« Il n’y a pas de mauvaise troupe, il n’y a que de mauvais chef »

Palais de la nation à Kinshasa. Radio Okapi/Ph. John Bompengo

«Ce qui laisse transparaître un sentiment d’échec du premier mandat du Président Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo », soutient un analyste politique, « n’est pas de son fait, mais de son entourage méritoirement médiocre. » Or, les philosophes politiques de l’histoire nous enseignent qu’« il n’y a pas de mauvaise troupe. Il n’y a que de mauvais chef ». Tribune.

A son avènement au pouvoir suprême le 24 janvier 2019, le nouveau Président de la République et Chef de l’Etat, son Excellence Monsieur Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, trouve un pays en profonde crise multidimensionnelle et multisectorielle depuis plusieurs décennies. Cette crise s’enracine dans le régime Mobutu. Une crise que même le plus grand des génies politiques ne peut, en trois ans de pouvoir seulement, dont deux ans compliqués passés en compagnie du camp politique de son prédécesseur, enrayer en un revers de la main.

Par ailleurs, je comprends que le Peuple ordinaire, qui ne trouve pas son compte pendant que le nouveau Président chante « Le Peuple d’abord », mette tous ses malheurs et déboires sur la tête de ce dernier. Cependant, attribuer ce sentiment d’échec du premier mandat du Président Tshisekedi uniquement «à son entourage méritoirement médiocre », me paraît incorrect, infondé et injuste. D’où, ma présente intervention.

DES QUESTIONS PERTINENTES

Le Peuple souverain rd-congolais souffrirait-il atrocement à cause de mauvais conseillers qui entoureraient le Président de la République parce qu’ils ne seraient pas essentiellement de vrais militants de l’UDPS, mais plutôt des aventuriers venus de la diaspora, des mobutistes, des kabilistes et des mafiosi ? Peut-être… Mais, les philosophes politiques de l’histoire nous enseignent qu’il n’y a pas de mauvais conseiller. Il n’y a plutôt que de mauvais chef. Car, c’est le chef qui se choisit ses conseillers, selon la politique qu’il entend mener et les critères de choix qu’il s’impose, afin d’atteindre les résultats qu’il escompte. Les conseillers émanent, de ce fait, du chef. Prétendre le contraire serait plutôt une diversion.

Le Souverain primaire rd-congolais pataugerait-il dans une misère indescriptible à cause de mauvais ministres qui ne seraient pas, dans leur écrasante majorité, de l’UDPS, mais plutôt des aventuriers venus de la diaspora, des mobutistes, des kabilistes et des mafiosi ? Peut-être…Mais, les philosophes politiques de l’histoire nous apprennent qu’il n’y a pas de mauvais ministre. Il n’y a plutôt que de mauvais chef. Et ce chef c’est, soit le chef de l’Etat, soit le chef de gouvernement. Car, c’est l’un ou l’autre de ceux-ci qui sélectionne ses ministres, d’après la politique qu’il veut appliquer et les critères de nomination qu’il s’impose. En vue de réaliser les résultats attendus. Les ministres sont, dans le fond, les émanations soit du Président de la République, soit du Premier ministre-chef du gouvernement. Prétendre le contraire serait plutôt une diversion.

Le Peuple rd-congolais, le véritable mandataire des politiques, serait-il victime de mauvaises lois votées par l’Assemblée nationale et le Sénat parce que les présidents respectifs de ces deux chambres parlementaires ne sont pas des militants de l’UDPS, mais plutôt des mobutistes, des kabilistes et des mafiosi ? Peut-être… Mais, les philosophes politiques de l’histoire nous rappellent qu’il n’y a pas de mauvais législateur. Il n’y a plutôt que de mauvais chef suprême. Car, en RD-Congo particulièrement, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat sont généralement ceux dont le chef suprême désigne officieusement avant leur élection officielle respectivement par les députés et les sénateurs.

En tenant compte, bien sûr, de sa politique et de ses critères de choix pour aboutir aux résultats qu’il espère.  En plus, c’est ce même chef suprême qui promulgue ces lois, autorisant ainsi leur mise en vigueur. Le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat sont en réalité, dans ce contexte, les émanations du Président de la République et Chef de l’Etat. Prétendre le contraire serait plutôt une diversion.

