Hausse des salaires dans la Fonction publique : le FMI pose son veto

Lundi, la mission du FMI était en réunion autour du Premier ministre

C’est décidément une mauvaise nouvelle qui tombe pour tous les agents et cadres de l’administration publique de la République Démocratique du Congo. Alors que le front social grogne avec des revendications salariales des enseignants de l’EPST, des professeurs de l’ESU et des médecins des hôpitaux publics, le Gouvernement pourrait être buté à une autre difficulté, indépendamment de sa bonne volonté. Certes les recettes de l’Etat sont en hausse depuis un temps, mais le Fonds monétaire international, lié à un programme triennal avec la RDC conclu en juillet 2021, a prévenu qu’il ne tolèrera aucune hausse des salaires – en tout cas, pour le moment – au sein de l’administration publique. Pour ne pas franchir cette ligne rouge, le Gouvernement n’a qu’une solution : assainir le fichier «paie de l’administration publique» en élaguant le plus possible des doublons et des fictifs. Un travail qui ne va se terminer de sitôt. Par conséquent, toutes les promesses de revalorisation salariale des enseignants, des professeurs et des médecins, bref de toutes la Fonction publique, attendront. Jusqu’à ce que le FMI aura levé son veto.
Lié avec le Fonds monétaire international (FMI) dans le cadre d’un programme triennal conclu en juillet 2021, le Gouvernement est astreint à un certain nombre de contraintes. S’il a la bonne foi dé revaloriser les salaires des agents et cadres de l’administration publique ainsi que d’autres corps de métier qui émargent au budget de l’Etat, il n’a pas cependant les mains libres. Car le FMI veille sur tout, prêt à poser son veto.
Ce qui se passe autour des salaires des agents et cadres de l’administration publique. On se rappelle qu’après une période très agitée, le Gouvernement a engagé des négociations aussi bien avec les enseignants du secteur public de l’EPST, des professeurs de l’ESU ainsi que des médecins des hôpitaux publics.
Au terme des échanges, le Gouvernement a finalement adopté le principe de revalorisation salariale des uns et des autres pour contenir la grogne sociale. Il y a cependant une question qui taraude les esprits : où trouver ce surplus de ressources nécessaires pour faire face à l’accroissement de ces rémunérations ? Sans doute, dans le budget de l’Etat. Or, dans le contexte d’un programme formel avec le FMI, le Gouvernement n’a pas les mains libres. Rien de ce qui touche aux finances publiques ne peut se faire sans son aval. Ce qui complique finalement l’équation pour l’exécutif central.
Entre le Gouvernement et le FMI, des discussions sont très avancées, alors qu’une mission du département Afrique du FMI se trouve à Kinshasa dans le cadre de la troisième revue du programme triennal.

Le satisfecit du FMI
Lundi dernier, la mission du FMI s’est entretenue avec le Premier ministre. De cette réunion l’on retient que la cheffe de mission du FMI s’est félicitée de belles performances qu’aligne la RDC qui affiche de belles statistiques, couvrant le Gouvernement des éloges.
«Nous avons eu une séance de travail avec Son Excellence Monsieur le Premier Ministre. C’est une discussion constructive sur les défis relatifs au maintien de la stabilité macroéconomique au niveau du pays. Les résultats pour 2022, on sait que l’économie de la RDC a fait montre d’une résilience significative due aux choix stratégiques très importants. On peut avoir une croissance plus haut, en ce moment, au-dessus de 5,5 % cette année. Pour l’année prochaine, il y a plus d’incertitude au niveau de la situation globale. Mais nous pensons qu’avec les réformes entreprises pour l’amélioration du climat des affaires et dans la gestion des finances publiques, l’économie de la RDC peut continuer à montrer la résilience au niveau de la croissance, avec son secteur minier qui est très fort », a déclaré Mme Mercedes Vera Martin, cheffe de mission.
La représentante du FMI a, par ailleurs, salué les réformes entreprises pour l’amélioration du climat des affaires et dans la gestion des finances publiques, estimant que, nonobstant des risques dus à des facteurs exogènes sur les prix des matières premières, l’économie de la RDC est « sur la bonne voie pour montrer encore plus de résilience malgré la situation mondiale globale peu reluisante ».
Selon elle, si la RDC a pu maintenir sa croissance économique au-dessus de 5,5 % pour l’année 2022, c’est à la faveur de ses bons choix stratégiques et d’un secteur minier toujours plus performant.
Ces choix stratégiques, c’est particulièrement cette bonne gestion des finances publiques pour ne pas créer des déséquilibres dans un cadre macroéconomique relativement stable. Aussi, le FMI a-t-il invité le Gouvernement à se montrer plus prudent dans la hausse des salaires au sein de l’administration publique.
Vendredi en Conseil des ministres, le ministre des Finances l’a rappelé dans des termes explicites, au regard de dernières discussions de Washington, engagées avec les services du FMI, en marge des assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI.
S’adressant au Conseil des ministres, Nicolas Kazadi, ministre des Finances, a indiqué que les services du FMI ont soulevé «une inquiétude par rapport à la masse salariale et son manque de prévisibilité d’autant plus que son évolution peut porter un risque majeur sur la soutenabilité budgétaire en cas de retournement de la conjoncture». Et d’ajouter : «A ce sujet, le Conseil des ministres a convenu de clarifier et de renfoncer le rôle du Ministère en charge de la Fonction publique pour tout acte ayant une incidence sur la masse salariale des agents et fonctionnaires de l’Etat».
Lundi, dans le briefing hebdomadaire qu’il a coanimé avec le porte-parole du Gouvernement, Patrick Muyaya, Nicolas Kazadi a reconnu la difficulté de répondre aux nombreuses revendications salariales au sein de l’administration. Dos au mur, il appelle à une «responsabilité collective» pour ne pas perturber les principaux agrégats du cadre macro-économique.

Dilemme
A tout prendre, le Gouvernement se retrouve devant un dilemme. Quoi faire ? Faut-il se plier aux exige-nces du FMI? C’est cela le principe pour rester dans le cadre des engagements conçus avec le FMI. Le revers, c’est malheureusement la grogne qui risque de s’amplifier sur le front social, au regard de nombreuses promesses de revalorisation salariale faites aux uns et autres.
C’est dire que le problème est bien réel. Pour l’instant, le Gouvernement espère dégager des économies nécessaires avec l’assainissement du fichier «paie de la Fonction publique» pour affecter des fonds ainsi dégagés dans la hausse des salaires des enseignants, des professeurs et des médecins. Et en embuscade, d’autres agents et cadres de l’administration publique s’attendent aussi à un même traitement.
Autrement dit, en concluant formellement avec le FMI, la RDC a sensiblement amélioré sa crédibilité financière sur le plan international. Mais, il y a un prix à payer qui n’est autre que ce suivi régulier des comptes publics de l’Etat par les équipes du FMI.
Pour l’instant, une chose est sûre : il n’y aura pas de hausse de salaires dans la Fonction publique tant que le FMI n’aura pas levé son veto.

Econews