Insécurité dans l’Est, dysfonctionnements à la Ceni… : le report des élections à l’ordre du jour

Le ton en a été donné en deux temps. D’abord à la tribune de la 52ème session du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies à Genève, le président de la République démocratique du Congo s’est exprimé sans fioritures : la persistance de la guerre dans l’Est de son pays risque d’hypothéquer la tenue des élections générales (dont la présidentielle) prévues en décembre 2023. Félix Tshisekedi l’a ensuite répété devant ses compatriotes vivant en Suisse : la poursuite de la guerre, imputable en partie au double-jeu de la communauté internationale incapable d’exercer des pressions significatives sur le président rwandais afin de l’amener à retirer le soutien de l’armée de son pays au M23, en raison du déplacement massif des populations des zones des combats, de l’insécurité et de l’inaccessibilité à ces zones risque de renvoyer à une date difficile à prévoir la tenue des scrutins.
La déclaration de Félix Tshisekedi ne procède pas du simple hasard. Le report des élections était dans l’air de longue date. A l’UDPS, son parti politique, et dès les premiers mois de son accession au pouvoir, il n’était fait aucun secret de la volonté de se pérenniser au pouvoir. Certains, parmi les plus radicaux, allant jusqu’à évoquer l’organisation des élections au milieu des années 2030. Tandis que le camp des modérés exprimait plutôt la probabilité de périodes de transition élastiques et indéfiniment renouvelables. Ce qui revient au même.

Le M23 pour prétexte
La réapparition du mouvement rebelle du M23, pourtant entièrement défait en 2013 et cette fois soutenu en hommes et logistique par l’armée rwandaise, est venue offrir un prétexte en or aux tenants de la pérennisation du pouvoir de Félix Tshisekedi.
Après la perte de la cité frontalière de Bunagana et l’occupation de plusieurs localités de la province du Nord-Kivu, il était devenu évident que l’opération du déploiement du matériel en vue de l’enregistrement et l’enrôlement des électeurs devenait une gageure quasiment impossible à relever, malgré la présence de la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est peu prompte à passer à l’offensive.
La multiplication des initiatives diplomatiques (processus de Luanda, de Nairobi I,II,III); les appels à la communauté internationale et des timides condamnations du Rwanda de la part de cette dernière n’ont pas fait bouger les lignes. Au contraire, l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 se déploient au jour le jour et ne semblent pas prêter une quelconque attention aux menaces de Kinshasa qui privilégie la voie diplomatique dans la résolution de la crise.

Ballon d’essai ou volonté affirmée
L’on aurait tort de croire que la déclaration de Félix Tshisekedi lors de son séjour helvétique était un simple ballon d’essai destiné à jauger une opinion du reste résignée. Cependant, les positions affichées par ses nouveaux alliés ne laissent pas place au doute.
Le député Lambert Mende, naguère thuriféraire parmi les plus féroces d’un kabilisme triomphant, passé depuis dans le camp tshisekediste, a déclaré que «la priorité pour les Congolais aujourd’hui devrait être celle de trouver des voies et moyens d’en finir avec cette agression au lieu de parler élections».
Il est rejoint par l’un de ses collègues transfuge du camp de Moise Katumbi. Selon Eliezer Tambwe, « le peuple devrait faire le choix entre sa sécurité, son développement et les élections ». Nul doute qu’au cours des jours et semaines à venir verront les rangs des adeptes du report des élections s’enfler jusqu’à atteindre les travées du parlement dont la rentrée le 15 mars sera déterminante.

La sous-région se met en mouvement
Dans la sous-région, l’on s’active pour éviter un chaos généralisé en RDC. Président de l’EAC (Communauté de l’Afrique de l’Est), le Burundais Evariste Ndayishimiye a profité de la tenue à Kinshasa du Sommet de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique Centrale) pour faire, juste après, la traversée du fleuve Congo, à la rencontre du président Denis Sassou Nguesso de la République du Congo.
De Burundi jusqu’à Brazzaville, on cherche à convaincre le Président Félix Tshisekedi à s’inscrire dans la dynamique d’un dialogue qui prendrait également en compte les revendications du M23 et de l’opposition congolaise. Depuis le mini-sommet d’Addis-Abeba sur la RDC, Luanda a reçu mandat d’approcher le M23 – ce que le président angolais a confirmé dans un entretien à RFI (lire en page 8).
Les élections, devenant plus que jamais hypothétiques à l’échéance du 20 décembre 2023, c’est l’objet d’un dialogue qui est mis en avant. A ce jour, on apprend que les discussions achoppent autour du format et de la durée de la transition. Un dossier désormais pris en charge au niveau sous-régional et qui se traite sur l’axe Bujumbura-Brazzaville-Luanda.

Econews