Le Peuple rd-congolais subirait-il de criantes injustices de la part des magistrats parce que ceux-ci seraient généralement des mobutistes, des kabilistes, des corrompus et des mafiosi ? Peut-être… Mais, les philosophes politiques de l’histoire nous disent qu’il n’y a pas de mauvais magistrat. Il n’y a plutôt que de mauvais magistrat suprême. Car, c’est le magistrat suprême qui nomme officiellement, en se référant à sa politique et à ses propres critères de nomination, le président de la Cour constitutionnelle, le président de la Cour de cassation, le président du Conseil d’Etat, etc, et les procureurs généraux près ces très hautes juridictions. Tous ces très hauts magistrats sont incontestablement, en Rd-Congo particulièrement, les émanations du Président de la République et Chef de l’Etat. Prétendre le contraire serait une diversion.

Les entreprises et services publics seraient-ils saignés à blanc parce que leurs directeurs généraux ne seraient généralement pas de l’UDPS, mais plutôt des aventuriers de la diaspora, des mobutistes, des kabilistes, des corrompus et des mafiosi ? Peut-être… Mais, les philosophes politiques de l’histoire nous répondraient qu’il n’y a pas de mauvais directeur général des entreprises et services publics. Il n’y a plutôt que de mauvais détenteur du pouvoir de nomination des mandataires publics. Et ce, en fonction de la politique publique et des critères de choix qu’il s’impose afin d’atteindre les résultats qu’il souhaite. Les directeurs généraux des entreprises et services publics sont, dans le fond, le reflex du détenteur du pouvoir de nomination. Prétendre le contraire serait une diversion.

LA POLITIQUE DU PRESIDENT

Certes, le Président de la République et Chef de l’Etat n’est pas Dieu. Il lui est quasiment impossible de connaître en détail chacun de ses collaborateurs à tous les niveaux et dans tous les secteurs. Mais, les philosophes politiques de l’histoire objecteraient qu’en tant qu’architecte social attitré de la politique qu’il conduit, le Président de la République est le responsable numéro 1 de la situation du pays à tous les niveaux et dans tous les domaines.

D’où se pose le problème de la viabilité, de l’efficacité et de la performance de sa politique d’administration et de gestion du pays. Existe-t-elle ? Le Président de la République dispose-t-il d’un programme politique digne de ce nom ? Quels sont, à court, à moyen et à long terme, les objectifs spécifiques qu’il s’est assignés dans tous les secteurs ? Quelles stratégies s’est-il choisies pour atteindre ces objectifs ? Quels sont les résultats obtenus par rapport aux résultats escomptés ? Ces résultats sont-ils globalement positifs, mitigés ou négatifs et pourquoi ? Quel impact ces résultats ont-ils produit sur le social de la population ? Les hommes et femmes que le Président de la République a placés à tous les postes stratégiques et à tous les autres postes de responsabilité sont-ils performants ? Dans le fond, toutes ces questions peuvent se résumer en une seule et unique question fondamentale : Le Président de la République assume-t-il un leadership actif, stratégique et clairvoyant susceptible de booster et de faire réussir sa politique d’administration et de gestion du pays ?

ENDOSSER LES RESULTATS

La coalition politique actuellement au pouvoir compte, en son sein, un certain nombre d’éminents experts dans tous les domaines. Ceux-ci sont en mesure d’analyser profondément et objectivement la situation du pays. Ils sont aussi susceptibles de proposer de nouvelles méthodes, techniques et stratégies de sortie de crise à partir des réponses sincères et viables découlant des questions ci-dessus posées. Et ce sont ces réponses qui indiqueraient au Président de la République la voie à suivre pour mieux réajuster sa politique au cours des deux ans qui lui restent et de mieux préparer les échéances électorales de décembre 2023.

S’il lui faudrait, au préalable, remanier en profondeur son cabinet politique, le gouvernement central ou l’une ou l’autre des institutions publiques, il ne pourrait objectivement se baser que sur les résultats concrets que sa politique publique aurait produits durant les trois premières années de son quinquennat. Bons, mitigés ou mauvais, il devra avoir le courage d’assumer et d’endosser ces résultats. S’il s’hasardait à les imputer à son seul entourage qualifié de «méritoirement médiocre » ou à ses seuls collaborateurs comme le lui suggèrent certains de ses laudateurs sans scrupules, ce serait la super diversion qui risquerait de confirmer, à ses propres dépens, le dicton selon lequel « il n’y a pas de mauvaise troupe. Il n’y a que de mauvais chef ». Mais, l’homme, conscient de ce qu’il veut devenir, est volontiers perfectible.

MUSENE SANTINI BE-LASAYON