recommandations formulées, la nouvelle politique nationale de la communication et des médias ainsi que les ressources humaines et matérielles, l’exercice rationnel et efficient de la liberté de la presse ainsi que la dépénalisation des délits de presse et le moratoire (avant l’adoption et la promulgation de la nouvelle loi).

D’autres recommandations ont eu trait aux arrestations des journalistes; à la création d’entreprises de presse fiables, à la redynamisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC), l’autorité de régulation, ainsi qu’à la suppression des taxes de diffusion.

La réduction, si possible, jusqu’à 50% de la redevance des médias, le recrutement objectif du personnel des médias, le rééquipement des médias publics et le recours aux experts des médias pour le développement à la base des 145 territoires ont été également recommandés, de même que la proposition de création d’un «Ordre national du journaliste».

Placés sous le haut patronage du Président de la République, Félix Tshisekedi, ces états généraux de la communication et médias ont été placés sous le thème «Médias congolais : Quelles perspectives à l’ère du numérique face au développement durable ». Ces assises viennent après les états généraux de 1996 qui ont abouti à la promulgation de la loi qui régit jusqu’à ce jour l’exercice de la liberté de la presse en RDC.         

Après 26 ans, il était plus que temps d’apporter un nouveau souffle.

Francis M.