A trois jours de l’ouverture des assemblées annuelles de l’Onu, son Secrétaire général, le Portugais Antoni Guterres, a fait une déclaration stupéfiante. Antonio Guterres a justifié l’inaction, voire la paralysie de la force onusienne déployée en RDC, par les fortes capacités militaires des terroristes du M23 qui dépasseraient, selon lui, et de loin les moyens dont dispose la Monusco. Une déclaration qui apporte de l’eau au moulin des partisans du départ de la mission onusienne après 23 ans d’une présence jugée improductive. En franchissant le Rubicon, le SG des Nations Unies a vidé le peu de crédit qu’il restait encore à la Mission onusienne. Partout en RDC, la Société civile et les mouvements citoyens promettent d’intensifier les actions pour le départ sans délai de la Monusco. En voulant protéger le Rwanda, pays agresseur de la RDC, Guterres a tiré à bout portant sur la Monusco.
La marmite est tellement pleine que le secrétaire général des Nations unies n’a pu se retenir. Antonio Guterres a déclaré à haute et intelligible voix que les Casques bleus ne sont pas en mesure de mettre un terme à la rébellion du M23. La raison avancée est que cette rébellion dispose des armes sophistiquées venues de nulle part. Un aveu d’impuissance qui confirme les craintes des populations congolaises de l’Est de la République Démocratique du Congo.
Entre la Monusco (Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République Démocratique Congo) et la population civile, le désaccord est total. Tout récemment, des manifestations ont eu lieu faisant une trentaine de morts. Quatre Casques bleus ont été également tués lors de ces manifestations.
Avec un peu de recul et en écoutant le SG des Nations Unis vanter la capacité de feu du M23, tout en épargnant superbement le Rwanda, son principal soutien, on se rend bien compte que les populations n’avaient donc pas tort de manifester contre l’ONU.
Les Casques bleus sont face à plus forts qu’eux et donc incapables de faire quoi que ce soit, avoue le patron de l’ONU. Il est tout aussi d’avis que le M23 est une «armée moderne» avec des armes qui viennent de quelque part. Chose impensable, le secrétaire général de l’ONU est terrorisé à l’idée de citer le nom du fournisseur du M23. Un secret de polichinelle dans la mesure où même un élève du primaire sait que c’est le Rwanda qui finance, pilote et agresse la RDC à travers le M23.
Guterres le sait. Derrière le Rwanda, il y a les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada. Des milieux d’affaires anglo-saxons tapis dans l’ombre sont à la manœuvre depuis près de 30 ans dans la partie Est de la RDC. Le pillage systématique des ressources naturelles congolaises explique la déstabilisation de ce géant. Ce qui est incompréhensible reste que ces puissances planétaires ont le loisir de s’engager avec la RDC et exploiter proprement les ressources naturelles congolaises. Pourquoi n’empruntent-elles pas cette voie officielle ? Difficile à comprendre.
Le Président Tshisekedi, qui l’avait compris tôt, avait tout donné aux agresseurs. Malgré tout, Kigali et Kampala estiment que Kinshasa doit renoncer à des pans entiers de son territoire. Une ligne rouge qu’aucun dirigeant congolais, qu’aucun Congolais n’acceptera de franchir quelles que soient les contraintes. Apparemment, les Anglo-saxons ont fait du temps leur allié. Après plusieurs tentatives sans succès d’imposer la partition de la RDC, ils laissent couler le temps pour de nouvelles tentatives. Et dans ce jeu macabre, c’est l’ONU qui assure le service après-vente.
Aveu d’impuissance
D’ailleurs, ce n’était pas la première fois qu’un haut responsable des Nations Unies tentait de couvrir l’inefficacité des Casques bleus déployés en République démocratique du Congo depuis décembre 1999. Le 29 juin, la représentante spéciale du Secrétaire général de l’Onu et cheffe de la Monusco, Bintou Keita, déclarait devant le Conseil de sécurité des Nations Unies que les rebelles du M23 qui venaient de s’emparer de la cité de Bunagana se comportaient en armée conventionnelle, équipée d’armes et d’une logistique sophistiquées nettement supérieures à celles dont dispose la force onusienne.
