Force de la SADC : des raisons de douter

Après avoir ouvert grandement les frontières de la République Démocratique du Congo aux troupes de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC), le Chef de l’Etat, Félix-Antoine Tshisekedi Tshisekedi, se dit avoir été trahi par une force régionale qui joue le jeu des terroristes du M23. Depuis lors, le Président de la République mène une opération de charme vers les pays de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe). Après avoir été lundi à Windhoek (Namibie), Félix Tshisekedi a mis le cap sur Gaborone (Botswana). Si la SADC a levé l’option de déployer ses troupes dans l’Est de la RDC, interrogé sur France 24, l’Angolais Joao Lourenço qui promet d’envoyer 500 militaires dans cette partie de la RDC, a tenu à lever quelques équivoques. Selon lui, la force de la SADC devrait s’inscrire dans le schéma des troupes de l’EAC, ajoutant qu’il incombe aux autorités congolaises de se préparer pleinement à défendre leur territoire. Une déclaration qui devait tempérer les ardeurs de Kinshasa qui pense substituer la force régionale de l’EAC aux troupes de l’EAC. Autrement dit, entre les troupes de l’EAC et de la SADC, c’est déshabiller Saint Paul pour habiller Saint Pierre.
A Kinshasa, la force régionale de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est) ne rassure plus. La nouvelle option est de se tourner vers la SADC, longtemps marginalisée par le Président de la République, Félix Tshisekedi, au profit de l’EAC.
Enfermé dans le piège de l’Est, Kinshasa pensait s’en défaire avec l’aide des troupes membres de l’EAC, dont le Rwanda, pays agresseur de la RDC. A ce jour, Kinshasa ne cache plus sa déception face à une force régionale de l’EAC, jugée passive, flirtant, selon Kinshasa, avec les terroristes du M23.
En séjour à Gaborone, au Botswana, après avoir obtenu, lundi à Windhoek (Namibie), le déploiement des troupes de la SADC dans l’Est de la RDC, Félix Tshisekedi a véritablement craché sur la force régionale de l’EAC.
«Le secrétaire général de l’EAC avait demandé une prolongation de six mois. La RDC n’a accordé que trois mois qui ira jusqu’au mois de juin. Ce nouveau délai sera assorti d’une évaluation de la situation. Manifestement, il y a des problèmes avec cette force régionale. La première raison qui nous pousse a nous poser des questions, c’est le rôle assigné à cette régionale qui n’est pas rempli. Il y a dans certaines régions, une cohabitation observée entre les contingents de la force régionale et les terroristes du M23. Cela n’était pas prévu au programme. Il était question de contraindre ces forces du M23 au cessez-le-feu, au retrait et au cantonnement », a dit, mardi à Gaborone, le Président Félix Tshisekedi, lors d’une conférence de presse.

La page EAC est presque tournée, mais…
A première vue, Kinshasa semble avoir tourné la page EAC, en retirant sa confiance de sa force régionale. C’est finalement avec les troupes de la SADC qu’il pense convoler en noces. Mais, pour combien de temps ? Et dans quel contexte ?
En tout cas, à Kinshasa, on est convaincu que les troupes de la SADC vont disposer d’un mandat plus offensif aux fins d’imposer la paix en contraignant les terroristes du M23 à se rendre.
Si la RDC voit les choses de cette manière, c’est loin de la perception de certains pays membres de la SADC, dont l’Angola qui se prépare à envoyer environ 500 militaires sur le terrain opérationnel de l’est-congolais.

Le recadrage de Lourenço
Au cours d’un entretien accordé à deux médias français ce 8 mai, le président angolais João Lourenço a exprimé son sentiment après la décision prise par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) lors du sommet des chefs d’Etat tenu le même jour à Windhoek, capitale de la Namibie, et au cours duquel il a été convenu de l’envoi dans l’Est de la République démocratique du Congo d’une force militaire dans une énième tentative du rétablissement de la paix dans cette partie de la RD Congo partiellement occupée par la rébellion du M23 soutenue par l’armée rwandaise.
D’emblée, le Chef de l’Etat angolais, médiateur désigné de l’Union africaine dans le conflit, a déclaré que «le M23 respecte le cessez-le-feu» décrété à Luanda le 7 mars. Et que si l’étape suivante, celle du cantonnement, tarde à être concrétisée, c’est le fait du Congo lui-même.
A la question de savoir si la région pourrait assister à une confrontation directe entre la RD Congo et le Rwanda, João Lourenço dit «ne pas voir les choses comme ça […] Nous sommes optimistes quant au désarmement prochain du M23, mais il faut que les autorités congolaises tiennent leurs engagements, et que le calendrier du processus soit raccourci. Malheureusement, cela ne se passe pas ainsi».
Soulignant l’implication du chef de l’Etat congolais dans les efforts tendant à rétablir la paix dans son pays, le numéro 1 angolais a confirmé la permanence de ses contacts entre eux, Félix Tshisekedi se rendant même régulièrement à Luanda.
Mais dans la conclusion de l’entretien que résident des raisons de douter de l’efficacité sur le champ des opérations de la mission militaire de la SADC à déployer prochainement dans l’Est de la RDC. A la question de savoir ce qu’il pense du président Kagamé accusé de maintenir ses troupes sur le sol congolais sous le couvert d’une fausse rébellion, João Lourenço maintient qu’il n’existe, à sa connaissance, aucune plainte contre lui. «C’est d’ailleurs le président Kagamé qui avait facilité mes contacts avec le M23 dont les dirigeants sont venus à Luanda début mars. Pour être honnête, il est animé de bonne volonté. Je n’ai rien à lui reprocher». C’est tout dit.
Déclaration qui en a fait bondir plus d’un à Kinshasa, où les plus sceptiques doutent déjà de la matérialisation du mandat offensif prétendument confié au futur contingent international de la SADC. L’opinion congolaise qui est par ailleurs préoccupée par les conditions de la cohabitation entre les forces d’Afrique australe et d’Afrique de l’Est dont Kinshasa hésite à se défaire malgré le coup de froid entre Nairobi et Kinshasa à la suite de la démission du général commandant kényan la force de l’EAC.

Econews