Intervenant au cours d’un débat public de la Société civile

ME GEORGES KAPIAMBA, PRÉSIDENT DE L’ACAJ

Me Georges Kapiamba «encourage» l’accord conclu entre la RDC et le groupe Ventora

Mesdames et Messieurs,

Très chers collègues,

Permettez-moi de vous saluer et de vous souhaiter une cordiale bienvenue dans ce cadre où nous allons engager un échange citoyen sur un sujet d’intérêt national qui ne cesse, à tort ou à raison, de soulever des vagues dans les états-majors des partis politiques et des ONG que nous sommes. Il s’agit en l’occurrence de la récente signature d’un Protocole d’accord qui clôt à l’amiable un important et lointain litige opposant l’Etat congolais et la Société Ventora, au sujet des actifs miniers et pétroliers.

Vous constaterez que pour besoin de sérénité nécessaire, nous avons estimé convier à cet échange les ONG de la Société civile dont la mission essentielle ne vise nullement la conquête et la conservation du pouvoir d’Etat qui caractérise les opérateurs politiques. Nous avons aussi invité des médias et des mandataires en mines et carrières.

Ce choix s’explique par le fait que, contrairement à certaines idées reçues, les ONG et les médias ne sont pas des ennemies, encore moins des opposants à un quelconque système politique ou social. Ils sont tout simplement des porte-voix des sans voix. Ils ont par ailleurs la capacité d’être audibles auprès des décideurs et ainsi obtenir d’eux la satisfaction des besoins du plus grand nombre. Donc, au-delà de nos différences, nous sommes appelés à rester mobilisées et parler d’une voix crédible pour que nos plaidoyers parviennent aux gouvernants.

Notre rôle est essentiellement de nourrir le contrôle citoyen sur la gestion de la chose publique et d’en dénoncer les dérives telles que la corruption, la concussion, le détournement de deniers publics, le blanchiment des capitaux et autres travers contraires à la bonne gouvernance qui compromettent la satisfaction des besoins fondamentaux des citoyens.

Par-delà tout, notre mission consiste, d’une part à lancer des alertes en direction des décideurs sur des agissements contraires aux engagements vis-à-vis de leur serment et, d’autre part de relever et encourager ce qu’il y a de positif dans la gouvernance de notre pays. Car, critiquer ne suppose pas seulement d’accéder à l’autoréflexion, mais également de concevoir que les choses puissent être autres, c’est donc contester ce qui est à l’aune de ce qui n’est pas mais qui pourrait être. En ce sens, notre action devrait également mettre un focus sur des propositions idoines susceptibles d’influer sur la conception et la mise en œuvre des politiques publiques.

De la sorte, ensemble nous pourrions tracer les sillons sur lesquels se réalise un travail citoyen dynamique, positif et ambitieux pour l’avenir de notre pays.

Pour ce qui concerne spécifiquement le dossier République Démocratique Congo et Ventora, l’ACAJ considère que l’accord amiable intervenu entre parties est satisfaisant dans la mesure où l’Etat congolais, au-delà des contingences inhérentes à tout accord, a réussi à récupérer des actifs miniers et pétroliers donnés pour perdus, depuis plusieurs années, à la suite d’accords jugés défavorables aux intérêts de la République.

Les estimations des spécialistes indiquent que, compte tenu des cours mondiaux du cuivre et du baril de pétrole, les actifs ainsi revenus dans l’escarcelle de l’Etat congolais lui permettront de miser sur une valeur marchande de plus ou moins trois milliards de dollars américains.

En effet, le cours de l’or est actuellement au plus haut. Au 08 mars 2022, le kilo d’or était arrivé à plus de 59 mille euros et cela représente une hausse de 17% en un mois. Cette évolution est l’une des conséquences de la guerre en Ukraine, débutée le 24 février, l’or étant une valeur refuge en temps de crise. Dans le même temps, le cours du pétrole a beaucoup plus augmenté que le cours de l’or.

En effet, la guerre en Ukraine a entraîné une explosion des cours du pétrole sur la planète, évoluant actuellement largement au-dessus de 120 dollars, pas loin de ses records historiques. Les deux blocs contiendraient environ trois milliards de barils de pétrole.

Donc, cet accord mérite d’être encouragé dans la mesure où une jurisprudence malheureuse démontre que notre pays éprouve d’énormes difficultés à mener et faire aboutir positivement les procédures judiciaires au sein des instances arbitrales internationales. Et c’est à juste titre qu’en droit parfois les effets d’un arrangement même imparfait sont plus souhaitables qu’un procès mené en bonne et due forme, mais dont l’issue ne garantit nullement un succès.

D’aucuns pensent, non sans raison, que les minerais constituent jusque-là une véritable malédiction pour notre pays, et principalement pour les communautés locales qui n’en tirent aucun profit. C’est pourquoi, subsidiairement à la signature dudit accord, nous devons tous nous mobiliser aux fins de nous assurer de l’application dudit accord et que les dividendes qui en résultent soient effectivement affectés aux besoins sociaux de base de la population.

Enfin, l’ACAJ estime que la République Démocratique du Congo, qui est partie prenante à l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, devra tout mettre en œuvre pour déférer aux prescriptions idoines de cet instrument international.

Je vous remercie pour votre attention.

Kinshasa, Centre CEPAS, le 10 mars 2022.

Me Georges Kapiamba

Président de l’ACAJ