Son porte-parole répétera les mêmes propos deux semaines plus tard, ce qui lui vaudra d’être déclaré persona non grata par les autorités congolaises et sommé de quitter le territoire. Mais qu’Antonio Guterres reprenne à son compte cette déclaration, est la démonstration au plus haut niveau d’un aveu d’impuissance, consacrant par-là l’échec de la mission onusienne. La seule issue à la crise consiste, selon lui, à la tenue de négociations tripartites impliquant la RDC, le Rwanda et le M23.
Or, si par l’absurde, ces rencontres devaient se tenir, et à supposer que le Rwanda se résout à retirer ses troupes de Bunagana, il se posera la question du statut ultérieur des éléments du M23 qui auraient déposé les armes. Il sera alors hors de question pour Kagamé de ramener sur son sol les antagonistes d’un conflit qu’il a toujours traité de congolo-congolais. Paul Kagamé aura beau jeu de refiler la patate chaude à Kinshasa qui a rétrogradé le M23 au rang de mouvement terroriste.
On mesure dès lors le casse-tête qui en résulterait, entre une intégration des rebelles dans l’armée nationale et la police, ou le désarmement pur et simple suivi d’un cantonnement avant leur réinsertion dans la vie civile. Opération qui, à maintes reprises, a montré ses limites.
A propos de l’armement du M23 qui semble effrayer les Casques bleus, Antonio Gutteres a ajouté qu’elles devaient bien venir de «quelque part», pas d’une forêt ! Sans mentionner le soutien du Rwanda, il a néanmoins reconnu implicitement que les rebelles devaient bénéficier d’un soutien solide qui ne peut provenir que d’une armée puissante. En l’occurrence celle du Rwanda voisin.
Dès lors que le numéro 1 de l’Onu estime que la force déployée en RDC est devenue inopérante, il va de soi que l’impératif de son retrait n’en devient que plus évident. Les violences vécues ces dernières semaines à Goma, Beni et Butembo où des installations de la Monusco ont été pillées par des foules en furie, exigeant le départ de la force onusienne, viennent conforter la position de tous ceux qui, de longue date, ont plaidé en faveur de son retrait.
En réaction, la Nouvelle société civile congolaise (NSCC) suggère, dans un communiqué rendu public ce mardi, « au gouvernement de prendre toutes les dispositions nécessaires pour faciliter le départ de la Monusco du sol congolais, défendre nos frontières et sécuriser la population en détresse face à ce complot à peine voilé».
Depuis la sortie hasardeuse du Secrétaire général de l’Onu, la Toile s’est enflammée. Des avis contrastés dominés par la nécessité pour le gouvernement à compter d’abord sur ses propres forces armée dans sa mission de rétablir la paix. Certains allant jusqu’à ressortir une vieille vidéo où l’on entend le président ougandais Yoweri Museveni affirmant que le recours à des forces étrangères n’a jamais permis nulle part de ramener une paix définitive. Il faut compter sur ses propres forces.
Médiation discrète de la France
C’est sur ces entrefaites que le magazine Jeune Afrique révèle que la France serait en train de mener une médiation dans la crise entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Des responsables des services de renseignement congolais, rwandais et ougandais se seraient rendus ces derniers jours à Paris au siège de la Direction générale des renseignements extérieurs (DGSE). Cette discrète médiation intervient alors que le déploiement de la force régionale de la Communauté des États de l’Afrique de l’Est se fait toujours attendre.
Des contingents burundais ont pris position au Sud-Kivu mi-août et, selon une source impliquée dans le projet, poursuit Jeune Afrique, des éléments de l’armée kényane doivent être prochainement déployés à Goma où sera installé le quartier général de la force. L’Angola et le Kenya entendent également poursuivre les concertations interrompues pour causes des élections législatives et présidentielles, dans ces deux pays.
Econews